RDC : « les hôpitaux ne nous accueillent pas en tant que femme vivant dans la rue » 

Photo/ Actualité.cd
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36 ans et mère de 4 enfants, Cathy vit dans les rues de Kinshasa depuis une vingtaine d'années. Son petit commerce de whisky et cigarettes constitue sa principale source de revenus . Dans ce reportage, elle nous relate ses difficultés à accéder à des soins de santé de qualité.  


" C’est à 13 ans que je suis arrivée dans la rue. Née à Kingabwa (un quartier de Limete) d'un père machiniste et d'une mère ménagère, je me suis retrouvée dans cette situation un soir où ils se sont longuement disputés. Ma mère était enceinte. Après l'accouchement, la vie est devenue très difficile. Elle a demandé à retourner dans son village natal. J'ai dû partir de la maison. Mon père m'a recherchée, il a tenté de me ramener mais cela n'a pas marché. J'avais goûté au plaisir de la rue. Je ne voulais plus retourner à la maison", se rappelle Cathy.


Durant 23 ans, Cathy n'a pas connu d'évènements atroces tels que le viol ou les affrontements entre gangs. Sa seule difficulté a été d'avoir rencontré des partenaires en amour (Yankees) qui l'ont physiquement violenté. "J'ai été battue plusieurs fois dans toutes mes relations de couple. D’autres m’ont mise à la porte après l’accouchement. Je n'ai jamais vécu une vie amoureuse heureuse", avoue-t-elle.


« Se faire passer pour une épouse de militaire ou attendre des ONG » pour avoir des soins de santé


Pour prendre une douche, toutes les femmes et jeunes filles de la rue sont obligées de se lever à 4heures du matin ou attendre 19 heures, pour éviter les regards des passants. Un tuyau en panne de la Regideso, près de la toilette publique, leur permet d’avoir accès à l’eau. Cathy passe ses nuits entre des bâtiments en chantier et les toilettes publiques.


 « Il faut payer au moins 2.000 francs congolais pour passer sa nuit dans les chantiers. C’est ainsi que quelques fois, lorsque je n’ai pas assez d’argent, je passe ma nuit dans les installations des toilettes publiques. J’ai des draps. Je les étale à l’intérieur et y passe mes nuits. Si l’eau ne jaillit pas du robinet, nous allons vers le fleuve pour tous nos besoins en eau », a-t-elle expliqué.


En cas de maladie, elles font recours à l’automédication car, « les soins de santé sont quasi inaccessibles. Pour les maux de tête, les infections, nous payons des antidouleurs et de l'amoxicilline. Consulter un médecin coûte très cher. Les hôpitaux ne nous accueillent pas en tant que femme vivant dans la rue, ils nous accueillent en tant que patiente, cliente ou autre. Il faut plaider jusqu’à ce qu’ils acceptent de réduire la somme à 50 %. Il y avait un centre de santé Afia-BBS (Bomoyi bwa sika) non loin de l'hôpital général de référence de Kinshasa (ex Mama Yemo) qui nous offraient des soins de santé de qualité gratuitement ou à moindre coûts. Au fil des années, les services sont devenus médiocres. Il ne nous offre plus des soins de qualité. J'ai accouché une fois à Vijana, une fois au camp Lufungula, une fois à l'hôpital du Camp Kokolo (j’ai dû passer pour l’épouse d’un officier des FARDC). Pour les rendez-vous de CPN, CPoN, il fallait payer entre 60.000 FC (équivalent de 30 $) et plus, sans compter les frais des fiches de consultation et des examens », dit-elle.


Et de poursuivre, « il y a plus de deux ans, le personnel de santé, les ONG venaient vers nous, quel que soit l'endroit où nous étions. Ils nous donnaient rendez-vous pour retirer des médicaments contre les Infections urinaires, les Infections sexuellement transmissibles (IST), les préservatifs, prenaient en charge les personnes séropositives et donnaient même des soins pour des blessures. Depuis que le pouvoir a changé, ils ne viennent plus ».


Par ailleurs, Cathy regrette d’avoir quitté le toit parental. Elle a eu sa première fille à 19 ans. Cette dernière a suivi une formation en esthétique. Cathy espère trouver un fonds de commerce consistant pour lancer un autre commerce et des frais de garantie pour quitter la vie de rue, réunir ses enfants et prendre soin de leur éducation. Son commerce actuel lui rapporte en moyenne 2.000 Fc de bénéfice par jour.

Prisca Lokale