Analyse sur la controverse autour de la mise en place des secrétaires généraux au sein de l’administration publique

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Aujourd'hui, ACTUALITE.CD vous propose cette tribune de Carlos KALOTO, Juriste, Ancien de l’ENA/RDC[1], Analyste indépendant[2]

 

I.  De quoi parle-t-on ?

En République Démocratique du Congo (RDC), depuis une certaine période, lire sur les réseaux sociaux des lettres ou documents officielles  n’étonne plus personne, et commence, de plus en plus, à inquiéter les tenanciers des principes de bonne gouvernance et du secret professionnel[3], d’autant plus que ces documents atterrissent, parfois, seulement quelques secondes après leur signature.

L’après-midi de ce lundi 27 avril 2020, alors que le pays est encore sous l’état d’urgence suite à la pandémie de Coronavirus (COVID-19), une fois encore, une lettre officielle circule sur la toile, et défraie la chronique, en volant sa part de vedette à l’actualité liée à l’urgence sanitaire.

 Il s’agit de la lettre référencée 0536/04/2020 du 27 avril 2020, signée sur instruction de Son Excellence Monsieur le Président de la République, Chef l’Etat, par son Directeur de Cabinet Adjoint[4](Dircaba), en réaction à l’Arrêté n°009/MIN.FP/YEB/2020 du 16 avril 2020 de Son Excellence Madame la Ministre de la Fonction Publique, portant mise en place générale des Secrétaires Généraux de l’Administration Publique. Et depuis lors, tout le monde s’est invité au débat.

L’objectif de ce papier n’est pas celui de porter un jugement sur qui a raison ou a tort, comme le ferait un haut magistrat du Conseil d’Etat.  Il vise plutôt à mettre à la disposition du public, expert ou non, les éléments fondamentaux pouvant permettre à chacun de tirer ses propres conclusions. Il ne critique pas non plus le choix des Secrétaires Généraux affectés, mais essaye d’analyser la controverse autour de la compétence d’affectation des agents, en général, et des Secrétaires Généraux, en particulier.

Le contenu de cet article engage uniquement son auteur.

II.  Que reproche le Directeur de Cabinet Adjoint du Président de la République à l’Arrêté du Ministre de la Fonction Publique ?

La lecture minutieuse de la lettre susmentionnée du Directeur de cabinet adjoint du Chef de l’Etat reproche à la mise en place des Secrétaires Généraux du Ministre de la Fonction Publique, les violations ci-après :

  • Primo, non-respect des prescrits de l’article 81, alinéa 1ier, point 4 de la Constitution de la République Démocratique du Congo.
  • Secundo, non-respect de l’article 19 de la Loi n°16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière des services publics de l’Etat.
  • Tertio, violation de l’article 4 de l’Ordonnance n°82-029 du 19 mars 1982 portant Règlement d’Administration relatif à la carrière du personnel des services publics de l’Etat.
  • Quarto, violation des instructions de la haute hiérarchie, toujours en vigueurs, contenues dans le Communiqué officiel de la Présidence de la République du 25 janvier 2019 relatives à l’interdiction du mouvement du personnel au sein de l’Administration Publique.

 

III.         Analyse des moyens évoqués dans la lettre du Dircaba du Chef de l’Etat

1.     Du moyen tiré du non-respect de l’article 81.4 de la Constitution, qui dispose :

Sans préjudice des autres dispositions de la Constitution, le Président de la République nomme, relève de leurs fonctions et, le cas échéant, révoque, sur proposition du Gouvernement délibérée en Conseil des ministres : …les hauts fonctionnaires de l’administration Publique.

a.     Les hauts fonctionnaires, quid ?

La Constitution ne définit pas le concept haut fonctionnaire et n’en donne pas la portée. Elle se limite à dire que le Président de la République nomme les Hauts fonctionnaires de l’Administration Publique. Mais qui appelle-t-on hauts fonctionnaires au sein de l’Administration Publique ?

