RDC : l'actualité de la semaine vue par Anne-Marie Makombo

Photo/ Droits tiers
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De la visite du président français aux déclarations du chef de l'état Tunisien, en passant par la mort d'une dizaine d'enfants déplacés de Kwamouth, la suggestion des députés du Nord-Kivu au sujet des élections ou le passage de la mission de la CEEAC, la semaine qui s'achève a été riche au niveau de l'actualité. Zoom sur ces faits marquants avec Anne-Marie Makombo. 

Bonjour Madame Anne-Marie Makombo. Pouvez-vous nous parler de vos activités ? 

Anne-Marie Makombo : Je travaille pour l'instant sur une campagne de mobilisation auprès des populations congolaises afin qu'elles puissent s’enrôler en masse. Cela va leur permettre d'avoir des cartes d'électeurs et pouvoir accomplir leur devoir citoyen, à savoir voter lors des élections de décembre. Notre parti politique LIDEC (Ligue des Démocrates Congolais) que j'ai l'honneur de diriger en tant Présidente ai. y travaille intensément. Notre première cible est la femme car jusqu'ici nous constatons qu'elle n'est pas pleinement investie. Nous sommes également en train d'accueillir celles qui veulent postuler à tous les niveaux des prochaines échéances électorales. Nous organisons des séances de coaching et d'informations à leur égard. 

Au niveau africain, la semaine s’achève avec une visite du président français Emmanuel Macron en RDC dans le cadre d’un sommet consacré à la protection des forêts équatoriales. Que pensez-vous de cette visite?

Anne-Marie Makombo : je dirais sans ambages que ce n'est pas dans ce cadre (sommet consacré à la protection des forêts) que le président Macron est en visite officielle en République Démocratique du Congo. La France est aux abois et son président est venu relancer la politique africaine de la France qui est actuellement en perte de vitesse. Mais il fallait maquiller cet objectif. C'est pourquoi on parle d'un sommet sur la protection des forêts. (...) La France a beaucoup perdu en Afrique et spécialement en RDC en s'insérant dans cette guerre injuste que nous impose le Rwanda avec ses velléités belligérantes. Je dirais même que la France est vraiment partie prenante dans cette guerre. Le problème de l'insécurité dans les pays des Grands lacs s'appelle le Rwanda, comme l'avait souligné le Chef de l'Etat congolais Félix Tshisekedi. J'ajouterai que c'est le Rwanda et la France. Nous dire qu'Emmanuel Macron est venu en RDC pour un sommet sur l'environnement est un maquillage. La France est venue recoller les morceaux. 

Les mouvements citoyens se sont opposés à cette visite et veulent qu'Emmanuel Macron s’exprime clairement contre l’agression rwandaise à l’Est de la RDC. Pensez-vous que son point de vue aura des retombées positives? 

Anne-Marie Makombo : tout le monde sait à quel point la France est impliquée en faveur du Rwanda dans cette guerre injuste imposée à la RDC. La France a plaidé au niveau européen pour que 20.000.000 $ soient déboursés en faveur de l'Armée rwandaise. Ce qui démontre vraiment l'implication de la France au premier degré. Le peuple congolais est au courant, l'Afrique est au courant et donc nous ne pensons pas que des miracles puissent sortir de cet entretien avec Emmanuel Macron. Nous voudrions effectivement qu'il annonce solennellement, qu'il condamne cette guerre. Nous ne voulons pas des formulations très nuancées, d'un langage tellement nuancé que finalement on finit par ne rien dire (c'est ce que la France a toujours fait jusqu'à ce jour). Alors que quand on observe le langage que tient la France pour la guerre que l'Ukraine subit, on voit que ce langage est très clair et on utilise des mots justes, des mots qu'il faut. Emmanuel Macron doit savoir que l'époque coloniale est révolue et que plus de 70% de la population en RDC, en Afrique, ce sont des jeunes qui ont très bien compris toutes les tractations autour de cette guerre que subit la RDC. Les réseaux sociaux ont joué un très grand rôle pour véhiculer clairement cette position de la jeunesse. 

Concernant la force régionale, le Burundi va envoyer ses soldats dès ce 4 mars à Goma (Nord-Kivu). Sachant que le déploiement de cette force régionale n’a rien résolu jusqu’ici, que recommandez-vous aux autorités congolaises ? 

Anne-Marie Makombo : je pense que la force régionale a montré son incapacité. La guerre continue toujours malgré toutes les rencontres, les réunions, les décisions. (...) je suis convaincue qu'en mettant nos militaires dans les bonnes conditions de travail et de vie, nos forces armées seront capables de faire face à cette agression. Je m'interroge aussi. Pourquoi la RDC n'a jamais fait appel à la SADC ? Du temps de feu Laurent Désiré Kabila, la SADC a su montrer sa capacité de pouvoir aider la République Démocratique du Congo à faire face aux défis sécuritaires. La force régionale a montré son incapacité. Et je le répète, les FARDC sont capables de mettre fin à cette agression si le gouvernement congolais met tous les moyens à sa disposition. 

