Le « carnage » de Goma impose le silence. Ne serait-ce qu’une minute. Respect aux morts … à nos morts. Jusques à quand faudrait-il patienter pour voir décrété un deuil national en hommage aux victimes, notamment au policier lynché ? … Dans ce contexte, si lugubre, la missive du VPM, Ministre des Affaires étrangères de la République démocratique du Congo au Président du Conseil de sécurité des Nations unies, agissant au nom de l’Albanie, intrigue d’autant plus qu’il force de questionner les marges dont dispose Kinshasa pour avoir gain de cause devant ledit Conseil en vue du « Retrait accéléré de la Monusco de la RDC ».
La charrue avant les bœufs …
Tout en considérant que les malencontreux événements de Goma font suite à des manifestations anti Monusco et Force de l’EAC, il convient de noter que les vraies circonstances du « carnage » ne sont pas encore clairement établies. Les enquêtes devront en lever le voile. Dès lors, aucune hypothèse n’est à écarter. Y compris celle selon laquelle les raisons publiquement évoquées de ces manifestations, consistant à exiger le retrait des casques bleus, n’en auraient été qu’un alibi savamment ficelé par des boutefeux à démasquer.
L’établissement des faits permettra de mettre les points sur les i en termes de responsabilités sans limitation des parties prenantes, et d’envisager des mesures idoines à court, moyen et long termes. En effet, la décision gouvernementale de fermer les églises non en règle au Nord-Kivu est une reconnaissance tacite d’un laisser-aller portant atteinte à l’autorité de l’Etat.
Pourtant, la loi relative à la lutte contre le blanchiment des capitaux, le financement du terrorisme et la prolifération dispose : « Les associations sans but lucratif (en ce compris les églises, ndlr) produisent à tout moment des informations sur l’objet et la finalité de leur activité, l’identité de la personne ou des personnes qui possèdent, contrôlent ou gèrent leurs activités, y compris les dirigeants, les membres du Conseil d’administration et les administrateurs » (Art. 76/ Loi n°22-068 du 27 décembre 2022). En clair, la « Foi naturelle judaïque messianique vers les Nations (FNJMN) », à l’initiative de laquelle furent tenues les manifestations du 30 août à Goma, est-elle en règle avec l’Etat ?
A peine deux jours après ces manifestations, le VPM saisit le Conseil de sécurité tout en avouant, dans sa correspondance aux allures d’une plaidoirie à désambiguïser, n’avoir pas été écouté dans ses précédentes initiatives. Ça veut tout dire …
Des préalables tactiques à remplir
Tout initié de la diplomatie sait parfaitement bien que c’est dans les couloirs, en l’occurrence du Conseil de sécurité, que sont négociées les grandes décisions actées dans les sessions publiques. Des questions de départ : le rapport de force en présence est-il en faveur de la RDC devant le Conseil ? Kinshasa a-t-il des alliés certains pour soutenir sa demande devant ledit Conseil ? Les réponses nageraient sur le côté de la négation.
Dans un contexte marqué par la présence de plusieurs intervenants dans le règlement de la crise sécuritaire dans l’Est de la RDC, Kinshasa a librement consenti à un ordre systémique des projets de paix le soumettant au devoir de consultations et de concertations préalables. Dès lors, demander au Conseil de sécurité d’autoriser le retrait de la Monusco en plein processus électoral relèverait d’un déni du caractère anxiogène des scrutins dans ce pays continent en proie à l’activisme de 264 groupes armés tant locaux qu’étrangers. Considérant, comme souligné dans ses résolutions, que « la situation en RDC constitue une menace à la paix et la sécurité internationales », le Conseil de sécurité a une lecture dont la conversion exige plus de tact à la diplomatie congolaise s’isolant manifestement dans un déficit de pragmatisme nuisant à la consistance de ses postures discursives.
Sauf démonstration miraculeuse de force pour imposer la paix dans l’Est, la RDC restera suspendue à la décision du Conseil de sécurité du 20 décembre, le jour même des élections générales en RDC, sur l’avenir de la Monusco malgré les griefs mis à sa charge. Seules les réformes structurelles axées sur la transformationalité de la gouvernance de l’Etat congolais plaideront en faveur d’un « retrait responsable et durable » de la mission onusienne. Où en sommes-nous ? Problème majeur, pourtant éludé par le VPM dans sa correspondance au Conseil de sécurité.
Lembisa Tini (PhD)