Conformément aux dispositions de l’article 17 de la Loi n°16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière des services publics de l’Etat, par hauts fonctionnaires, ils faut entendre le groupe d’agents composant la catégorie A des agents de carrière des services publics de l’Etat, et dans laquelle on trouve trois grades ci-après : Directeur, Directeur Général et Secrétaire Général. Il s’agit donc des grades correspondant aux emplois de conception, de commandement, de direction et de contrôle général, dont la compétence de nomination ou de promotion revient de plein droit, conformément aux dispositions de l’article 81 de la constitution, au seul Président de la République. Ces dispositions sont d’ailleurs renchéries par l’article 74 du statut des agents de carrière des services publics de l’Etat qui dispose :

« Les promotions aux grades de la catégorie A sont accordées par le Président de la République sur proposition du Gouvernement délibérée en Conseil des ministres.

Le Secrétaire général de l’administration est nommé par le Président de la République, sur proposition du Gouvernement, parmi les agents compétents revêtus du grade de Directeur dans l’administration Publique et remplissant les conditions prévues à l’article 72 de la présente loi.

 b.   Nécessité de ne pas confondre nomination à un grade statutaire et affectation à un poste organique

L’article 81 point 4 de la Constitution, tel que renchérit par l’article 74 du Statut, confient, de manière non équivoque, au seul Président de la République, la compétence de NOMMER les hauts fonctionnaires, c’est-à-dire d’octroyer à un agent, supposé être en pleine carrière, le grade de Directeur, Directeur Général ou Secrétaire Général. Ces nominations ont lieu par Ordonnance Présidentielle. A ce niveau, il y a lieu de souligner que, depuis la promulgation de la Constitution en vigueur et du nouveau Statut des agents, le Ministère de la Fonction Publique ne dispose plus d’aucun pouvoir formel de nomination[5] des agents aux différents grades (sauf délégation expresse de pouvoir[6]), cette compétence étant désormais repartie entre le Président de la République et le Premier Ministre (articles 81, point 4 et  92 alinéa 3[7] de la Constitution et 74 du statut).

L’affectation, par contre, quand bien même qu’elle soit la conséquence logique de l’acte de nomination au grade, elle obéit néanmoins à une autre logique juridique et administrative distincte. Elle consiste à octroyer à un agent nommé par l’Autorité compétente, un poste ou un emploi correspondant à son grade statutaire. En effet, le grade doit, en principe, correspondre à l’emploi[8].

2.     Du moyen tiré du non-respect de l’article 19 de la Loi n°16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière des services publics de l’Etat, qui dispose :

Les agents sont affectés aux différents emplois correspondant à leurs grades, selon le cas, par le Président de la République, le Premier ministre, le ministre, le Gouverneur de province ou tout autre responsable des services publics de l’Etat énumérés à l’article 2 de la présente loi.

Les agents des services administratifs des Chambres du Parlement sont affectés aux différents emplois correspondant à leurs grades, le cas échéant, par le Président de la République, le Président de l’Assemblée Nationale ou le Président du Sénat.

L’agent peut exercer l’emploi auquel il est affecté sur toute l’étendue de la République selon ses compétences et aptitudes, sans discrimination aucune.

Un emploi est vacant lorsqu’il n’est pas occupé par un agent revêtu du grade qui y correspond. Il est considéré comme provisoirement disponible lorsque son titulaire est momentanément absent ou empêché.

Aux termes de ces dispositions, le Président de la République, comme les Premiers Ministre, les Ministres, les Gouverneurs des Provinces, … sont cités comme ayant la compétence d’affecter les agents aux différents postes. Mais de quelles affectation s’agit-il ? Quelle est la particularité de l’affectation des Secrétaires Généraux par rapport aux autres agents ?

Pour bien examiner ces questions et bien comprendre les principes opérationnels de l’affectation des agents en droit de la Fonction Publique dans notre pays, il y a lieu d’ajouter les prescrits de l’article 4 de l’Ordonnance n°82-029 du 19 mars 1982 portant Règlement d’Administration relatif à la carrière du personnel des services publics de l’Etat[9], figurant comme troisième moyen dans la lettre du Dircaba du Président de la République contre l’Arrêté de la Fonction Publique.

