RDC: « Il faudra réfléchir quoi qu’il arrive à la manière pour le Congo de ne plus dépendre d’aides extérieures pour assurer sa propre sécurité » (Pierre Boisselet)

Photo ACTUALITE.CD

« Le M23 a été comme vous le savez la raison de ces dernières manifestations, le fait que les Nations unies ne sont pas capables de battre le M23. La vérité, c’est que le M23 aujourd’hui est une armée moderne, avec des équipements lourds qui sont plus perfectionnés que les équipements de la Monusco », a déclaré le secrétaire général des Nations Unies qui a évité de citer le Rwanda comme soutien à ce mouvement malgré les relances des journalistes. 

L’ensemble du dossier ici:

ACTUALITE.CD donne la parole aux acteurs politiques et divers experts sur la portée de la sortie médiatique du secrétaire général des Nations unies la veille du débat général de l’Assemblée générale de l’ONU. 

Pierre Boisselet est Coordonnateur des recherches sur la violence à Ebuteli, Institut congolais de recherche sur la politique, la gouvernance et la violence / Partenaire de recherche du Groupe d’Etude sur le Congo (GEC). Il a répondu aux questions de la rédaction.

Comment analysez-vous ces propos ?

Des propos surprenants qui reprennent la même posture que celle prise par la MONUSCO. Pourtant on sait que ce discours a braqué une partie de la population du Nord-Kivu contre la mission onusienne et a contribué d’une certaine mesure à l’expulsion de Mathias Gilmann. C’est assez frappant de voir que le discours n’a pas évolué. Ce qui va encore surprendre beaucoup de congolais. C’est cette idée que la MONUSCO ne serait pas équipée pour faire face au M23. Tout le monde a en tête que précisément la MONUSCO a été au cœur de la précédente défaite du M23, en 2013. Visiblement à l'époque, elle en avait les moyens. Certes la configuration est un peu différente. Il y a beaucoup plus d’ennemis comme les ADF, la CODECO, etc. 

Il y a aussi la responsabilité du Rwanda qui n’est pas clairement signifiée par Antonio Guterres

L’autre chose qui va beaucoup étonner au Congo, c’est le fait que dans cette interview Antonio Guterres ne pointe pas clairement la responsabilité du Rwanda malgré que celui-ci a été identifié par un rapport du Groupe d’experts des Nations unies sur la RDC. A mon avis, cela s’explique par l’analyse qu’il fait. Selon lui, la solution à ce problème, c’est une négociation à l’échelle régionale entre la RDC, le Rwanda et l’Ouganda. Pour permettre aux Nations unies de jouer un rôle de médiateur dans ce processus, il estime qu’il ne faut pas prendre le risque de braquer le Rwanda.

Quelle marge de manœuvre pour Félix Tshisekedi? 

Je pense que la marge de manœuvre du président Félix Tshisekedi est assez étroite aujourd’hui. On voit que malgré les informations crédibles qui pointent la responsabilité du Rwanda dans cette crise du M23, la communauté internationale ne semble pas vouloir mettre une très forte pression sur Kigali. Elle semble assez divisée. On ne voit pas une initiative vraiment forte.

Il y a aussi des défis internes 

L’autre problème auquel est confronté Félix Tshisekedi est le fait que l’Armée congolaise ne semble pas à mesure, à elle seule, de vaincre le M23 et de le repousser hors des frontières congolaises. Pour amener l’Armée congolaise à ce niveau, il faudrait des réformes d’ampleur qui prendraient du temps. Malheureusement, Félix Tshisekedi ne les a pas véritablement entamées depuis qu’il est à la présidence. 

Quelle pourrait être la suite?

L’idée de négociation avec le M23 et/ou le Rwanda et l’Ouganda me semble aussi assez bouchée parce que c’est une option extrêmement impopulaire en RDC. Ça sera de plus en plus difficile alors que les élections approchent d’avancer sur cette piste-là. Les différents points évoqués devraient amener Félix Tshisekedi à chercher une aide extérieure davantage. Il semblerait que c’est d’ailleurs un des enjeux de l’Assemblée générale des Nations unies pour la RDC. Il y a des pays qui sont volontaires pour essayer d’intervenir dans l’Est de la RDC. Ce sont ceux de l’EAC, à l’exclusion du Rwanda.  Il a dit qu’il pensait qu’une force robuste africaine qui serait financée par les contributions à l’ONU lui semblait être la seule solution. Il y a un certain alignement des planètes. Je pense qu’on va probablement continuer à discuter de cette option dans les mois qui viennent. Elle aussi risquée. Il faudrait des garde-fous importants si cette voie est suivie. Il faut aussi avoir en tête que ça ne peut être qu’une solution transitoire. On a vu que c’est à peu près cette configuration qui avait permis de défaire le M23 en 2013, mais cela n’a pas réglé le problème sur la durée. Il faudra réfléchir quoi qu’il arrive à la manière pour le Congo de ne plus dépendre d’aides extérieures pour assurer sa propre sécurité.

Suivez l’entièreté de l’interview ici: