RDC : l'actualité de la semaine vue par Rose Kahambu 

Photo/ Droits tiers
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Du séjour du Procureur général de la Cour pénale internationale en RDC au prolongement du mandat de la force régionale, en passant par l'interpellation de Salomon Idi Kalonda ou l'annonce d'une nouvelle marche de l'opposition, la semaine qui s'achève à été riche au niveau de l'actualité. Rose Kahambu Tuombeane passe en revue tous ces faits marquants. 

Bonjour Madame Rose Kahambu et merci de nous accorder de votre temps. Pouvez-vous nous parler de votre parcours et vos activités ?

Rose Kahambu : Je suis Rose Kahambu Tuombeane, j'habite à Butembo (Nord Kivu). Je détiens un diplôme de licencié en Sciences de l’information et de la communication.

Avant d’être militante active pour la paix et les droits humains, j’ai été journaliste pendant plus de 10 ans. Alors étudiante, j’ai œuvré comme journaliste à la RTNC sous station de Butembo -Béni, aujourd’hui, sous station Butembo. En 2009, j’ai initié avec d’autres consœurs un regroupement des Femmes professionnelles des médias, que nous avons dénommé "Collectif des Femmes Journalistes", CFJ en sigle qui a son siège jusqu’à aujourd’hui dans la ville de Butembo. En tant que Coordonnatrice du CFJ, j’ai initié et réussi de mettre en place la première radio de la Femme, "Radio Communautaire Salama, la voix de la Femme" en 2011. Cette radio émet à partir de Butembo jusqu’à ce jour. Comme Communicologue, j’ai initié l’Agence de communication Salama, pendant plus de 5 ans, j’ai dirigé cette organisation comme coordonnatrice. 

En 2014, nous avons initié avec les autres femmes leaders de Butembo, la Dynamique des Femmes pour la bonne Gouvernance (DYFEGOU) pour qu’ensemble nous puissions contribuer  au retour de la paix et la restauration de la bonne gouvernance.

Je suis actuellement consultante individuelle en Gestion des conflits, médiation, négociation et diplomatie préventive. Je suis aussi formatrice, experte de renommée Internationale en leadership politique et je forme sur la conduite de la campagne électorale et communication politique. 

Par rapport à mon travail comme experte, je fais des recherches ou investigations pour une documentation et ces investigations me permettent de travailler en toute crédibilité. En tant qu'activiste, avec les autres, nous dénonçons et faisons des plaidoyers en vue du retour de la paix dans notre région. 

Au mois de mai, 33 personnes ont été tuées lors des attaques du groupe armé Mobondo dans le Kwango. Quels sont, selon vous, les moyens dont disposent autorités congolaises pour faire taire le conflit à la base de ce mouvement ? 

Rose Kahambu : Premièrement, le gouvernement doit former une défense forte. C'est-à-dire, réformer les FARDC pour que l'armée soit en mesure d’imposer la paix. Deuxièmement, réformer tout l’appareil sécuritaire afin que les services soient en mesure de prévenir toutes ces tueries(...). Aussi, le gouvernement doit mettre en place des cadres permanents de gestion de conflits ainsi qu'une diplomatie agissante.

Malgré les contestations au niveau local, le mandat de la force régionale a été prolongé jusqu’à septembre à la suite du 21e sommet de l’EAC. La RDC qui réclamait un mandat offensif pourrait-elle obtenir gain de cause cette fois ? 

Rose Kahambu : j'ai des doutes à ce sujet parce que, non seulement la RDC est partie aux négociations agenouillée, mais aussi et surtout elle n’a pas eu des bons négociateurs. On ne peut pas revendiquer ce qu’on avait pas exigé lors des négociations. Cela a toujours été l’erreur de la RDC. A la table des négociations, nos ambassadeurs ou nos diplomates ne disent pas les choses clairement ou ne disent carrément rien. Ils se soumettent aux propositions des organisations régionales et des pays membres qui sont souvent au service de l’ennemi. C’est lorsque les choses tournent mal que l'on proteste. Gérer signifie prévenir et prévenir signifie tout simplement voir le danger de loin et savoir l’éviter. Les dirigeants doivent savoir écouter la population car notre pays est de toute façon "démocratique". On ne doit pas tendre l’oreille à l’extérieur sinon on s'attire toujours des problèmes. On ne doit pas gérer un conflit en étant doux , bons envers tout le monde.

Les députés nationaux ont déclaré recevable le projet de loi portant répartition des sièges par circonscription électorale. Ce vote a eu lieu sans la participation de l’opposition qui a boycotté les plénières. Que faut-il pour s’assurer d'avoir des élections paisibles ?

Rose Kahambu : toutes les fois où les élections se préparent dans notre pays, il y a toujours ce comportement de la part des politiques. Et l’expérience montre que les élections ont toujours eu lieu avec la participation de tous les protagonistes. Sur ce, je pense que les élections auront lieu et surtout que c’est un besoin pour la population qui veut avoir de nouveaux dirigeants. Tout ce que nous souhaitons, c’est que ces élections soient transparentes et inclusives. 