« En application de l'article 19 du Statut, l’agent admis sous-statut à titre définitif est mis à la disposition du Président du Conseil Législatif, du Commissaire d'Etat, du Gouverneur de Région ou d'un Responsable des différents services publics de l'Etat énumérés à I ‘article 19 du Statut, moyennant une commission d'affectation du Commissaire d'Etat à la Fonction Publique.

Ces responsables sont tenus à leur tour d’affecter l'Agent, par une commission interne d'affectation, à l'emploi budgétairement prévu et correspondant à son grade ».

Aux termes de ces deux dispositions, il y a lieu de soulever les observations ci-après :

-       Le Ministre de la Fonction Publique est l’unique Autorité administrative compétente pour mettre un agent nommé à la disposition d’un Ministère ou Service Public énuméré par l’article 2 du Statut pour son utilisation optimale à un poste organique de l’Administration considérée, y compris à l’Administration du Président de la République. Par conséquent, se trouve dans une situation irrégulière, un agent nommé qui se retrouve au sein d’un Ministère sans Commission d’affectation préalable du Ministère de la Fonction Publique. La compétence étant d’attribution, commet donc un abus de pouvoir, toute autorité publique, y compris le Président de la République, qui affecte ou met un « fonctionnaire » à la disposition d’un Ministère ou un Service Public de l’Etat.

-       Le Président de la République, le Premier Ministre, les Ministres sectoriels, les Premiers Présidents des Juridictions[10], …n’ont compétence que d’affecter en interne les agents mis à leur disposition par le Ministère de la Fonction Publique. En effet, au regard de l’article 2 du Statut, le Président de la République est pris comme une Autorité administrative responsable de l’Administration qui lui est rattachée, à savoir, le Secrétariat Général auprès du Président de la République. C’est donc à ce titre que l’article 19 du Statut, et auquel se réfère la lettre du Dircaba, cite le Président de la République parmi les Autorités compétentes en matière d’affectation. Il s’agit d’une compétence d’affectation en interne des agents au sein du Secrétariat Général rattaché au Président de la République, et non une compétence générale. C’est en ce sens, qu’il est reconnu à tout Ministre, à l’intérieur de son Ministère, de procéder aux mouvements d’affectation, de mutation ou permutation des agents, pour des nécessités de service et dans le respect de certains principes sacro-saints. Il en est aussi de même du Premier Ministre qui, en sa qualité de Responsable de Service, a compétence d’affecter en interne les agents du Secrétariat Général à la Primature.

A ce titre, sauf dans le cadre des Structures nouvellement crées ou lorsqu’un texte particulier le prévoit[11], le Ministre de la Fonction Publique ne peut affecter un agent en interne dans un Ministère autre que celui de la Fonction Publique. Sa Commission d’affectation ne devrait donc pas, en principe, mentionner la Direction, Division ou Bureau d’affectation d’un Agent relevant d’un autre secteur. Il usurperait le pouvoir reconnu aux Responsables sectoriels[12].

-       Affecter un agent en interne signifie lui désigner un poste d’emploi, correspondant à son grade, à sa formation et à ses aptitudes, et susceptible d’être localisé dans le cadre organique de l’Administration considérée.

-       L’article 4 alinéa 1ier de l’Ordonnance susmentionnée, fait normalement référence à la situation d’un agent nouvellement admis sous-statut. Il ne concerne pas, en principe, les agents en cours de carrière. Ainsi, l’acte de promotion en grade d’un agent en cours de carrière peut valablement mentionner le Ministère d’appartenance de l’agent concerné. Ainsi, l’Ordonnance du Président de la République qui, suivant les critères légaux, nomme les Secrétaires Généraux au sein de l’Administration Publique, peut aussi valablement mentionner les Ministères d’origine (d’utilisation) des Secrétaires Généraux concernés. Dans ce cas, le Ministère de la Fonction Publique s’occupe uniquement de leur notification (Exemple de Ordonnance n°19/002 du 10 janvier 2019 des Greffiers en Chef et Premiers Secrétaires des Parquets Généraux).    

