RDC : « Il n’y a pas de corrélation entre la peine de mort et la criminalité », Christelle Vuanga

RDC : « Il n’y a pas de corrélation entre la peine de mort et la criminalité », Christelle Vuanga. Photo. Droits tiers

La présidente de la Commission Droits de l’Homme de l’Assemblée Nationale, Christelle Vuanga a pris part le 20 novembre, à une réunion mixte sur le vote universel du moratoire sur la peine de mort. Faut-il espérer  l’abolition de cette mesure ? Quelle est son importance pour le Congo ? Ce 01 décembre, la rédaction Femme de Actualite.CD vous propose l’essentiel de son plaidoyer. 

« Le moratoire sur la peine de mort existe en RDC depuis 2001. Avant cette période, des innocents avaient été condamnés à cette peine. C’est l’exemple d’un chauffeur exécuté innocemment. Des organisations de la société civile, des droits de l’homme s’étaient alors soulevés pour solliciter la suspension de cette mesure. Ainsi, le Chef de l’Etat, Laurent Désiré Kabila avait décidé de la mise en place d’un moratoire. On pouvait ainsi condamner à la peine de mort mais sans exécuter. Actuellement, il y a environs 500 condamnés à mort en RDC, dont une grande partie se trouve à la prison d’Angenga (dans l’actuelle province de la Mongala Ndlr) », explique Christelle Vuanga.  

Une tribune parue en octobre de l’année en cours et dont le ministre des droits humains André Lite est l’un des promoteurs, précise également qu’en 2003, le gouvernement, sous le président Joseph Kabila a décidé que les exécutions n’allaient plus avoir lieu en RDC. Et en 2007, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté la première résolution appelant à un moratoire universel sur l'utilisation de la peine de mort. Selon les statistiques de l’Onu, jusqu’en 2018, quelque 170 Etats avaient soit aboli la peine de mort ou introduit un moratoire sur son utilisation. Pour la présidente de la Commission DH de la Chambre basse du parlement, depuis des années, la RDC n’a jamais participé à ce vote. «Très souvent, la RDC s’associe à la table des préliminaires mais lors de l’Assemblée générale, elle ne vote pas. Cette année, nous nous sommes décidés de commencer le plaidoyer bien avant. Nous avons commencé principalement par la ministre des Affaires Etrangères puisque c’est elle qui devrait demander à nos représentants à New-York de voter positivement,» précise Christelle Vuanga.

En septembre lors de l’audience en flagrance des infirmières victimes de viols à l’hôpital de Kisenso, le ministère public avait requis une peine capitale contre les accusés pour association des malfaiteurs et viols collectifs. Il en est de même pour le tribunal militaire de garnison de Kindu qui a condamné à mort le militaire, auteur des tirs le 25 octobre dans la commune d’Alunguli (à Kindu) faisant un mort et sept blessés. Ce fut également le cas du Tribunal militaire de garnison de Bukavu qui a condamné à la peine de mort le soldat de première classe Logo Dedonga Claude auteur de la tuerie de 14 personnes et 10 blessés la nuit du 30 juillet 2020 à Luvungi dans la plaine de la Ruzizi. 

A la question de savoir quel impact aura ce vote sur le déroulement des procès en RDC, Christelle Vuanga répond, « Nous avons déjà en interne, un moratoire de fait. Mais, en tant que défenseurs des droits de l’homme, nous nous disons que ce seul moratoire de fait ne garantit pas la sécurité des citoyens congolais, étant donné qu’il s’agit d’une décision qui n’émane pas du parlement. Les exécutions sommaires pourraient reprendre à tout moment. Et si nous votons pour le moratoire universel, c’est pour être en conformité avec ce qui se passe à l’extérieur du pays. Ce vote n’aura pas tellement d’impact sur les lois du pays parce que nous avons aussi un moratoire en interne ».

Pour les différents crimes commis en RDC et particulièrement à l’Est, « les auteurs peuvent être condamnés à plusieurs sortes de peines, notamment la prison à vie, aux travaux forcés », explique Christelle Vuanga. Et de poursuivre, « Il faut aider la population à comprendre qu’il n’y a pas de corrélation entre la peine de mort et la criminalité. Aucun pays au monde n’a vaincu la criminalité en exécutant les coupables. Et la Constitution congolaise consacre la vie humaine et demande aux puissances publiques de la protéger. Nous ne faisons pas l’apologie des criminels, nous pensons qu’ils doivent être sévèrement jugés par la loi mais seulement, nous ne voulons pas faire croire à la population que c’est en les exécutant que nous trouverons une solution aux crimes qui s’effectuent en RDC »

Sur les réseaux sociaux, la députée nationale a mentionné, en commentaire à ce plaidoyer qu’ « Il est temps que la RdC s'affirme comme un État dédié aux droits de l'homme ». Elle s’explique « Nous sommes un pays post conflit, à l’Est comme dans les autres régions du pays, il y a eu des rebellions, des cas importants de violences faites aux femmes et en ce moment, la RDC se lève pour mettre fin à tous ces actes et faire respecter les droits de l’homme. A travers le vote positif du moratoire universel sur la peine de mort, nous lançons aussi un message à la communauté internationale. Nous voulons actuellement un tribunal international sur les crimes commis en RDC, nous devrions aussi rassurer nos partenaires » 

La RDC peut-elle espérer parvenir jusqu’à l’abolition de la peine de mort sous le mandat d’Etat de droit, promu par le Chef de l’Etat Félix Tshisekedi ? « Nous pouvons parvenir à l’abolition ou non. Cependant, tout ce que nous recherchons à travers ce moratoire sur la peine de mort, c’est d’abord un débat d’idées, le fait qu’il y ait certaines personnes qui se révèlent contre cette procédure et d’autres qui la soutiennent est une preuve suffisante pour dire que ce sujet suscite de l’intérêt. C’est au bout du tunnel que nous pourrions avoir les résultats attendus.»

Pour rappel, les condamnations à mort sont principalement prononcées pour association de malfaiteurs, meurtre ou assassinat, vol à main armée ou encore participation à un mouvement insurrectionnel. Ce plaidoyer est mené conjointement avec la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) et la Commission permanente parlementaire des droits de l'homme Culture paix et justice. 

En novembre 2018, l’ONU avait adopté le projet de résolution biennal intitulé « Moratoire sur l’application de la peine de mort ». Le texte invitait une fois encore les États à respecter les normes internationales garantissant la protection des droits des personnes passibles de cette peine, à limiter progressivement son application, à ne pas l’imposer aux personnes de moins de 18 ans, aux femmes enceintes ou aux personnes atteintes de déficiences mentales ou intellectuelles, à veiller à ce qu’elle ne soit pas appliquée sur la base de lois discriminatoires et à instituer un moratoire sur les exécutions, comme première étape vers une abolition.  

Cette question divisait plusieurs pays qui rappelaient que les politiques pénales relèvent de la souveraineté des États. Un groupe  de 34 pays conduits par Singapour, qui avaient présenté un amendement visant à rétablir en tête du dispositif « le droit souverain de tous les pays d’élaborer leur propre système juridique et notamment de déterminer les peines appropriées, conformément aux obligations que leur impose le droit international » s’était opposé à cette résolution qui avait obtenu 123 voix pour, 36 voix contre et 30 abstentions. Dans sa présentation, le Brésil, facilitateur, expliquait qu’il avait été décidé de ne pas mettre dans le dispositif de référence à la souveraineté des États.

Prisca Lokale