Meurtre des experts UN : Témoignage poignant d'un ex-agent de l'ANR

José Tshibwabwa, ancien agent de l'ANR comparait au procès sur le meurtre des experts de l'ONU

José Tshibwabwa, agent des services des renseignements (ANR), à Kananga, détenu depuis près d'une année, a comparu, ce lundi 19 novembre 2018, comme témoin dans le procès sur le meurtre des experts de l'ONU.

Cet agent de l'ANR avait participé à la préparation de la mission de deux experts.

"Je m'étais rendu au village Kamuina Nsapu (ndlr : 150 km à l'ouest de Kananga), le 10 janvier 2017, sur ordre de l'ex-ministre provinciale Innocente Bakanseka, membre de la famille Kamuina Nsapu, pour ramener les membres de la famille régnante (Kamuina Nsapu) à Kananga qui devait discuter avec le gouvernement provincial sur le processus de paix. J'ai réussi à ramener avec moi six membres de la famille dont le chef François Mwamba. En cours de route, j'ai reçu un appel du village me demandant d'attendre un autre membre de la famille. C'est alors que je verrais un ancien milicien Betu Tshintela, monté à bord de notre véhicule. Je pensais qu'il resterait en cours de chemin mais il est venu avec nous jusqu'à Kananga. Arrivé auprès de l'ex-ministre Bakanseka, j'attendais qu'elle retourne Betu Tshintela car n'étant pas membre de la famille régnante. Mais la ministre Bakanseka n'a même pas posé la question sur la présence de Betu Tshintela dans notre délégation. Elle a payé sept matelas au lieu de six et m'a demandé de loger les sept personnes chez moi. Mais tout le temps quand nous allions chez l'ancienne ministre Bakanseka, quand elle voulait parler avec Betu Tshintela, les deux s'isolaient et cela me tiquait", a introduit cet ancien agent de l'ANR.

M. Tshibwabwa était devenu par la suite officier à la Direction générale d'immigration (DGM).

"Le 10 mars 2017 alors que nous étions en famille vers 14h, Betu Tshintela a reçu un appel téléphonique et a répondu : allô mon colonel. Il s'est retiré pour causer. A son retour, nous lui avons demandé avec quel colonel, parles-tu ? Il ne nous a rien dit. Seulement, il a cherché à mettre les chaussures disant qu'il venait d'être mis en contact avec des blancs et que notre vie allait changer", a enchaîné José Tshibwabwa, physiquement fatigué, assis sur une chaise.

D'après l'ex-agent de sécurité, Betu avait rencontré seul les experts de l'ONU.

"Betu est allé le même jour rencontrer les experts seul. A son retour le soir, il nous a dit qu'il avait été reçu par les blancs et qu'il leur avait dit qu'il était avec la famille Kamuina Nsapu. La même nuit, j'ai reçu un SMS de la ministre Bakanseka qui me demandait d'amener la délégation chez elle, le matin. Quand nous sommes arrivés, la ministre a conscientisé papa François Mwamba à faciliter la rencontre entre la famille et le gouvernement provincial".

Rencontre avec les experts

L'ex-agent des services de sécurité affirme qu'il était présent à la rencontre avec les experts.

"La rencontre a eu lieu à l'hôtel Woodland. J'étais présent. C'est notre frère Thomas Nkashama qui faisait l'interprète entre le vieux François Mwamba et les experts. Quand les experts nous ont informés séance tenante qu'ils devaient se rendre à Bunkonde, le vieux François Mwamba a refusé. Il a même dit à Betu Tshintela s'il avait les informations sur la situation sécuritaire. Betu, qui était devenu arrogant, a répondu insolemment qu'il n'y avait pas de problème. Quand ils sont partis le 12 mars 2017, c'est moi qui suis allé acheter les chaussures pour Betu. Ils ont pris les motos en face de chez moi. Vers 12h, Betu m'a appelé pour me dire qu'ils étaient à la rivière Moyo. Toute la nuit, j'ai appelé, il n'était pas joignable au téléphone. Trois jours après, j'ai appris par la radio qu'ils avaient été tués".

Ce témoignage d'un des agents des services des renseignements qui a participé à la préparation de la mission des experts, était interrompu de plusieurs questions de l'auditeur général et des juges. Sur base des propos de José Tshibwabwa, les avocats de la défense ont demandé et obtenu du tribunal la comparution à l'audience prévue jeudi 22 novembre 2018 de l'ex-ministre provinciale Innocente Bakanseka, du directeur provincial de la DGM, d'un autre agent des services des renseignements, Thomas Nkashama, lui aussi en détention, et du président de la mutualité des ressortissants de Dibaya, à Kananga, l'ingénieur Kendi.

Sosthène Kambidi