Pourparlers de paix en RDC : comment rendre effective la participation de la femme dans la résolution des conflits ?

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Fifi Baka, photographiée par Ley Uwera dans le cadre d'un projet sur l'implication des femmes aux pourparlers de Paix.

La République Démocratique du Congo multiplie les efforts pour rétablir la paix dans sa partie Est, en proie aux groupes armés. Cependant,les organisations féminines dénoncent le fait  que les femmes n’ont pas joué un rôle majeur dans les mécanismes initiés jusqu'à présent. Que faire pour accroître leur participation aux tables de négociations ? Présidence, ministère du genre, médiatrices et juriste ont répondu au Desk Femme. 

Avril 2022. A l’issue d’un mini-sommet de la Communauté d'Afrique de l'Est (EAC) axé sur la sécurité en RDC, le président Tshisekedi désigne un groupe d'experts congolais devant mener des pourparlers avec les groupes armés, facilités par le Kenya. En plein processus, des hostilités reprennent en territoires de Rutshuru et Nyiragongo. Le M23/Makenga est expulsé desdites consultations. Le dialogue consultatif s’est achevé le 28 avril. 

En mai, mandaté par le 16ième sommet extraordinaire des Chefs d’Etat de l’Union Africaine, Joao Lourenço conduit le processus de Luanda. Il n’y aura malheureusement pas cessation des hostilités.  31 août. Au cours de la réunion virtuelle du Conseil de Paix et Sécurité de l’Union africaine (UA), Christophe Lutundula ministre des Affaires Etrangères, souligne que “la situation (sécuritaire ndlr) n’a pas changé, malgré les initiatives prises au niveau régional”. 

Des médiatrices congolaises dénoncent le manque d’inclusivité. Rien sans les femmes organise des conférences-débat et préconise la participation de la femme dans les résolutions des conflits.

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Au niveau de la présidence, on argumente. « Ce qui a été fait avec les groupes armés, était une sorte de processus de négociation. Il ne s'agissait pas de dialogue ou médiation à proprement parler, mais des consultations. D'une part, les groupes armés qui venaient avec leurs desideratas, et d'autres part, la délégation congolaise, composée d’au moins 5 personnes dont deux femmes (Conseillère en matières juridiques et Porte-parole du Chef de l’Etat), avec un message clair du président de la République, déposez les armes et rejoignez le PDDRS-C (Programme de Désarmement, Démobilisation, Relèvement Communautaire et Stabilisation). Si on arrivait vraiment à une phase de médiation ou de dialogue, la femme aura un rôle important à jouer aux côtés des autres forces vives », a indiqué l'un des porte-paroles du Chef de l'Etat à Actualite.cd. 

Des soucis dans la compréhension de la 1325

Face à cette précision de la Présidence, Annie Matundu, coordonnatrice régionale et point focal RDC de la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté (Wilpf) s’interroge.

« Il y a une sorte de confusion en ce qui concerne l’implication des femmes dans la résolution des conflits. La résolution 1325 (Femmes, Paix et Sécurité), adoptée depuis l’année 2000, va totaliser 22 ans cette année. Est -ce que les Congolaises sont réellement impliquées ? Je dirais que non. Cette résolution recommande aux Etats de garantir une participation des femmes aux tables de négociations. C’est-à-dire, dès la première initiative de la recherche de la paix, les femmes doivent y jouer un rôle important. Mais si l’on estime qu’il faut intégrer les Congolaises en aval, quel résultat voudrait-on obtenir ? Si deux femmes de la présidence ont pris part à ces rencontres avec les groupes armés, c’est une bonne chose. Mais, travaillent-t-elles en matière des conflits ? Étaient-elles habilitées à porter un message du gouvernement congolais ?» 

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Aout 2022. Pétronille Vaweka, médiatrice de paix basée en Ituri lance un centre dédié à l’engagement des femmes pour la paix en Afrique.

« Dans la résolution des conflits, la gestion, la protection, nous sommes parvenus au constat selon lequel le rôle de la femme ne compte pas. (…) Nous voulons travailler dans la promotion des expertes médiatrices de paix », dit-elle.

Une volonté, un budget et un suivi

Présidente de l'alliance internationale des femmes avocates (AIFA-RDC), Joëlle Kona estime que la RDC dispose de tous les instruments favorables à la promotion de la femme. A titre illustratif, le Plan d’action national I et II (PAN) de la résolution 1325, adopté en 2018.

« Il faut de la volonté politique pour affecter un budget à l’intégration de la femme dans les processus de paix et la gouvernance du pays. Ensuite, un suivi subséquent. (…) Les médiatrices doivent user de toutes les voies possibles pour faire entendre leurs messages. En réclamant, cela va  permettre de mettre en lumière les expertes congolaises et faire savoir au monde qu’elles sont là effectivement », a-t-elle souligné.

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« Nous allons vraiment accélérer les travaux »

Le 31 octobre, en marge des 22 ans de la résolution 1325, la RDC devra également déposer un rapport au Conseil de sécurité des Nations Unies. Le ministère du genre se prépare en conséquence.

« Des comptes nous seront demandés, vu le contexte sécuritaire que traverse la RDC. Il faut que nous ayons des preuves à apporter. La participation des médiatrices congolaises aux pourparlers de paix est l’un des principaux défis liés au genre en RDC. C’est très capital, nous y croyons (…). Il fallait aussi suivre l’évolution des processus lancés par le Chef de l’Etat lui-même. Que ce soit au niveau de Nairobi, l’EAC ou la SADC. Maintenant qu’un rapport de l’ONU a révélé au monde entier, que nos voisins sont directement impliqués dans les conflits qui sévissent la partie Est de notre pays, nous allons vraiment accélérer les travaux pour l’implication des femmes à différents niveaux », a assuré la ministre Gisèle Ndaya Luseba à ACTUALITE.CD 

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Prisca Lokale, JDH