L'ONU retire les Casques bleus gabonais de Centrafrique après des accusations d'abus sexuels

Les caques bleus à Beni
Les caques bleus à Beni

L'ONU a décidé le retrait des quelque 450 Casques bleus gabonais de sa force de maintien de la paix en Centrafrique après des accusations d'exploitation et d'abus sexuels sur lesquels le gouvernement de Libreville a ouvert une enquête.

"Ces dernières semaines, des faits d'une particulière gravité, contraire à l'éthique militaire et à l'honneur des armées, commis par certains éléments des bataillons gabonais (...) ont été rapportés", écrit le ministère gabonais de la Défense dans un communiqué transmis à l'AFP. 

"Suite aux nombreux cas d'allégations d'exploitation et d'abus sexuels en cours de traitement, les Nations unies ont décidé ce jour du retrait du contingent gabonais de la Minusca", la mission de maintien de la paix de l'ONU en République centrafricaine, et "une enquête a été ouverte par le Gabon", précise le texte.

La Minusca a été déployée par l'ONU en avril 2014 pour tenter de mettre fin à la sanglante guerre civile qui a suivi un coup d'Etat l'année précédente contre le président François Bozizé. 

Les combats qui ont suivi entre la coalition de groupes armés qui l'avait renversé, la Séléka, à majorité musulmane, et des milices soutenues par le chef de l’Etat déchu, les anti-balakas, dominées par les chrétiens et les animistes, ont culminé de 2014 à 2015.

 

- Un fléau récurrent-

 

La guerre civile perdure aujourd'hui mais elle est de faible intensité. La Minusca dispose toujours de quelque 15.000 personnels dans ce pays pauvre d'Afrique centrale, dont 14.000 en uniforme, avec pour mission prioritaire la protection des civils. 

Les accusations de crimes et délits sexuels contre les Casques bleus sont récurrentes en Centrafrique.

Si les "faits allégués" (...) "sont avérés, leurs auteurs seront traduits devant les tribunaux militaires et jugés avec une extrême rigueur", promet le ministère gabonais de la Défense. 

"Le Gabon a toujours exigé de son armée, sur son territoire et à l'extérieur, un comportement irréprochable et exemplaire, ajoute le ministère. 

"Au-delà des faits rapportés et en attendant les conclusions de l'enquête, le bataillon gabonais est rappelé", conclut le ministère.  

Les accusations d'exploitation et abus sexuels perpétrés par des Casques bleus dans le monde constituent un fléau récurrent contre lequel l'ONU essaye de lutter depuis des années. 

Depuis 2010, les Nations unies recensent sur leur site 822 accusations d'exploitation et abus sexuels visant son personnel dans le cadre d'opérations de maintien de la paix. 

 

-guerre civile-

 

Par nationalité, les cas les plus nombreux d'accusations répertoriés depuis 2015 portent sur des Casques bleus originaires du Cameroun (44), d'Afrique du Sud (37), de la République démocratique du Congo (32), du Gabon (31) et du Congo (26), selon l'organisation.

En mars 2018, le Gabon avait annoncé sa décision de retirer son contingent de la Minusca, en raison d'"un retour progressif de la paix". Mais un haut responsable de l'ONU avait invoqué à l'époque "des problèmes d'équipement et d'abus sexuels".

Or, trois mois plus tard, sur la demande pressante du président centrafricain Faustin Archange Touadéra, le chef de l'Etat gabonais Ali Bongo Ondimba avait finalement annoncé le maintien de ses troupes en Centrafrique.

Fin 2016 déjà, Libreville avait annoncé l'ouverture d'enquêtes après l'identification par l'ONU d'une quinzaine de ses militaires soupçonnés d'avoir commis des agressions sexuelles.

En juin 2017, un bataillon de plus de 600 soldats du Congo avait été renvoyé après des accusations d'agressions sexuelles et divers trafics. Un an avant, 120 Casques bleus congolais avaient déjà été renvoyés pour les mêmes motifs.

En 2014, des militaires français de l'opération Sangaris, une force française de maintien de la paix autorisée par l'ONU, avaient été également accusés de viols sur des enfants de 7 à 13 ans. La France avait ouvert une enquête qui avait finalement abouti en 2018 à un non-lieu.

Ex-Séléka et anti-balakas ont été accusés par l'ONU de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité notamment en 2014 et 2015. 

La guerre civile s'est considérablement atténuée depuis 2018 mais des groupes armés, issus ou non de l'ex-Séléka et des anti-balaka, occupaient encore fin 2020 plus des deux tiers de la Centrafrique. 

Certains ont lancé en décembre une rébellion contre le pouvoir du président Touadéra à la veille de la présidentielle. Ce dernier a été finalement réélu le 27 décembre et son armée, grâce à l'appui de centaines de paramilitaires russes et de soldats rwandais, a aujourd'hui largement reconquis le territoire.

ACTUALITE.CD avec AFP