RDC : A Beni, « épicentre » d’Ebola , l’épidémie est considérée depuis toujours comme une « urgence internationale »

La RN4 dans la cité d'Oicha au Nord-Kivu/Ph Yassin Kombi ACTUALITE.CD

La décision de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) de déclarer l’épidémie d’Ebola en RDC une « urgence internationale » ne surprend guère à Beni, région considérée comme « épicentre » de la maladie déclenchée le 1 août 2018 dans la cité de Mangina.

Selon la société civile de Beni, l’agence de l’ONU a pris du retard pour se rendre compte de l’ampleur « dangereuse » de la maladie pour rendre sa décision. La maladie qui a déjà fait plus de 1600 morts au Nord-Kivu et en Ituri est une urgence internationale depuis toujours, à en croire la société civile.

« Au niveau de la société civile, nous sommes inquiets de ce retard que l'OMS a connu pendant tout ce temps parce que Ebola vient de faire presqu’une année, nous pensions que l'OMS allait prendre cette décision avant le temps pour que tout le monde puisse se mobiliser afin d'éradiquer Ebola dans notre région, malheureusement c'est une décision qui vient en retard pendant que les gens sont déjà décédés à Beni, Butembo et Ituri et surtout que c'est grâce au cas qui s'est présenté à Goma que l'OMS vient de prendre cette décision. Et donc n'eut été ce cas de Goma, l'OMS serait toujours silencieuse. Nous sommes en train de nous demander si les gens qui sont à Beni, Butembo, à Biakato ont droit à la mort », explique Kizito Bin Hangi, président de la société civile de Beni.

L'épidémie a déjà causé plus de 1670 décès en l’espace de près de 11 mois. Le directeur général de l'OMS, Tedros Adhanom,  a demandé à la communauté internationale d'afficher sa solidarité envers les populations congolaises.

« Si réellement cette décision (Ndlr : de considérer Ebola comme urgence internationale) peut nous aider dans le sens d'éradiquer la maladie, nous pouvons supporter tout au plus une semaine, parce que nous sommes en train d'observer toutes les consignes nous communiquer mais Ebola ne finit toujours pas. S'ils ont pris cette décision dans le sens de nous aider nous disons oui, mais s'ils ont pris ça dans le sens de solliciter des financements nous allons regretter », confie Ndambi wa Ndambi, membre de la coalition Lamuka en ville de Beni.

Pour le professeur Muhindo Mughanda, Enseignant de science politique et relations internationales attaché à l'Université Officielle de Ruwenzori (Butembo), la déclaration de l'OMS c'est un « aveu d'échec » qui peut permettre de recadrer la riposte contre cette maladie.

« La déclaration de l'OMS est une bonne chose parce qu’il s'agit d'un aveu d'échec qui peut permettre de recadrer les actions des équipes de la riposte, éviter les erreurs du passé et améliorer la performance des mêmes équipes. Ça pourrait être l'occasion de tenir compte des propositions du docteur Muyembe qui a suggéré qu'on change même les équipes », s’exprime le professeur Muhindo Mughanda.

Plusieurs observateurs dans la région affectée par la maladie estiment qu’en dépit de la décision de l’OMS, il faudrait plus prendre en compte les réalités de base pour venir à bout d’Ebola.  L’ONG Oxfam qui salue la décision de l’OMS appelle cependant à plus d’engagement communautaire car d’après elle la priorité à l’action médicale a montré ses limites.

« Nous accueillons favorablement leur recommandation d'accorder la priorité à l'engagement communautaire, car nous savons que le fait d'obtenir la confiance des communautés touchées par le virus a constitué un obstacle de taille et que le fait de se concentrer principalement sur une approche médicale n'a pas été efficace», dit Corinne N'Daw, directrice nationale d'Oxfam en RDC.

Le ministère congolais de la santé publique a pris acte de la décision de l'OMS de déclarer l'épidémie d'Ebola qui frappe les provinces du Nord - Kivu et de l’Ituri comme une urgence sanitaire de portée mondiale. Dans un commentaire rendu public après la réunion du comité d'urgence de l'agence onusienne, le ministère de la santé a dit espérer que "cette décision n’est pas le résultat des nombreuses pressions de différents groupes de parties prenantes".

Yassin Kombi