Kamitatu : “En évoquant la question de la nationalité de Katumbi, Thambwe ouvre la boîte de Pandore qui risque d’embraser le pays”

Le porte-parole de Moïse Katumbi a accordé, ce lundi 19 juin 2017, une interview à ACTUALITE.CD en réaction aux propos du ministre Thambwe Mwamba de la Justice au cours d’une conférence de presse à Genève (Suisse). Olivier Kamitatu juge ridicule la démarche menée par le Garde des sceaux pour  tenter de convaincre le Comité des droits de l’homme des Nations Unies que la justice congolaise est indépendante.

Au sujet de la “double nationalité” de Katumbi, le président de l’ARC dit que Thambwe Mwamba “ouvre la boîte de Pandore qui risque d’embraser le pays”.

<b>Comment réagissez-vous aux propos de Thambwe Mwamba et particulièrement à ceux touchant Katumbi dont vous êtes le porte-parole ?</b>

Le ministre Thambwe veut faire avaler à l’opinion publique que la justice congolaise est indépendante et que ni Joseph Kabila ni son gouvernement n’interfère en rien dans les affaires de justice, en particulier dans les fausses affaires dans lesquelles Moïse Katumbi est cité. C’est tout de même ridicule qu’un ministre de la Justice, de surcroît avocat de son état, feigne d’ignorer que le Parquet reçoit des injonctions de lui pour poursuivre quelqu’un devant les Cours et tribunaux.  Il a oublié que c’est lui qui a annoncé les poursuites contre Moïse Katumbi et affirmé qu’il a donné injonction au Procureur Général de la République pour cela ; c’est encore lui qui a déclaré à la place du PGR que toutes les preuves étaient réunies avant même l’instruction dans la prétendue affaire des mercenaires. Et c’est toujours lui qui dans l’affaire Stoupis a affirmé que c’était une affaire entre privés alors qu’il y avait condamnation pénale. Or, par définition, une affaire pénale oppose le Ministère public, c’est-à-dire le Gouvernement, à un individu. Maître Thambwe connaît-il des affaires entre privés qui donnent lieu à un mandat de prise de corps ? Comment le ministre peut-il demander à Moïse Katumbi d’épuiser la procédure interne dès lors que la décision de la Cour Suprême de Justice donnant acte à Moïse Katumbi en récusation du siège au 1er degré a été méprisée par une juridiction inférieure ? Quant à la candidature de Moïse Katumbi à la Présidence de la République, comme à ses habitudes, Mr Thambwe Mwamba, foulant aux pieds la Constitution, annonce déjà le rejet de cette candidature à la place de la CENI et donne, de manière à peine voilée, instruction au PGR d’y veiller. Ou le ministre de la Justice est un vulgaire menteur, ce que je ne crois pas du tout, ou il ne connaît pas son droit… De toute façon, dans les deux cas, il n’a fait que confirmer la détermination de Joseph Kabila d’écarter Moïse Katumbi de la course à la présidence en instrumentalisant la Justice et la CENI. Et en évoquant la question de la nationalité, le sulfureux ministre de la Justice ouvre la boîte de Pandore qui risque d’embraser le pays. Il en tirera devant l’histoire toute la responsabilité.

<b>Le ministre Thambwe dit que les élections seront organisées seulement à la date fixée par la CENI. Votre réaction ?</b>

On attend au plus vite le calendrier électoral que la CENI est en devoir de rendre public afin que les élections aient bel et bien lieu avant fin décembre 2017. A défaut, le président Kabila qui dispose du fait de l’accord signé au Centre Interdiocésain d’une extension provisoire de son mandat de 12 mois verra la fin de son intérim. Il y a tout lieu que la CENI prenne en compte qu’elle doit tout mettre en œuvre afin que les élections se tiennent dans ce délai. A la suite de Félix Tshisekedi et de Moïse Katumbi, les Congolais n’accepteront de voir la forfaiture et l’irresponsabilité élire domicile indéfiniment au Congo. Ils ne resteront plus longtemps les bras croisés. Personne ne veut revoir les événements de janvier 2015 ou septembre 2016. Trop d’innocents ont été sacrifiés par un régime violent et aveuglé par son obsession à se maintenir envers et contre tout au pouvoir. En décembre 2017, il sera déjà trop tard. L’orage gronde et la vague risque de tout emporter sur son passage.

<b>Comme le ministre Thambwe, êtes-vous d’avis que la rébellion du M23 a retardé la tenue des élections en décembre 2016 ?</b>

A plusieurs reprises j’ai fait état des dépenses extravagantes qui ont été réalisées pendant ces dernières années de vaches grasses au cours desquelles nous avons profité d’une croissance économique forte et des cours des matières premières à la hausse en dehors des budgets votés par la représentation nationale. Ces dépenses n’avaient rien à voir avec les dépenses de guerre contre le M23. Et, des centaines de millions de dollars dépensés à tort et à travers dans des projets à mille lieux des besoins financiers du processus électoral. Nous avons donc assisté à un sabotage délibéré et planifié des élections pour conduire le pays dans la situation dans laquelle il se trouve où tous les animateurs des Institutions, à partir du Président de la République, ont tous franchi les limites de leur mandat. Joseph Kabila a tout fait pour se maintenir au pouvoir au-delà des limites de son mandat fixées par la Constitution. Ceux qui lui prêtent l’intention d’organiser un référendum pour rester au pouvoir n’ont sans doute pas tort puisque la famille politique du Chef de l’Etat n’a pas désigné de successeur à l’actuel Rais. Aujourd’hui, l’illégitimité de Joseph Kabila est diluée dans celle des députés nationaux et provinciaux. La rébellion du M23 est une vieille rengaine qui ne convainc plus personne, certainement pas le peuple congolais qui n’est pas dupe des manœuvres du pouvoir. Le ministre Thambwe et ses amis politiques doivent trouver autre chose pour justifier leur échec.

<b>Interview réalisée par Patrick Maki </b>