Tanganyika : à Mokimbo, épicentre du conflit Twa et Bantou, la paix renaît malgré les stigmates de la violence

Une famille retournée à Mukimbo, village à près de 40 kilomètres de Nyunzu-centre(Tanganyika), après des violents affrontements entre Twa et Bantou
Une famille retournée à Mukimbo, village à près de 40 kilomètres de Nyunzu-centre(Tanganyika), après des violents affrontements entre Twa et Bantou

Le village Mukimbo, épicentre du conflit communautaire qui a éclaté entre Twa et Bantou en 2016, est situé à environ 40 kilomètres de Nyunzu-centre, dans la province de Tanganyika, au sud-est de la RDC. 9 ans après que des gens sont morts et des cases brûlées lors des combats violents, la paix semble revenir, grâce à l'implication des agences du système des Nations-Unies. Mais les stigmates sont présents en dépit d'une cohabitation inéluctable. 

Sous une pluie battante, une délégation de l'ONU débarque dans ce village dont le chef est absent. Son adjoint, une femme à la forme svelte, apparait accompagnée d'un groupe des jeunes, membres des clubs «Dimitra»- des groupes des jeunes ayant pour rôle notamment de recueillir les plaintes des communautés à transmettre à la hiérarchie pour une cohabitation pacifique-, et reçoit les civilités avant de donner le feu vert aux journalistes d'entendre les bénéficiaires du cash que le Programme Alimentaire mondial (PAM) a remis à tous les ménages pendant 6 mois. 

« Mokimbo est un village où ont éclaté les conflits communautaires. Ceux-là sont des gens déplacés, auxquels on a apporté les soutiens dans le cadre d'urgence. Et pour éviter leur dépendance au PAM, nous entamons, avec le FAO, UNICEF et UNFPA, un projet d'appui aux petits producteurs, qui va concerner également le village Mukimbo pendant quatre années en vue des solutions durables », a expliqué João Semedo, chef du sous-bureau PAM/Nyunzu-Kabalo. 

Manganza Muzinga, jeune femme enceinte, témoigne sa reconnaissance au PAM pour le cash lui octroyé, qui l’a aidée à se procurer des ustensiles cuisine, des chaises en plastique et quelques habits. « Auparavant, nous vivions de l’agriculture, mais l’assistance du PAM en cash a véritablement changé notre vie, parce qu’on commence déjà à acheter de nouveaux habits, à trouver de la nourriture et des assiettes qu’on a mises à la maison », a-t-elle déclaré.

En pleine cuisson devant sa case, Sindani, qui a repris la vie à zéro, a su utiliser à bon escient les fonds lui fournis par le PAM, contrairement aux autres qui les ont dilapidés. « Avec cet argent, j’ai acheté une chèvre et des poules, avec l’idée de faire l’élevage », déclare-t-elle, ajoutant avoir pris fuite, elle et ses enfants, à Nyunzu lors des affrontements entre Twa et Bantou.

Fatuma Angelina, elle, ces ressources lui a permis d’apurer les dettes qu’elle avait contractées avant l’éclatement du conflit. Elle en a également acheté une radio, une torche pour illuminer la case pendant la nuit, et l’aide à trouver la nourriture. « J’ai apuré mes dettes avec cet argent, et maintenant je me sens dégagée », s’est-elle félicitée.

Un chauffeur des Nations-unies témoigne avoir vu des scènes d’un horreur hors pair, lors des combats, des Twa se promenant avec des chaînettes couvertes des pénis des hommes abattus. A l’en croire, durant les hostilités qui se sont déroulées moyennant des armes blanches dont des machettes, couteaux et des flèches, il était quasiment impossible d’arriver à Mukimbo, Kitshikibuke et les villages voisins, car la violence était telle que les antagonistes ne souhaitaient pas la venue d’une médiation pour la paix.

Aujourd’hui, cependant, comme les deux communautés sont censées vivre ensemble, se marient déjà entre elles, travaillent le champ, récoltent et vendent ensemble. Entre-temps, les agences du système des Nations-unies fournissent des efforts pour dissiper de leurs souvenirs les souvenirs sombres des hostilités, susceptibles de nourrir un nouveau conflit.

Samyr LUKOMBO, de retour de Nyunzu