Malgré la signature de l’accord de paix du 27 juin 2025 entre la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda à Washington, la question des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR) continue d’alimenter la discorde entre les deux pays. Dans une interview à Jeune Afrique, le ministre rwandais des Affaires étrangères, Olivier Nduhungirehe, a affirmé que l’accord signé n’impliquait pas le retrait des troupes rwandaises, mais visait uniquement les groupes armés non étatiques.
« Le terme “désengagement” se réfère exclusivement aux groupes armés non étatiques », a déclaré Olivier Nduhungirehe.
Interrogé sur les conditions de levée des « mesures de défense » rwandaises, il a conditionné ce retrait à la neutralisation des FDLR.
« Les FDLR, ce sont des forces qui sont soutenues par le gouvernement congolais, qui sont même intégrées dans les FARDC. Même les rapports des Nations unies le disent. Donc ce n’est pas seulement le Rwanda qui le dit », a-t-il déclaré.
« Le gouvernement congolais admet que les FDLR sont un problème à neutraliser, ce qui va offrir la voie à la levée de nos mesures de défense », a-t-il poursuivi, tout en ajoutant :
« Les FDLR ne sont pas sur le territoire du M23, puisque les FDLR sont intégrées dans l’armée du Congo et collaborent avec l’armée congolaise ».
Sur la question de la cartographie des FDLR, il a botté en touche :
« Vous ne vous attendez pas à ce qu’un ministre des Affaires étrangères fasse le travail du mécanisme conjoint de coordination », a-t-il dit, en précisant que ce mécanisme inclura des services de renseignement, des armées et des Affaires étrangères, et mettra en œuvre le CONOPS, lequel prévoit « l’identification, le désarmement, etc. »
À l’idée que les FDLR opèrent dans des zones contrôlées par le M23, et que leur neutralisation impliquerait donc un retrait préalable de ce mouvement, il a répondu :
« Que voulez-vous dire en disant que les FDLR sont dans la zone du M23 ? Les FDLR collaborent avec les FARDC. Est-ce que les FARDC sont dans la zone du M23 ? […] Dire que les FDLR sont dans la zone du M23, je ne comprends pas exactement ce que vous dites ».
Enfin, sur les accusations congolaises de manipulation de la question FDLR, il a renvoyé Kinshasa à ses engagements récents :
« C’est le même gouvernement de Kinshasa qui a signé le CONOPS, et qui, le 27, a signé l’accord de paix qui inclut la mise en œuvre du CONOPS, qui parle de neutralisation des FDLR ».
La réponse de Julien Paluku
Le ministre congolais Julien Paluku, ancien gouverneur du Nord-Kivu, a vivement répliqué dans une série de messages sur X :
« C’est la rhétorique depuis 30 ans qui a aveuglé le monde », a-t-il accusé, avant de rappeler :
« Sur les 30 ans, ils [les Rwandais] ont occupé l’Est de la RDC pendant 8 ans, principalement le lieu où était supposé être ce mouvement FDLR : de 1998 à 2003 (5 ans), de 2022 à 2025 (3 ans). Seuls, les Rwandais y ont été ou y sont ».
Il conteste la menace actuelle des FDLR :
« En témoignent tous les rapports des experts de l’ONU qui indiquent qu’il ne reste plus qu’un millier [de combattants], constitué en majorité de FDLR recyclés par le régime de Kigali ».
« Pendant ces 8 ans, n’ont-ils pas toujours trouvé leurs FDLR ? », s’interroge-t-il.
Il accuse Kigali de maintenir une stratégie de désinformation :
« Maintenant que nous avons tout expliqué au monde entier comme acteurs de terrain, la rhétorique des FDLR, la haine tribale, la stigmatisation ne passent plus ».
« Déconstruire un mensonge inoculé comme du venin depuis 30 ans est un travail de longue haleine », affirme-t-il encore, en appelant les Congolais à ne pas servir les intérêts du régime rwandais :
« Nous pouvons avoir des divergences comme Congolais, mais ce n’est pas une raison pour servir de béquilles au régime de Kigali qui détruit à petit feu l’espoir des générations ».
Contre-réplique du chef de la diplomatie rwandaise
Le ministre Nduhungirehe a rapidement répliqué sur X :
« Si les génocidaires FDLR ne sont qu’un "mensonge" (dixit le ministre congolais Julien Paluku), j’imagine que c’est la raison pour laquelle le gouvernement auquel il appartient s’est formellement engagé, à trois reprises ces derniers mois (les 31 octobre et 25 novembre 2024 à Luanda, et le 27 juin 2025 à Washington) dans un document ou accord de paix signé avec le Rwanda, à "neutraliser" les mêmes... FDLR ! Logique élémentaire! »
Reste à savoir comment les deux parties, aux narratifs toujours irréconciliables sur la question des FDLR, pourront traduire sur le terrain les engagements signés à Washington, sans relancer les tensions qu’ils étaient censés apaiser.