Le syndicat patronal des exploitants forestiers ne décolère pas trois ans après la publication du rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) sur les concessions d’exploitation forestière industrielle en RDC. Le président de la FIB, Gabriel Mola Motya, et son secrétaire général, Éric Gitadi Gilungu, ont tenu à répondre point par point à ce qu’ils qualifient de contre-vérités qui nuisent aujourd’hui encore à l’image du secteur.
Selon le rapport de l’Inspection générale des finances, « la grande majorité des exploitants n'ont jamais réagi aux demandes leur adressées, et l'administration forestière a été défaillante pour collaborer à leur localisation ». Ce que le syndicat patronal des exploitants forestiers conteste.
"Quand on prend le contrat de concession forestière, la première information, c'est l'identification du concessionnaire et dans cette identification, vous avez tout, son nom, et l'adresse de son siège social. Dire qu'il n'y a pas d'adresses des sociétés forestières c'est faux, elles sont bien identifiées «, a soutenu Éric Gitadi Gilungu, secrétaire général de la Fédération des Industriels du Bois (FIB) au cours d'une interview accordée à ACTUALITE.CD au mois de Mars 2023.
"Si l'IGF n'arrive pas à trouver l'adresse d'une société, elle doit se mettre en tête qu'il y a des syndicats des sociétés. Elle pouvait venir vers nous, on aurait dû lui donner toutes ces adresses-là. Nous, on connaît même les adresses des sociétés qui ne sont pas membres de notre syndicat. Il faut éviter de tomber dans ces genres d'affirmations que nous qualifions d'affirmations gratuites. C'est pourquoi je vous ai dit que, dans ce rapport, il y a à boire et à manger”, a rétorqué le président de la FIB, Gabriel Mola Motya.
L’Inspection générale des finances a également accusé dans son rapport quatre exploitants forestiers, Maniema Union 2, Congo King Baisheng Forestry et Congo Sunflower Forestry Development de ne pas avoir payé l’intégralité des droits dus à l’Etat et de lui devoir plus de 3 millions de dollars. L’IGF avait précisé que c’était parmi les rares sociétés à lui avoir répondu.
"Il contient des contre-vérités. Je prends le cas de la fiscalité forestière, le paiement de la taxe de superficie concédée. La loi dit que la taxe de superficie concédée se paie sur la base de la superficie exploitable et quand vous payez la taxe de superficie, cela vous confère le droit d'exploiter votre concession. Lorsque vous avez élaboré votre plan d'aménagement, qu’il a été validé et approuvé, la superficie brute va connaître une modification parce qu’il faut extraire les zones de développement rurales, les zones de conservation, les zones de protection. Je donne un exemple comme ça au hasard : si vous aviez 100.000 hectares de forêt, après les travaux d'aménagement forestier, votre plan d'aménagement retient 60.000 hectares pour l’exploitation. C'est la superficie qu'on appelle exploitable et c'est sur cette base qu'on doit calculer le paiement de la taxe de superficie. Et ça, l'IGF n'en a pas tenu compte", a déploré Gabriel Mola Motya, président de la Fédération des Industriels du Bois.
Et de poursuivre :
"Vous avez lu quelque part : ils n'ont pas payé la taxe et ceci celà mais depuis, je crois, 2013 la taxe de superficie a été rétrocédée intégralement, totalement aux provinces. Ce n'était plus une taxe à percevoir pour le compte du gouvernement central et ça, l'IGF ne l'a pas souligné. l'IGF n'est pas allée en province pour vérifier si telle société a payé ou pas mais l'IGF est allée à la DGRAD".
De son côté, Éric Gitadi Gilungu, secrétaire général de la Fédération des Industriels du Bois (FIB), a tenu à rassurer que contrairement aux affirmations de l’IGF, toutes les sociétés paient les droits en douanes à l'exportation auprès de la Direction Générale de Douane et Accise (DGDA).
"Un des griefs reprochés au secteur, l'IGF dit que le secteur ne paie pas la taxe à l'exportation, elle se fonde sur un article du code forestier, l'article 122, qui énumère certaines taxes dont la taxe à l'exportation. En disant cela, l'IGF se trompe : toutes les sociétés paient les droits en douanes à l'exportation auprès de la DGDA (droit de sortie, NdlR). Voilà ce que nous reprochons également à ce rapport", a-t-il indiqué au cours de cet entretien.
Et de compléter :
"Je voudrais ajouter également un autre grief adressé aux entreprises, l'IGF dit, il y a eu attribution abusive des forêts dont la superficie totale dépasse 500.000 hectares pour certains concessionnaires. Elle a cité dans son rapport des concessions dont la superficie varie à plus de 500.000 hectares, 900.000 hectares, 1 et 2 millions d'hectares. L'IGF se justifie en s'appuyant sur l'article 92 du Code forestier qui parle effectivement du plafond de superficie à avoir mais l'IGF n'a pas exploité à fond cet article-là. Elle a oublié le dernier alinéa. Si avant la conversion des titres, j'avais 2 millions d'hectares ça m'appartient. Lorsqu'on a converti ce titre-là, ça devient le contrat, mes 2 millions d'hectares sont à moi, ça reste intact mais pour l'IGF, ils ont dépassé telle superficie mais quand on parle des droits acquis, c'est ça, on ne peut pas me soustraire ce droit-là", a-t-il déploré
L’Inspection générale des Finances (IGF) a dénoncé “l’application sélective” du paiement d’une caution imposée par la loi à toute entité désirant obtenir une concession forestière. Mais pour la Fédération des Industriels du Bois, l’IGF a fait une mauvaise interprétation de la loi.
"Quand on vous octroie une concession, la loi dit qu’il faut payer une caution dans le Code forestier pour justifier vraiment vous êtes capable et l'IGF, je crois, a pris soin de lire les contrats de concession forestière mais il y a un article quelque part dans le contrat qui dit que les concessionnaires forestiers, les industriels ne sont pas concernés par le paiement de la caution. Donc dans son rapport, l’IGF devrait relever tout ça" a fait remarquer le président de la FIB
Au Secrétaire général d'ajouter :
"Ce sont des titres qui existaient bien avant, cela existait sous l'appellation "Garantie d'approvisionnement et Lettre d'intention" et ce sont ces titres qui ont été convertis, c'est devenu le contrat de concession forestière, ce ne sont pas des nouvelles allocations, non, la caution va concerner les nouvelles allocations à venir après la levée du moratoire mais pas les anciens titres qui sont devenus contrats de concession forestière."
Pour le Fédération des Industriels du Bois en RDC, le rapport de l'IGF avec ses faiblesses ne vient que pour ternir l'image du secteur
"Le rapport de l'IGF ne doit pas être pris pour une parole d'évangile. Nous regrettons parce que ce genre de choses ne fait que ternir davantage l'image du secteur, finalement on se pose la question, qu'est-ce qu'on veut pour ce pays ? Est-ce qu’on veut le développement de ce pays à travers la mise en valeur de ces différentes ressources ? Ou bien pour le cas des forêts, on veut mettre les forêts congolaises sous cloche, exploitation zéro, comme ça l'humanité entière bénéficie de l'oxygène. Une forêt qui n'est pas exploitée se meurt et ça, ils doivent le savoir", a indiqué le président de la Fédération des Industriels du Bois.
Cet article fait partie d’une série d'enquêtes réalisée avec l’appui de Rainforest Journalism Fund, en partenariat avec Pulitzer Center.
Propos recueillis par Clément Mwamba
Cet article fait partie d’une série de productions dans le cadre de l’enquête menée sur les conditions d’attribution, d’exploitation et de commercialisation des concessions d’exploitation forestière.
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