Le Slam dans le théâtre et le théâtre dans le Slam. C’est par ces mots qu’apparaissent les premières descriptions du spectacle que le collectif Tetra (Têtes rares ou têtes travailleuses) a proposé jeudi 7 mars 2024 au Centre Wallonie-Bruxelles à Kinshasa. En vrai, les mots manqueraient pour décortiquer les 60 minutes d’émotions, de mise en scène, de mots, de poésie, de Slam et de théâtre qui viennent marquer d’une empreinte indélébile la scène artistique congolaise.
En effet, trois jeunes très talentueux ont relevé le défi de donner une tout autre dimension à la scène Slam de Kinshasa en y apportant une touche particulière du théâtre. Membres du Collectif Tetra, Benjamin Masiya, Fernando Kusenza et Obed Bossa ont pris le risque de dénommer leur spectacle “Et le Slam s’est fait chair”. Quitte à laisser les interrogations dans les têtes du public avant de venir voir.
Sans aucun doute, le spectacle était au rendez-vous des attentes suscitées dans la communication. La salle de spectacle du centre Wallonie-Bruxelles a vu rouge, blanc, noir, elle en a vu de toutes les couleurs. Tellement le décor a suivi harmonieusement le scénario, alignant les lumières les unes après les autres, sur des slameurs-comédiens qui se transformaient dans leurs consumes, occupant sagement l’espace et les cœurs du public qui a applaudi en longueur de la soirée.
Une heure a suffi à ces trois jeunes, à peine la vingtaine, pour, non pas seulement mettre tout le monde d’accord, mais susciter le désir du public de vouloir encore le même spectacle au plus vite. Le côté mystique de cette prestation s’est fait ressentir aussi dans les choix des musiques et des textes déclamés. On dirait du gospel, mais avec des pincettes. Un pianiste, un guitariste, un violoniste et un batteur, tous également jeunes, ont accompagné cet exploit.
Devant professeurs de l’Institut National des arts (INA), étudiants, artistes, amoureux du Slam et bien d’autres catégories de personnes, Obed Bossa, Fernando Kusenza et Benjamin Masiya ont ostensiblement assuré le spectacle. Ils ont raconté le Congo, leur vie, leur travail, la société mondiale, la vie artistique ; en français, en lingala, en swahili, même en espagnol. Conscientisation, réclamation, moments de joie ; tous les sujets sont passés au crible.
Dans une ville de Kinshasa qui vibre chaque jour au rythme de la culture, au milieu d’une diversité impressionnante d’artistes qui remplit notamment la capitale congolaise, sacrée ville créative de l’UNESCO dans le domaine de la musique, le collectif Tetra se fraye déjà son bonhomme de chemin et avec la manière. Bien que ces trois artistes soient à leur premier spectacle, ils ont déjà offert de courtes prestations dans différents lieux, à plusieurs occasions, et ils n’ont pas déçu.
Ils sont tout simplement en pleine ascension et méritent d’être suivis de près. Ils ont déjà été en prestation à l’hôtel de ville de Kinshasa, au Festival International de Cinéma de Kinshasa, à la grande rentrée littéraire de Kinshasa, à la fête du livre de Kinshasa, aux neuvièmes jeux de la francophonie et dans plusieurs soirées Slam dans la capitale congolaise. Et cela, en seulement 2 ans et demi de collaboration dans le collectif Tetra.
Étudiants dans la filière mise en scène à l’INA, Obed, Fernando et Benjamin ont l’avantage de connaître la scène, de vivre la scène, de nager dans les eaux de la scène tels de petits poissons qui deviendront absolument grands. Ce qui leur permet de produire un travail artistique fourni et dramaturgiquement responsable et explicable. A les écouter parler, ils veulent placer la barre haut pour pousser toute la scène Slam à émerger.
Quand bien même ils étaient slameurs bien avant de commencer les études supérieures, ils ont décidé de relever le défi de faire de l’art et d’aller encore étudier pour l’approfondir. L’art, rien que l’art constitue leur métier. Leur réussite cassera plusieurs hésitations auprès des jeunes qui voudraient prendre le même risque académique artistique.
En tout, l’histoire de ce trio ne fait que commencer. Et le public qui les voit jouer n’est rien d’autre que chanceux, peut-être plus que les artistes eux-mêmes au vu de la qualité des spectacles qu’ils offrent. Une très belle page de l’histoire du Slam et du théâtre est en écriture.
Kuzamba Mbuangu