-       Toutefois, il est souvent de pratique, que lorsque l’Ordonnance de nomination n’indique pas de Ministère en regard de chaque nom, et comme c’est le cas pour les Ordonnances n°18/143 et 18/143 B du 27 décembre 2018, le Ministre de la Fonction Publique, se référant aux dispositions de l’article 4 susmentionné, procède, suivant une certaine interprétation, à leur affectation en les mettant à la disposition des Ministères. L’affectation en interne des Secrétaires Généraux étant inopportune, la seule désignation du Ministère d’utilisation dans l’acte du Ministère de la Fonction Publique, suffit. En effet, c’est au Ministre de la Fonction Publique qu’il revient le devoir d’exécuter les actes du Chef de l’Etat intervenus dans ce secteur

-       Par ailleurs, il y a lieu de préciser que tout agent de l’Etat (fonctionnaire), y compris le Secrétaire Général, est à la disposition de l’Administration Publique, quel que soit le Service Public qui l’utilise. Il peut être légalement affecté dans un service autre que celui dans lequel il est employé.[13]Ce mécanisme (transfert), qui peut se faire soit à la demande de agent soit d’office, pour nécessité de service,  relève de la compétence du Ministère de la Fonction Publique, conformément aux dispositions de l’article 44 du Statut. C’est donc fort de cette disposition, que l’on devrait comprendre le fondement de la vielle pratique de permutation ou mise en place partielle ou générale des Secrétaires Généraux, qu’opère généralement le Ministère de la Fonction Publique. Il s’agit plus d’un acte de gestion, à mettre en mouvement lorsque les nécessités de service l’exigent.

-       La compétence naturelle du Ministre de la Fonction Publique d’affecter les agents, y compris les Secrétaires Généraux par le Ministre de la Fonction Publique est d’autant plus vrai que l’article 92 du Statut prévoit que « Sans préjudice de l’application des sanctions disciplinaires prévues à l’article 67 de la présente loi, LES MINISTRES OU LES RESPONSABLES DES SERVICES INTERESSES NE DOIVENT, EN AUCUNE MANIERE, REFUSER L’AFFECTATION DE L’AGENT ou le mettre à la disposition du MINISTRE AYANT LA FONCTION PUBLIQUE DANS SES ATTRIBUTIONS.

Toutefois, pour l’application des articles 68, 85 et 117 de la présente loi, les ministères ou services concernés saisissent dans les meilleurs délais le ministre ayant la fonction publique dans ses attributions de tout cas d’impossibilité d’affectation d’un agent. Cette obligation est faite mutatis mutandis et hiérarchiquement à tous les chefs de services, quel que soit le niveau qu’ils occupent dans l’administration ».

-       Cependant, quand bien même le Ministre de la Fonction Publique est le gestionnaire attitré des ressources humaines de l’ensemble de l’Administration Publique, et veille à l’application du Statut (Ordonnance sur les attributions du ministère), il exerce toutefois cette compétence, ou le devrait, en collaboration étroite avec les Responsables des Services utilisateurs.

 

3.     Moyen tiré du non-respect du Communiqué du 25 janvier 2019 interdisant tout mouvement du personnel.

Pour rappel, ce communiqué était ainsi libellé :

« Le Cabinet du Président de la République Démocratique du Congo, Son Excellence Monsieur Félix-Antoine TSHISEKEDI TSHILOMBO, porte à la connaissance de tous les membres du Gouvernement et des dirigeants des entreprises, établissement ainsi que des services publics de l’Etat qu’à dater de ce jour et jusqu’à nouvel ordre, les recrutements et les mises en place du personnel sont suspendues. Il en est de même des engagements et des liquidations des dépenses publiques autres que celles liées aux charges du personnel.

Les cas exceptionnels seront soumis à l’autorité préalable de son Excellence Monsieur le Président de la République, Chef de l’Etat ».

Il est important de rappeler que ce Communiqué est intervenu dans un contexte où le gouvernement Bruno TSHIBALA était démissionnaire, expédiant les affaires courantes. Il s’agissait donc, au-delà de toutes les critiques possibles, d’une mesure rendue nécessaire pour le besoin de la cause, notamment, calmer ou prévenir les appétits voraces des responsables publics en perte de vitesse, et qui risqueraient, se voyant au soir du pouvoir, de prendre des actes déniés de tout sens d’intérêt public.

