Expert en économie et stratégiste, Al Kitenge est revenu ce lundi 28 juin sur les avantages de chacun des trois accords signés samedi 26 juin à Goma (Nord-Kivu) entre la RDC et le Rwanda à l’issue d’un tête-à-tête entre les deux chefs de l’Etat à savoir : Félix Tshisekedi et Paul Kagame. Ces accords entrent dans le cadre de la coopération bilatérale entre les deux pays.
Le premier accord concerne la promotion et la protection des investissements. Le deuxième est une convention pour éviter la double imposition fiscale et prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu et le troisième est un protocole d’accord de coopération entre la Société aurifère du Kivu et du Maniema (SAKIMA) et DITHER LTD, une société rwandaise de droit privé.
« D'abord dans le cadre général, ces accords qui ont été signés est ce qu'on appelle la paix des braves. Pendant longtemps, les 2 pays ont été ouvertement ou non ouvertement en guerre. Cela a été doublé par des exploitations frauduleuses. Et aujourd'hui une très grosse pression est faite sur les entreprises étrangères qui achètent au Rwanda des produits dont la traçabilité n'est pas nette et donc ça met le Rwanda sous les taux de la traçabilité ou de la transparence et bien entendu en même temps, ça met le Congo dans un traquenard irresponsable de guerre interminable. Et donc, aujourd'hui plus que jamais parce que le chef de l'État a commencé une offensive militaire, tout le monde se rend bien compte qu’il faut trouver des solutions, et les solutions sont dans la diplomatie, et la meilleure forme de la diplomatie, c'est la diplomatie économique », explique d’emblée cet économiste, avant de décrire les avantages pour chacun de ces accords.
A travers l’accord sur la promotion et la protection des investissements, Al Kitenge note une politique de “tuer les guerres”.
« Aujourd'hui la promotion des investissements, c'est une manière de tuer les guerres. Comme on dit, l'économie de la guerre devrait être remplacée par la guerre économique et donc aujourd'hui la promotion des investissements est une question et une manière de partager les intérêts entre les peuples, ce qui du reste devrait être logique parce que nous ne déplacerons jamais le Rwanda de là où il est et le Rwanda ne se déplacera jamais. Et donc il faut qu'on apprenne à travailler ensemble et la seule manière d'apprendre à travailler ensemble, c'est les investissements croisés », a-t-il confié.
Quant au deuxième accord, portant convention pour éviter la double imposition fiscale et prévenir l’évasion fiscale, Al Kitenge fait savoir que cette démarche vise à décourager notamment le recours à la fraude.
« Il faut savoir qu’à partir du moment où les gens paient trop d'impôts de manière tout à fait normale, leur tendance est de chercher comment optimiser leurs impôts et de fois la fraude n'est pas loin de là. Et donc à partir du moment où nous avons un espace de partage d'intérêts, il est logique qu’on essaie de se trouver un mécanisme pour que tous les pays se retrouvent. Ça veut dire qu'en fait, quand un pays a payé d'un côté et qui ne paye pas la même chose de l'autre côté, ce qu’il a payé de l'autre côté et qui n'est pas payé de ce côté-ci, mais après il y a du travail technique qui doit être fait entre les experts de la fiscalité de part et d'autre, pour trouver la manière d'exprimer cela, afin qu’aucun des 2 pays ne soit perdant ».
Et d’ajouter :
« Regardez aujourd'hui, si vous achetez à Goma des téléphones fabriqués au Rwanda, vous les achetez à un prix bien déterminé, mais si on doit les amener à Kinshasa de manière officielle, on se retrouve à Kinshasa avec des téléphones qui coûtent 30, 40 % plus cher, alors qu’en réalité, si nous étions suffisamment clairvoyants, cela aurait été une possibilité pour le Rwanda de bénéficier du marché du Congo en essayant d’annuler toutes les charges liées à l'exportation sur le Congo et vice versa. Nous avons certainement des choses que le Rwanda peut acheter chez nous, pour être en mesure d'être prêtées ou d'être exploitées ou encore d'être consommées de manière directe. Et pour ça, la double imposition est la plus mauvaise manière de faire les choses étant donné que nous sommes des pays destinés à partager dans le cadre régional, mais surtout dans le cadre de la ZLECAF, un intérêt commun, il est important qu'on commence à réfléchir comment de manière de proximité, nous soyons en mesure de pouvoir trouver des mécanismes qui, à la fois, optimise officiellement la fiscalité, mais également évite que des gens ne soient obligés de recourir à la fraude ».
Concernant le protocole d’accord de coopération entre SAKIMA et DITHER LTD, troisième accord, Al Kitenge note ce qui suit :
« Il faut savoir que SAKIMA est en quasi-faillite depuis de longues années. Qu’une entreprise X, Y ou Z s'intéresse à SAKIMA, c'est une très bonne chose. Après, il faudra discuter sur les termes réels d'exploitation. Ça devra suivre ce qu'on appelle la loi minière. Chez nous, c'est le code minier révisé qui devra déterminer comment on acquiert les aires, comment on signe un contrat de partenariat et comment commence une exploitation. Donc l'accord de principe concerne justement la possibilité d'ouvrir des discussions pour que les parties soient en mesure de pouvoir travailler ensemble dans le respect des textes. Je crois que simplement ce n'est qu'un début, il faut laisser le temps au temps et il faut laisser les experts travailler entre eux pour être en mesure de mettre en place un contrat final qui pourra être équitable dans l'intérêt de toutes les parties. Je voudrais juste insister sur le fait que SAKIMA est en arrêt d'activité, c'est une honte », a conclu cet expert en économie.
Japhet Toko