Les Forces démocratiques alliées (ADF), une filiale du groupe État islamique dans l'est de la République démocratique du Congo? La réalité, la nature et la profondeur des liens entre les deux entités font débat parmi les spécialistes.
Le 10 mars, le Département d'Etat américain a désigné les ADF, qui multiplient les exactions dans la région de Beni, "en tant qu'organisations terroristes étrangères" affiliées au groupe jihadiste Etat islamique (EI).
"Daech (acronyme arabe de l'EI) a annoncé le lancement de la province de l'Etat islamique en Afrique centrale (Iscap) en avril 2019 pour promouvoir la présence d'éléments associés à Daech en Afrique centrale, orientale et australe", soulignait le Département d'Etat.
De fait, depuis cette date d'avril 2019, l'EI, en perte de vitesse depuis la chute de son "califat" en Irak et en Syrie, revendique via ses organes de propagande certaines attaques des ADF dans l'est de la RDC, principalement contre les positions des forces armées congolaises perdues dans la brousse ou dans la jungle.
Fin juin, le porte-parole de l'Etat islamique a rendu public un message de soutien à l'Iscap ainsi qu'à l'Iswap, le groupe jihadiste se revendiquant de l'EI en Afrique de l'Ouest et actif notamment au Nigeria.
Musa Baluku, le chef des ADF, a fait allégeance à l'Etat islamique dans une vidéo en juillet 2019, d'après un rapport du groupe d'experts des Nations unies sur la RDC publié le 10 juin.
"Baluku est allé plus loin dans une vidéo de septembre 2020, déclarant que les ADF n'existaient plus, et qu'ils étaient maintenant une province d'Afrique centrale de l'Etat islamique", ajoutent les experts.
Baluku s'est tourné vers l'EI dès 2017 "lorsque, selon des transfuges, des problèmes financiers ont détruit le moral du groupe, mettant presque fin aux opérations des ADF", d'après la Fondation Bridgeway, un think thank basé aux Etats-Unis, œuvrant dans la "prévention des crimes de masse" en Afrique de l'Est.
La violence de ces rebelles s'est accrue depuis, explique à l'AFP Lauren Poole, de la Fondation Bridgeway: "Le financement et la propagande de l'EI ont entraîné une augmentation du recrutement et des opérations de plus en plus audacieuses" avec "l'afflux de combattants étrangers, animés par le désir de combattre pour le jihad".
Le Groupe des experts de l'ONU est nettement moins catégorique. Il affirme n'avoir "pu confirmer aucun lien de commandement et contrôle direct de (l'EI) sur les ADF ni aucun soutien direct de quelque type que ce soit - financier, humain, matériel - aux ADF".
"Beaucoup de choses sont encore inconnues sur ces liens" entre ADF et EI, souligne pour sa part le Groupe des experts sur le Congo (GEC), lié à l'université de New York.
Les experts pointent trois risques avec la position des Etats-Unis: "nourrir la propagande jihadiste et le recrutement", "accentuer la militarisation" de la riposte aux ADF, et enfin "déresponsabiliser l'Etat congolais".
Selon ces experts, "il est difficile de voir une solution autour de Beni, ou bien aux violences en RDC en général, sans transformation de l'Etat congolais".
Avec AFP