Cependant, dans les circonstances actuelles, et compte tenu du fait que le Gouvernement ILUNKAMBA Sylvestre, investi par le Parlement, est déjà en plein exercice du pouvoir exécutif, il n’est logiquement pas compréhensible qu’un communiqué, rendu public dans un contexte particulier de transition entre gouvernement sortant et entrant, puisse continuer à produire ses effets. Il est donc tombé caduque, non seulement depuis l’investiture du Gouvernement, mais d’autant plus qu’à ces jours, l’Ordonnance fixant les attributions des Ministères et celle portant organisation et fonctionnement du Gouvernement, modalités de collaboration entre le Président de la République et le Gouvernement ainsi qu’entre les Membres du Gouvernement, sont déjà entrées en vigueur.

Les compétences du Président de la République et ceux du Gouvernement étant nettement distinctes, il serait grave de ressusciter les vieux démons de ce Communiqué. En effet, le Gouvernement dispose de l’Administration Publique, conformément aux dispositions de l’article 91 alinéa 3 de la Constitution.

 D’ailleurs, convient-il de rappeler le concours de recrutement lancé dernièrement par la DGDA et autres établissement publics, sociétés commerciales et service publics, en méconnaissance totale de ce communiqué, ainsi que l’engagement et la liquidation des dépenses publiques par le Gouvernement et ce, sans qu’aucune mesure de rappel à l’ordre ne provienne de la Présidence de la République.

IV.          La mise en place des Secrétaires Généraux est-elle opportune ?

La question relative à la mise en place des SG au sein de l’Administration fait suite au concours organisé par le Ministère de la Fonction Publique, fort de l’avis favorable de la Cour Suprême de Justice, siégeant à l’époque comme conseil d’Etat, et qui a confirmé le principe selon lequel, en matière de promotion en grade, le concours est obligatoire pour passer d’un grade à un autre, pour ce qui concerne les hauts fonctionnaires (article 72 et 74 du Statut)[14]. Tandis que pour les autres catégories d’agents, le concours n’est obligatoire que pour le passage d’une catégorie à une autre. En effet, après la mise à la retraite des Secrétaires Généraux Emérites et Honoraires par les Ordonnances présidentielles de 2017, il a été constaté que plusieurs agents qui exerçaient les fonctions de Secrétaire Général n’avaient pas le grade de Secrétaire Général. Ils étaient donc des intérimaires.

Or, conformément au Statut (article 20), le grade doit correspondre à l’emploi et tout poste occupé par un agent qui n’a pas le grade y correspondant est réputé vacant. C’est-à-dire que tout poste doit, en principe, être occupé par l’agent nommé au grade (et non commissionné) qui y correspond.

Il est important, au-delà de toute polémique, que des mesures idoines soient prises afin de mettre fin, surtout au poste de Secrétaire Général, à la pratique des intérims interminables.

Aussi, l’opportunité relevant du politique et non du juridique (en principe, c’est l’Autorité compétente qui apprécie de l’opportunité de l’acte, suivant son intime conviction), nous ne saurons apprécier à la place de l’Autorité qui a pris la décision dans le cadre de ses compétences.

V.             Quelques éléments à retenir

 

-       Dans l’Administration Publique, la compétence étant d’attribution, le principe qui peut le plus peut le moins ne s’applique pas.

-       Les Secrétaires Généraux de l’Administration Publique, le plus haut fonctionnaire, sont nommés par le seul Président de la République. Il ne peut, lors de la nomination ou promotion en grade, permuter un agent de son service utilisateur.

-       Le Ministre de la Fonction Publique est le seul compétent pour mettre un agent nommé à la disposition d’un Ministère ou d’un Service pour son utilisation. Il dispose aussi du pouvoir de réaffecter d’office tout agent, y compris le SG, du service (ministère) qui l’emploi vers un autre.

-       Il y a lieu de différencier non seulement la compétence de nomination et celle d’affectation mais aussi la mise à disposition d’un agent à un Ministère (affectation MFP) de l’affectation interne (compétence sectorielle).

-       Le Concept « mise en place générale ou partielle » n’est pas statutaire, Il s’agit d’un acte de gestion à mettre en mouvement uniquement lorsque les nécessités de service le requièrent.

