La nouvelle suscite une vague d’émotion et d’indignation sur les réseaux sociaux. Naomie Ngamputu, jeune kinoise d’une vingtaine d’années, est décédée dans un hôpital de Nador, au Maroc, dans des circonstances non encore élucidées à ce jour.
Tristesse, désolation, impuissance, ce ne sont pas les qualificatifs qui manquent autour de cette affaire qui continue de défrayer la chronique et qui soulève un tsunami d’indignation sur les réseaux sociaux.
Et c’est justement sur les réseaux sociaux que la mère de la défunte affirme avoir pris connaissance de la disparition de sa fille. “J’étais à Dubaï quand j’ai appris cette nouvelle à travers une publication sur Facebook. Je m’étais juste connectée pour voir les publications. Du coup, je suis tombée sur cette photo. On disait que c’était une Congolaise décédée au Maroc. J’ai regardé attentivement la photo. Il s’agissait de ma fille, de Naomie”, raconte la mère de la défunte, jointe au téléphone par Actualité.CD, qui précise “elle résidait au Maroc avec ma soeur (sa tante). Je ne me souviens plus de la personne qui a posté ces photos... J’ai balancé mon téléphone avant de pousser un cri…”, explique-t-elle en sanglotant.
Emotion partagée au sein de la famille. Dans une parcelle de la commune de Limete, au quartier Mombele, à Kinshasa, le recueillement a commencé au sein de la famille. Fanny, la tante maternelle de Naomie Ngamputu, explique : “Naomie est décédée à la suite des coups de bâton qu’elle a reçu à la tête et sur le cou. Nous allons nous organiser au sein de la famille pour que son corps soit enterré là où elle résidait (au Maroc). Elle est déjà morte. Nous n’allons communiquer sur son décès qu’après l’enterrement.”
Toujours à la résidence familiale, une autre dame précise “nous sommes sa famille, nous ne connaissons pas encore les vraies raisons de la mort de notre fille. L’évènement s’est déroulé au Maroc. Toute sa famille est à Kinshasa. Comment voulez-vous avoir la vraie version des faits ? Pour l’instant, c’est son enterrement qui nous intéresse, pas autre chose.”
“Stop au racisme”
Par manque d’éléments probants tout en attendant d’avoir de plus amples explications, l’émotion reste vive sur les réseaux sociaux où publications, hommages et questionnement ne cessent de se multiplier. Certains twittos n’hésitent pas à parler de xénophobie. C’est le cas de Gueda Yav, pilote congolaise : “Tombée sous les coups de la haine, du racisme, oui, elle est Congolaise, elle a été tuée sauvagement au Maroc, elle s’appelait Naomie, stop racisme !! Nous devons continuer à dénoncer le racisme !”
L’écrivain et poète Sinzo aanza a, pour sa part, posté une photo de la jeune fille suivie d’une publication dans laquelle il souligne le lynchage dont a été victime la jeune congolaise. “Cette jeune congolaise, Naomie Ngamputu, vient de perdre les deux choses les plus précieuses qu'elle avait : sa fille et sa vie. Bref, elle est morte, lynchée”, rapporte-t-on du Maroc.
Pour sa part, Mamans volontaires, une association de défense des droits des femmes, appelle les autorités à clarifier le dossier. “Nous demandons aux autorités compétentes de faire la lumière sur la mort tragique de Naomie, survenue au Maroc. Et nous condamnons fermement tout acte de xénophobie, de racisme envers les étrangers. #DroitsYaMuasi !”, déclare l’association dans l'un de ses tweet.
Une fille sans problème
Du côté des amis et proches de Naomie Ngamputu, plusieurs questions restent sans réponse ! Abigael Amatu, l’une des amies de la défunte à Kinshasa, rend hommage à une amie simple et sans problème. “Naomie a voyagé pour le Maroc au cours de l’année 2017 (pour rejoindre sa mère, d’après ce qu’elle nous racontait). Elle était enceinte. Quelques temps après son voyage, elle nous a envoyé les photos de sa petite fille”, dit-t-elle tout en poursuivant “nous avons fait des études de graduat en sciences infirmières, section Hospitalière, au sein de l’Institut Supérieur des Sciences de Santé de la Croix-Rouge (ISSSCR), entre 2013 et 2016. C’était une fille très taquine mais elle ne se mettait jamais en colère.”
Réactions des autorités congolaises
Dans la soirée du 23 août, Chantal Safu, ministre du Genre, de la Famille et de l’Enfant, et Emmanuel Ilunga, ministre des Congolais de l'étranger, ont été contactés par la rédaction femme d’Actualité.CD. Chantal Safu, ministre du Genre, était injoignable. Adrienne Binwana, directrice et chef de service au sein du ministère du Genre dit ne pas être informée à propos de cette affaire. “Personnellement, je n’ai pas encore eu cette nouvelle. Même la conseillère de la ministre qui est en face de moi, elle n’a pas encore entendu parler de cela. Il faut peut-être vous approcher du cabinet pour aller partager l’information.”
Du côté du ministère des Congolais de l’étranger, le ministre Ilunga, qui a reçu un télégramme de l’Ambassade de la RDC au Maroc, relatant les faits, n’a pas hésité à le lire à Actualité.CD. “Nous vous annonçons le décès de mademoiselle Ibimpa Nsele Naomie, ressortissante congolaise née à Kinshasa, le 29 avril 2002, survenue à Nador, frontière du Maroc et de l’Espagne. Après tentatives infructueuses d'accéder à l’espace Schengen, le 14 août 2019. La défunte était accompagnée de sa fillette d’un an et six mois, nommée Ngamputu Pierrette qui est actuellement prise en charge par le centre de Melilla (une enclave espagnole). Ibimpa Kasongo Jacques, le père de la défunte vit au quartier Mombele, à Kinshasa.” Concernant le statut de la défunte avant sa mort, le télégramme reçu par le ministre Emmanuel Ilunga ajoute ces précisions : “L’Ambassade nous signale que la défunte n’avait pas le statut d’étudiante au Maroc. Le corps se trouve dans une morgue de Nador, au Maroc. La représentation diplomatique congolaise à Rabat saurait gré de faire part de cette triste nouvelle à la famille à Kinshasa.”
Par ailleurs, le ministre Ilunga précise que les raisons de sa mort ne sont pas encore connues. “La police n’a pas encore donné son rapport, l’autopsie est en cours. D’ici à la fin de la semaine prochaine, on saura tout”. Le télégramme précise aussi “les conditions exactes qui ont conduit à la mort à la sus-nommée vous seront communiquées dès que possible.”
S'agissant du rapatriement de la dépouille, la décision doit provenir de la famille. “C’est une évidence. Si la famille le veut, son corps sera rapatrié à Kinshasa”, souligne le ministre Ilunga. Entre-temps, le ministre précise ne pas avoir contacté la famille de la défunte : “Actuellement, je trouve que le moment n’est pas opportun pour entrer en contact avec sa famille, du fait que je n’ai pas d’informations fiables au sujet de la mort de leur fille.”
Naomie Ngamputu avait une fille d’environ 2 ans, Pierrette Ngamputu. Cette dernière a été retrouvée dans un centre pour réfugiés à Melilla, en Espagne.
Prisca Lokale