Les immunités de Mike Mukebayi ont été levées par le bureau de l'Assemblée provinciale de Kinshasa le 10 septembre. Le député provincial est à présent à la disposition de la justice. Dans une interview accordée à ACTUALITE.CD, il a affirmé être la cible de quatre plaintes. Godefroid Mpoyi Kadima, président de l’Assemblée provinciale de Kinshasa, a confirmé, la levée des immunités du député provincial. Il se défends des accusations d’acharnement sur Mukebayi : « Je ne peux pas m’opposer à la justice (…). J’ai un appétit d’ordre. Je vais moraliser la vie publique. Je ne vois pas pourquoi je dois attendre. Pour moraliser, c’est toujours urgent. Le changement dont on a besoin dans ce pays, c’est le changement des mentalités », avait-il déclaré au cours d’un entretien avec quelques médias dont ACTUALITE.CD.
Le DESK Justice vous propose aujourd’hui de revenir sur les notions d’immunité parlementaire pour un député provinciale.
« Aucun député provincial ne peut, en cours de session, être poursuivi ou arrêté, sauf en cas de flagrant délit, qu’avec l’autorisation de l’Assemblée Provinciale. En dehors de session, aucun député provincial ne peut être arrêté qu’avec l’autorisation du Bureau de l’Assemblée Provinciale, sauf en cas de flagrant délit, de poursuites autorisées ou de condamnation définitive ». En matière répressive, le député provincial est justiciable de la Cour d’appel, disposent respectivement les articles 107 et 197 de la Constitution de la RDC du 18 février 2006, et les articles 9 et 10 de la loi n° 08/012 du 31 juillet 2008 relative à la libre administration des provinces.
En effet, l'immunité parlementaire est une disposition du statut des parlementaires qui a pour objet de les protéger, dans le cadre de leurs fonctions, des mesures d'intimidation venant du pouvoir politique ou des privés, et ainsi de garantir leur indépendance et celle du Parlement.
Si elle offre effectivement une certaine protection aux parlementaires, en l’occurrence ici aux députés provinciaux, l'immunité parlementaire ne leur offre pas une impunité totale, contrairement à une opinion courante. Cette notion d’immunité parlementaire a, en droit, un double contenus : l'irresponsabilité pénale, autrement appelée immunité de fond, et l'inviolabilité, ou l’immunité de procédure : la première protège le parlementaire de toute poursuite pour des actions accomplies dans l'exercice de son mandat, c’est-à-dire qu’elle est pleinement liée à ses fonctions). C’est que ressort de l’article 9 alinéa premier de la loi de 2008 sur la libre administration des provinces : Aucun député provincial ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé en raison des opinions ou votes émis par lui dans l’exercice de ses fonctions.
La seconde, l'inviolabilité, vise les activités extra-parlementaires, c’est-à-dire détachables de ses fonctions : un député provincial peut être poursuivi, mais toute mesure coercitive, telle l’arrestation ou la garde à vue à son encontre, nécessite la mainlevée de son immunité par ses pairs, sauf en cas de flagrance.
L'immunité parlementaire est liée à la durée du mandat. Elle est « personnelle », elle ne concerne donc que le parlementaire lui-même. Elle ne s'applique ni à sa famille, ni aux personnes à son service, ni à ses complices éventuels. Elle ne s'étend, ni à son domicile, ni à son lieu de travail et permet ainsi la saisie de ses biens ou une perquisition domiciliaire. La levée de l'immunité parlementaire est possible mais elle est « partielle » puisqu'elle ne concerne que l'inviolabilité et « subsidiaire » en ce qu'elle n'empêche pas le parlementaire de conserver son siège au Parlement bien qu'elle puisse l'empêcher d'y siéger physiquement.
L'irresponsabilité, ou immunité de fond, ne peut être suspendue. Elle s'oppose à toutes formes de poursuites pénales, civiles ou disciplinaires et coïncide avec la notion pénale d'excuse légale absolutoire qui supprime l'élément légal de l'infraction. Elle a un caractère « perpétuel » dans la mesure où, cessant à l'issue du mandat, elle continue néanmoins de s'appliquer pour les opinions ayant été émises dans l'exercice de celui-ci. Elle a un caractère « d'ordre public » ; consécutivement, un député ne peut y renoncer et les actes accomplis en violation de l'immunité sont nuls de plein droit. L’idée ici, à la base, est la liberté d’expression du député. La liberté d'expression du député est donc très grande dans le cadre de ses fonctions. Cela concerne aussi bien ses interventions, et ses votes en séance publique, en réunion de commission, en réunion de groupe, les propositions de loi et les amendements, les questions parlementaires, ainsi que les missions parlementaires extérieures (mais pas celles missionnées par le gouvernement) et les rapports qu'il rédige pour le compte de sa chambre parlementaire.
Consécutivement, cette irresponsabilité ne couvre pas les propos tenus par le parlementaire en dehors de ses fonctions, y compris dans l'enceinte parlementaire s'il s'agit de propos ou d'actes privés (insultes et coups et blessures sur un collègue, relations avec un assistant parlementaire, etc.), et à l'extérieur, par exemple au cours de réunions publiques ou à l'occasion de la rédaction d'un livre ou d'un article, ou d'un entretien avec un journaliste (y compris une interview téléphonique). Dans ce dernier cas, le député peut régulièrement faire l’objet des poursuites et d’une arrestation, et s’il y a flagrance, aucune autorisation du Bureau de l’Assemblée Provinciale n’est requise.
En droit congolais, l'infraction flagrante est celle qui se commet actuellement ou qui vient de se commettre. L'infraction est réputée flagrante lorsqu'une personne est poursuivie par la clameur publique, ou lorsqu'elle est trouvée porteuse d'effets, d'armes, d'instruments ou papiers faisant présumer qu'elle est auteur ou complice, pourvu que ce soit dans un temps voisin de l'infraction.
Grâce MUWAWA L., DESK JUSTICE