-       Le grade diffère de l’emploi. C’est le titre statutaire qui fixe le rang hiérarchique de l’agent et lui confère vocation à occuper un des emplois prévus dans le cadre organique. Il est lié à l’agent, qu’il soit en activité ou non.

-       Tout agent (« fonctionnaire ») appartient à l’Etat, à l’Administration Publique et non à un Ministère déterminé. Etant au service de l’Etat, les nécessités de service peuvent, sous certaines conditions, justifier son transfert dans tel ou tel autre service.  

-       La compétence d’affectation du Président de la République est uniquement interne et ne concerne que des agents de l’Administration qui lui est rattachée, à savoir, le Secrétariat Général auprès du Président de la République. Il les affecte en interne après qu’ils aient été affecté dans cette Administration par la Commission d’affectation du Ministre de la Fonction Publique.

-       Aucun Ministre ou un Responsable de Service ne peut, sous peine de sanction, refuser l’affectation d’un agent ou le mettre à la disposition de la Fonction Publique.

-       Le Communiqué de la Présidence de la République du 25 janvier 2019 est déjà tombé caduque depuis l’investiture du Gouvernement ILUNKAMBA. Il ne saurait donc plus être évoqué sous quelque prétexte que ce soit.

Conclusion

Comme indiqué ci-dessus, ces analyses ne se sont pas penchées sur l’examen au cas par cas des noms qui figurent sur l’Arrêté de mise en place. Cependant, il conviendrait que ces agents aient été tirés parmi les agents promus au grade de Secrétaire Général, après concours, mais aussi parmi les agents nommés à ce grade bien avant le concours.

Aussi, le rapport de cet Arrêté par Son Excellence Madame le Ministre de la Fonction Publique, sur base des griefs soulevés dans la lettre de Monsieur le Directeur de Cabinet Adjoint ne saurait se justifier et ce, à raison des arguments sus évoqués.

Par ailleurs, l’Arrêté étant un acte administratif à part entière, toute personne intéressée pourrait le contester en usant de toutes les voies de recours reconnues par Loi, y compris le recours juridictionnel, en saisissant le juge administratif compétent (le Conseil d’Etat) pour requérir éventuellement son annulation.

Il serait également souhaitable qu’à la demande de la partie la plus diligente, le Conseil d’Etat soit saisi en interprétation des dispositions légales et règlementaires sus évoquées, pourtant claires, mais différemment interprétées.

Aussi, conviendrait-il, pour le futur :

-       Que la mise en place générale des SG au sein de l’Administration Publique, compte tenu de la sensibilité et les exigences techniques particulières liées à cet emploi, soit signée par le Ministre de la Fonction Publique après délibération en conseil des Ministres. Elle devrait intervenir après chaque cinq ans, sur la seule base des critères objectifs de la compétence, de l’Ethique et la Probité morale, parmi les agents compétents revêtus du grade de Secrétaires Général.

-       Qu’il soit affecté, en priorité, les Secrétaires Généraux nommés par Ordonnance du Président de la République, en lieu et place des agents commissionnés.

-       L’Administration Publique congolaise étant constituée de plus des Secrétaires Généraux qu’il y a des postes organiques, il y a lieu, d’une part, d’assurer la mise à la retraite des Secrétaires Généraux éligibles afin de libérer les postes pour les plus méritants et, d’autre part, de s’interdire des nouveaux commissionnements ou des nouvelles nominations, jusqu’à la maitrise parfaite des effectifs. Ainsi, en cas de vacance déclarée, plutôt que de commissionné un Directeur, il serait souhaitable de combler cette vacance par un Secrétaire Général nommé compétent, choisi parmi ceux qui sont en instance d’affectation.   