Entretemps, Martin Fayulu, appelle le gouvernement congolais à déclarer la guerre et rompre les relations diplomatiques pour faire respecter la Nation face aux autres Etats. Est-ce une proposition efficace ? 

Anne-Marie Makombo : effectivement rompre les relations diplomatiques est l'une des solutions. Mais je ne soutiens pas la proposition relative à la guerre. J'insiste en disant que notre armée est en mesure de mettre fin à ce combat, pourvu que l'on mette à sa disposition tous les moyens matériels et sociaux nécessaires. Les preuves sont tangibles à travers les combats que nos militaires mènent au front. La guerre, on sait comment elle peut commencer mais jamais comment la terminer. Nous pouvons donc éviter une déclaration solennelle de la guerre mais continuer le combat comme nous le menons en mettant cette fois notre armée dans de très bonnes conditions. 

A l’issue d’une mission préélectorale à Kinshasa, l’équipe de la CEEAC promet d’envoyer des observateurs électoraux. Que faut-il, au niveau local, pour que ces élections soient libres, transparentes et crédibles ? 

Anne-Marie Makombo : le président de la CENI, Denis Kadima nous a promis des élections transparentes et crédibles. Je pense donc que nous aurons ces élections dans notre pays. Le gouvernement devrait également répondre aux besoins de la CENI en mettant à sa disposition les moyens qu'il faut pour organiser ces élections. 

Dans une déclaration, les députés du Nord-Kivu ont exigé la suspension du processus électoral pour des raisons sécuritaires. Le Chef de l’Etat avait également évoqué au siège du conseil des droits de l’Homme de l’ONU, les difficultés à tenir les élections dans un tel contexte. Soutenez-vous ce point de vue ? 

Anne-Marie Makombo : je ne partage pas vraiment cet avis. Je pense que nous avons encore neuf mois. Il suffit d'une bonne organisation pour l'armée. Elle pourra faire face à cette agression et nous allons respecter les dates de notre constitution pour les élections. 

En santé, un rapport sur la situation des déplacés de Kwamouth note qu’au moins 10 enfants sont morts suite aux conditions précaires à Kwango. Quelles réactions faut-il attendre des ministères de la santé et des affaires sociales ? 

Anne-Marie Makombo : c'est une situation vraiment déplorable. Je pense que des fonds ont été alloués pour que les déplacés soient plus à l'aise. Il faut que la justice soit mise en marche pour des faits de détournement des fonds alloués à ces genres de situation. Donner plus de liberté à la justice, qu'elle soit également intègre et ne subisse aucune interférence dans ses actions. 

La semaine a aussi été impactée par les déclarations du président tunisien contraignant des subsahariens à quitter le territoire national, affirmant que leur présence était source de « violence, de crimes et d’actes inacceptables ». Comment avez-vous accueilli ces déclarations ? 

Anne-Marie Makombo : ces déclarations sont choquantes et inacceptables . L'Union Africaine à bien fait de condamner cela conformément à sa charte. Il est difficile de comprendre qu'après une telle décision, des personnes se retrouvent dans la rue, des enfants ne pouvant même plus aller à l'école. Cela doit également nous (certains pays africains) servir de leçon. Nos enfants ne devraient plus s'y rendre pour des programmes de bourse d'étude qui pourtant apportent des bénéfices à la Tunisie. Ces déclarations sont inhumaines et méritent d'être condamnées à tous les niveaux. 

Un dernier mot ?

Anne-Marie Makombo : je ne parlerais que de cette guerre injuste que nous fait subir le Rwanda et la communauté internationale. Il y a eu tant de morts sous le silence pratiquement du monde entier. Comment est-ce possible en plein XXIème siècle ? C'est scandaleux ! Je suis heureuse du fait que la jeunesse congolaise ait pris conscience de cela grâce notamment aux réseaux sociaux. Pas à pas, cette jeunesse s'active, se forme, comprend ce qu'il faut faire pour sauver ce pays. Je m'adresse à cette jeunesse : Réveillez-vous. Il est temps de prendre notre pays en main. Nous devons sauver ce pays que nos ancêtres nous ont légué. Ils nous l'ont laissé entier et personne ne doit le morceler. Ce pays ne sera pas réduit en morceaux. Depuis des décennies, la communauté internationale cherche à diviser ce pays, elle n'y arrive pas. Ce plan existe toujours et nous devons être vigilants, ouvrir l'œil et le bon pour être prêt à agir et défendre notre pays. 

Propos recueillis par Prisca Lokale