Le Colonel de l'armée congolaise, Jean de Dieu Mambweni était lundi à la barre dans le cadre du procès sur le meurtre des experts de l'ONU. Pourtant cité dans le dossier, l'officier a nié avoir facilité le contact entre les experts et Betu Tshintela, l'un des quatre accompagnateurs congolais.
Le colonel Mambueni affirme avoir tissé des relations avec Betu Tshintela, dans le but d'infiltrer la milice Kamuina Nsapu et connaître son fonctionnement.
"Je n'ai jamais mis les experts en contact avec Betu. J''étais, moi, en contact avec Betu Tshintela depuis 2016. Je passais par lui pour connaître le fonctionnement de la milice", répond le colonel Mambweni sur ses liens avec Betu Tshintela.
Betu Tshintela dont il était question à l'audience de ce lundi est présenté comme l'interprète que les experts avaient choisi pour leur mission à Bunkonde le 12 mars 2017. Il aurait été exécuté au même moment que les experts.
Interrogé sur ses conversations téléphoniques intenses du 9 au 10 mars 2017 avec Zaida Catalan et Betu, le colonel Mambweni a expliqué sans vraiment convaincre l'auditeur général Tim Mukuntu :
"Les miliciens avaient stoppé un train à la gare de Kawulu (Dibaya). J'ai appelé Betu Tshintela que je savais être dans la zone pour me donner une idée sur le nombre des miliciens afin que nous puissions déployer les soldats. Nous n'avions pas assez d'effectifs et nous ne voulions pas prendre le risque. C'est ainsi que j'ai eu beaucoup d'échanges avec lui".
Comment pouvez-vous expliquer les communications triangulaires intenses entre vous, Zaida et Bedu le 10 mars 2017 successivement à 10 h 56', 11 h 55' et 11 h 56' ?, questionne l'auditeur général, relevé téléphonique à la main :
"Ce jour là, il y a eu beaucoup de tirs sur la ville, Zaida ne faisait que m'appeler pour s'enquérir de la situation sécuritaire", rétorque le colonel Mambweni.
Et le 11 mars 2017 ? A cette question le colonel répond sans assez de conviction :
"Betu était injoignable toute la journée du 11 mars 2017. En plus moi j'étais sur terrain dans les opérations. Aussi j'ose croire qu'il était attiré parce qu'il allait gagner auprès des experts".
Au sujet du voyage des experts à Bunkonde, Mambueni répond qu'il n'était pas au courant :
"Je ne le savais pas sinon je les aurais déconseillés. Le jour que je les ai reçus, je leur ai dit de ne pas se rendre à Nganza, Katoka et Tshiambandiba dans la ville. Ces endroits étaient infiltrés par les miliciens. Si je l'ai ainsi fait pour la ville comment devrais-je les laisser s'aventurer sur l'axe Bunkonde que nous ne contrôlions pas?".
Le colonel Jean de Dieu Mambweni a attiré l'attention du tribunal sur la peur que la conduite du procès a semée dans la population de Kananga.
"Tout le monde dans la ville a peur de dire qui avait été en contact avec les experts car la population redoute des arrestations en cascade. Les experts ont rencontré beaucoup de gens dans la ville. Même la société civile. Imaginez-vous que même les hôteliers ne veulent pas reconnaitre les avoir hébergés!".
En réponse, l'auditeur général Mukuntu a conclu :
"C'est vous qui avez peur de dire la vérité".
A l'audience de lundi, José Tshibwabwa, ancien agent l'ANR à Kananga, détenu depuis près d'une année, a comparu comme témoin qui a participé à la préparation de la mission des experts. Son témoignage était interrompu de plusieurs questions de l'auditeur général et des juges.
Sur base des propos de José Tshibwabwa, les avocats de la défense ont demandé et obtenu du tribunal la comparution à l'audience prévue jeudi 22 novembre 2018 de l'ex-ministre provinciale Innocente Bakanseka, du directeur provincial de la DGM, d'un autre agent des services des renseignements, Thomas Nkashama, lui aussi en détention, et du président de la mutualité des ressortissants de Dibaya, à Kananga, l'ingénieur Kendi.
Sosthène Kambidi