-       De veiller à ne pas heurter les dispositions de l’article 21 du Statut, qui dispose, « Aucun agent ne peut être privé de son emploi s’il n’a pas reçu une nouvelle affectation, ou s’il n’a pas été placé dans une position d’interruption de services ou s’il n’a pas cessé définitivement ses services pour l’une des causes prévues à l’article 77 de la présente loi, et que des dispositions utiles soient toujours prises avant toute mise en place, ou immédiatement après, en faveur des agents susceptibles de perdre leurs postes à la suite de la mise en place. Ces derniers ne devraient pas être abandonnés à leur triste sort. Selon les cas, ils devraient se voir, soit mis à la retraite honorablement, (si éligibles, volontaires ou malades) soit affectés aux autres postes correspondant à leurs grades statutaires (si commissionnés), ou réquisitionnés comme experts, …

-                Enfin, de veiller à ce que, dans le cadre du processus de réforme du cadre juridique de l’Administration Publique en cours, qu’il soit expressément précisé, lors de la modification de l’Ordonnance n°82-029 du 19 mars 1982 portant Règlement d’Administration relatif à la carrière, les modalités pratiques et claires relatives à l’affectation des Secrétaires Généraux au sein de l’Administration Publique. L’élaboration des mesures d’exécution (Règlements d’Administration) de la Loi n°16/013 du 15 juillet 2016 portant statut des agents de carrière des services publics de l’Etat devient plus qu’impératif pour élucider les zones d’ombre qui planent sur certaines dispositions légales. Les Règlements d’Administration en vigueur étant ceux pris en exécution de l’ancien statut (de 1981), ils ne sont plus adaptés au contexte politique, juridique et administratif de l’heure. Ils requièrent donc une revisitation urgente.  FIN.

 

[1] Ecole Nationale d’Administration de la RDC, Première promotion (Lumumba), 2014-2015

[2] Faites nous parvenir vos observations et commentaires via : carloskaloto@gmail.com ou sur tweter, en tapant carloskaloto.

[3] Ces salles pratiques, devenues presque une coutume administrative, devraient s’arrêter très vite avant que le pire n’arrive. Il semble que les enquêtes n’aboutissent généralement pas à grand-chose, et que les sanctions exemplaires ne suivent pas. 

[4] Professeur Docteur Désiré Cashmir OLONGELE EBERANDE.

[5] II dispose de la seule compétence d’admettre sous-statut par l’octroi des numéros matricules (article 11 alinéa 2 du Statut).

[6] Article 92 alinéa 5 de la Constitution

[7] (Le Premier Ministre) nomme par décret délibéré en Conseil des ministres, aux emplois civils et militaires autres que ceux pourvus par le Président de la République

[8] Articles 17 et 20 du Statut.

[9] Ce Règlement d’Administration ; signé en application de l’ancien Statut de 1981, produit encore ses effets aujourd’hui, conformément aux dispositions de l’article 140 du Statut en vigueur, qui dispose : « Les Règlements d’Administration et les circulaires administratives prises en application de la loi n°81/003 du 17 juillet 1981 portant statut du personnel de carrière des services publics de l’Etat demeurent d’application pour autant qu’ils soient conformes à la présente loi.

[10] A ce sujet, un conflit de compétence en matière d’affectation oppose depuis le Statut de 2016, le Ministre de la Justice aux Chefs des Juridictions et Parquets Généraux qui, au regard de la lecture combinée des articles 2 et 19 du Statut et 2 et 26 de la Loi organique n°16/001 du 03 mai 2016 fixant les principes fondamentaux d’organisation et de fonctionnement des services publics de l’Etat, s’en estiment compétents.

[11] A ce titre, il est admis que le Ministre de la Fonction Publique peut directement affecter un agent à un poste organique, lorsque l’accès à ce poste a donné lieu à un concours particulier organisé par la Fonction Publique, et auquel les agents concernés ont postulé et réussi. C’est le cas des affectations au sein des Directions et Structures dites « standards ».

[12] L’intérêt de cette interdiction se situe dans le fait que seul le Responsable du service sectoriel, utilisateur quotidien des agents et maitre des défis sectoriels, est supposé maitriser les capacités réelles de chaque agent (apport, aptitude, …). Il connait donc le poste auquel chaque agent devrait être efficace.

[13] Article 43 du Statut.

[14] Lire l’avis consultatif du 31 mai 2018 de la Cour Suprême de Justice siégeant comme conseil d’Etat en matière d’interprétation des textes légaux, l’Assemblée mixte entendue.