RDC: L’intervention de l’armée ougandaise contre les ADF “négativement” critiquée

Les opérations de l’armée ougandaise (Uganda People’s Defence Force, UPDF) contre les rebelles de l’Allied Democratic Forces (ADF) dans le territoire de Beni (Nord-Kivu) ne rencontrent pas l’assentiment de certaines congolais. Si pour l’instant les autorités congolaises ne se sont pas officiellement prononcées à propos, la question semble alimenter le débat entre acteurs politiques et sociaux. Le député national Juma Balikwisha révèle que les militaires ougandais sont entrés sur le sol congolais bien avant le début de «l’opération coordonnée» avec Kinshasa.

<i>«Les opérations ont été lancées pendant que les gouvernements congolais et ougandais étaient en pourparlers. Mais la veille de l’opération, il y a eu déjà une incursion de l’armée ougandaise au niveau de Nobili dans la chefferie de Watalinga et les bombardements ont été faits sans l’aval du gouvernement congolais. Cela peut être une fuite en avant pour masquer la présence des militaires ougandais dans notre pays»,</i> a dit à ACTUALITE.CD, Juma Balikwisha, élu du territoire de Beni.

Selon plusieurs sources, les autorités congolaises ont planifié de mener une opération conjointe contre la rébellion islamiste de l’ADF qui sévit dans l’Est congolais depuis plusieurs années. Cependant, les raids de l’UPDF vendredi dernier contre l’ADF semblent surprendre certains observateurs.

<i>« </i>Jusqu’aujourd’hui, nous savons que les voisins qui déstabilisent notre pays c’est le Rwanda et l’Ouganda. Et donc, utiliser les déstabilisateurs à stabiliser c’est moins réfléchi. <i>Lorsque nous sommes allés vers les autorités militaires, elles nous ont dit qu’elles n’étaient pas encore informées sur un plan élaboré entre l’armée congolaise et ougandaise et qu’elle ont été surprises d’apprendre que l’armée ougandaise mène des opérations de bombardement. Vous comprenez qu’il n’y a même pas une planification entre les FARDC et l’UPDF »</i>, a expliqué Thomas D’Aquin Muiti, président de la société civile du Nord-Kivu.

Lundi, l’armée ougandaise a affirmé avoir tué plus de 100 rebelles au cours de l’attaque.

<i>«Grâce au renseignement et à la coordination avec l’armée congolaise, nous pouvons confirmer que 8 bases de rebelles de l’ADF ont été détruites et que plus de 100 rebelles ont été tués »</i>, a déclaré lundi à l’agence Anadolu, Ronald Kakurungo, un porte-parole de l’armée Ougandaise (UPDF).

Pour le député Juma Balikwisha, les entrées répétitives des armées étrangères sur le sol congolais constituent un «  aveu d’incompétence » pour les forces de sécurité congolaises.

<i>« S’ils ont tué plus de 100 rebelles ADF, on se pose alors la question, où était notre armée ? Parce qu’ils disent qu’ils avaient des informations coordonnées avec les FARDC. Comment depuis toujours notre armée n’a jamais défait ces ADF alors qu’elle connait où se situent leurs cantonnements ? Ce qu’on est en train de vivre est un aveu d’incompétence parce qu’on n’a pas tiré les leçons de l’opération Umoja wetu où les militaires rwandais sont entrés et on ne connait pas l’effectif de ceux qui sont rentrés chez eux et ceux qui sont restés en RDC. Aujourd’hui, le Nord-Kivu est toujours en insécurité permanente. Si le Rwanda devient l’exportateur de coltan, allez-y comprendre».</i>

Depuis octobre 2014, plus de 100 civils ont été tués à Beni dans une série de massacres attribués aux rebelles de l’ADF. Jamil Mukulu présenté à l’époque comme chef de la rébellion avait été arrêté en Tanzanie puis extradé en Ouganda et son procès traîne. Au Nord-Kivu, les forces vives dénient la qualité de l’Ouganda d’intervenir contre les islamistes ADF à Beni.

<i>« Un élément important c’est de voir que c’est l’Ouganda qui garde Jamil Mukulu qui a été chef de l’ADF, jusqu’aujourd’hui nous n’avons pas appris qu’il y a un procès contre lui pour essayer de nous rassurer que l’Ouganda est un partenaire dans la traque de l’ADF.  Ce sont des éléments qui peuvent être mis en contribution pour continuer à soutenir notre position en disant que ce n’est pas l’Ouganda qui va nous aider à mettre fin à l’activisme de l’ADF »,</i> s’est plaint Thomas D’Aquin Muiti.

L’opération de l’UPDF dont la durée n’est pas connue intervient quelques jours après la mort de 14 casques bleus tanzaniens à Semuliki (Beni) au cours d’une attaque attribuée aux ADF.

D’où l’interrogation du président de la société civile du Nord-Kivu : <i>« Qui sont les gens qui ont tué les casques bleus ? Sont-elles des personnes qui sont venus de la RDC pour attaquer les casques bleus ou des personnes utilisées à partir de chez les voisins ? »</i>.

En 2009, une opération similaire de l’armée rwandaise (Rwanda Defence Force) a eu lieu au Nord-Kivu contre les Forces Démocratiques pour la Libération du Rwanda (FDLR) et avait fait objet d’un débat controversé au parlement. Ce qui n’est pas le cas à ce jour avec l’intervention de l’Ouganda.

<i>«Malheureusement dans toutes ces opérations, le parlement n’est pas associé alors que c’est l’émanation du peuple »</i>, regrette le député Juma Balikwisha.

<b>Patrick MAKI</b>