Après leur manifestation du 20 mai réprimée par les éléments de la police, les opposants annoncent une autre marche le 21 juin. Comment les autorités de la ville devraient accueillir cette annonce ? 

Rose Kahambu : je souhaite que les autorités de la ville laissent l’opposition organiser sa manifestation. La liberté d’organiser une manifestation étant garantie par la constitution, on doit laisser les opposants manifester et au besoin prendre en compte leurs revendications et mettre en application celles qui sont faisables. Et les opposants doivent revendiquer des choses qui priorisent le besoin de la population. Ils ne devraient pas parler des élections pour des intérêts égoïstes ou parler au nom d'un peuple qui n’est pas toujours consulté.

Salomon Idi Kalonda, conseiller privé de Moïse Katumbi, a été arrêté cette semaine à l'aéroport de Ndjili. Un acte dénoncé par les opposants. Personnellement, quelle lecture avez-vous de cette action ? 

Rose Kahambu : je condamne cette façon d’agir contre l’opposition. J’ai toujours pensé qu’être opposant ne signifie pas avoir un grand nombre de personnes qui soutiennent votre idéologie. Les autorités doivent garantir la liberté de manifester, d’expression aux opposants et continuer les préparatifs des élections. Je souhaite donc que Monsieur Kalonda soit libéré et que cet acte soit puni, car il ne faut pas toujours donner l’impression que tout congolais interpellé est un malfrat.

Il s’est tenu à Kinshasa, la réunion des ministres et hauts fonctionnaires des gouvernements de la SADC en charge du genre et de la condition féminine. La budgétisation de l’agenda genre demeure un défi majeur pour assurer l’égalité des sexes dans la Communauté. Vos recommandations après ces assises ? 

Rose Kahambu : l'Afrique a des problèmes sérieux lorsqu’il s'agit de faire des programmes et des projets. Elle réclame son indépendance, mais, les pays africains n’ont pas encore la culture de cotisations, de l’auto financement . Ils aiment toujours tendre les mains aux pays européens, américains (...). C’est une honte pour une communauté de pays, de ne pas être en mesure de budgétiser et financer ses projets. Cette attitude des États africains ou des organisations régionales africaines fait que les pays soient toujours attentifs aux recommandations des bailleurs même pour des questions qui balisent l’intégration territoriale, des questions qui concernent la souveraineté nationale.

Au niveau du continent, à neuf mois des élections, au moins 10 personnes ont trouvé la mort dans des violences qui ont suivi la condamnation de l'opposant sénégalais Ousmane Sonko à deux ans de prison ferme pour "corruption de la jeunesse". Que pensez-vous de cette décision de justice ? 

Rose Kahambu : une décision injuste. Dans les pays africains, on sait vendre des infractions lorsqu’il s'agit de se débarrasser d’un adversaire gênant. Nous devons sortir de cette bassesse et construire de vraies démocraties. Je crois que c'est possible de gagner des élections de façon légitime. Un pouvoir légitime réussit toujours, car il travaille pour et avec la population dont il reconnaît le pouvoir. Sans prétendre avoir déjà lu la constitution sénégalaise et d’autres lois organiques de ce pays, je crois qu’il est difficile que l’infraction corruption de la jeunesse soit prouvée. Je me dis que parfois des hommes respectueux doivent apprendre à faire des choses à leur hauteur et de nature à prouver qu’ils respectent la population. Respecter la population c’est d’abord diriger selon les principes constitutionnels ou légaux et l’écouter toujours et faire sa volonté.

Plus tôt, le président Macky Sall a ouvert un "dialogue national" visant à faire baisser les tensions politiques au Sénégal. Cette initiative a-t-elle des chances d’aboutir ? 

Rose Kahambu : l'initiative aura la chance de réussir si et seulement si la justice évite de condamner des innocents et décide de dire le droit. Sinon, un dialogue à pareils moments ressemble à une corruption des esprits. Mais comme en Afrique, il y a plus de corruptibles que de corrupteurs, nous ne pouvons pas exclure la surprise négative de voir les esprits achetés par des postes et de l’argent agir avec raison après le dialogue !

A l’international, au cours du séjour à Kinshasa du procureur général de la CPI, la RDC et la Cour ont signé un memorandum of understanding (un accord formel entre les deux parties,NdlR). Vos recommandations à ce sujet ? 

Rose Kahambu : nous attendons que la CPI envoie ses enquêteurs pour les crimes commis et qu’elle se saisissent des auteurs. Nous voulons que ce mémorandum soit réellement dans le but de lutter contre l’impunité autour des crimes graves commis en RDC et que cela ne soit pas seulement des actions populistes de la part du gouvernement.

La visite du Procureur a été précédée par le dépôt d’une plainte de la RDC contre la coalition M23/RDF pour les crimes commis et le pillage des ressources naturelles. Quelles actions attendez-vous de la part de la CPI ? 

Rose Kahambu : je souhaite vivement que la paix s’instaure et que les élections se tiennent dans le délai prévu par le calendrier électoral. Les autorités du pays doivent fournir des efforts. 

Propos recueillis par Prisca Lokale