La RDC accuse une nouvelle fois le Rwanda de vouloir, à travers son soutien à l’AFC/M23, changer les institutions congolaises et attire l’attention de l’UA 

Les rebelles du M23 à Kibumba
Les rebelles du M23 à Kibumba

À New York (NDLR : siège de l’ONU), Genève (Conseil des droits de l’homme de l’ONU), Addis-Abeba (siège de l’UA) ou ailleurs, et depuis la résurgence de la rébellion de l’AFC/M23, soutenue par le Rwanda, la République démocratique du Congo (RDC) n’a cessé d’insister sur le respect de l’Acte constitutif de l’Union africaine (UA). Face aux violations de son intégrité territoriale, Kinshasa invoque des principes tels que la non-ingérence et la défense de la souveraineté des États membres, plaidant pour une application stricte des engagements diplomatiques et des résolutions de l’Union Africaine afin de rétablir la paix dans l’Est de la RDC.

Cet appel a été une nouvelle fois réitéré ce lundi 29 décembre 2025 par Thérèse Kayikwamba Wagner, ministre des Affaires étrangères lors de la 1321ᵉ réunion ministérielle du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine. En clair, la diplomate a une nouvelle fois souligné que le soutien du Rwanda à la rébellion de l’AFC/M23 vise à changer l’ordre constitutionnel en RDC.  

"Au-delà des opérations militaires, la RDC tient également à relever une dimension institutionnelle d’une gravité particulière : le soutien multiforme apporté par le Rwanda à un mouvement politico-militaire (NDLR:AFC/M23) poursuivant un objectif de changement anticonstitutionnel des institutions légalement établies. Ces agissements violent l’Acte constitutif de l’Union africaine ainsi que la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance. Par ailleurs, la mise en place, par le Rwanda et ses supplétifs, d’une administration parallèle sur les territoires illégalement occupés par ces derniers doit être sévèrement condamnés", a déclaré Thérèse Kayikwamba Wagner qui intervenait par visioconférence.

En février dernier, la même accusation avait été formulée par la diplomate congolaise cette fois-là devant le Conseil de sécurité de l'ONU.

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Le Conseil de paix et de sécurité de l'UA constitue l’organe décisionnel permanent de l’Union africaine pour la prévention, la gestion et le règlement des conflits, mais également un système de sécurité collective et d’alerte rapide, visant à permettre une réaction efficace et coordonnée face aux situations de conflit et de crise en Afrique.

Pour Thérèse Kayikwamba Wagner, la République démocratique du Congo demeure profondément attachée au principe des solutions africaines aux problèmes africains. Ce principe, cependant, ne saurait être invoqué pour justifier la tolérance à l’égard de violations manifestes du droit international ni pour affaiblir les normes qui constituent le socle de l'Union africaine. 

"Dans ce cadre, la RDC encourage le Conseil à envisager des mesures appropriées et dissuasives, y compris des sanctions ciblées à l’encontre des responsables des violations graves, le renforcement des mécanismes d’enquête et de redevabilité, ainsi qu’un appui accru à la protection des civils. À cet égard, la RDC rappelle qu’un précédent clair existe dans la pratique du Conseil : en 2008, face à l’occupation d’une partie du territoire de Djibouti, le Conseil a condamné l’action militaire de l’Érythrée et en a exigé le retrait immédiat et inconditionnel. Ce précédent démontre que le Conseil sait dire le droit et agir avec fermeté lorsque l’intégrité territoriale d’un État membre est en jeu", a fait remarquer Mme Kayikwamba.

Cette réunion consacrée à la situation sécuritaire et humanitaire préoccupante dans l’Est de la République démocratique du Congo intervient dans un contexte marqué par de violents combats sur plusieurs fronts dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, opposant les forces gouvernementales à la rébellion de l’AFC/M23, soutenue par le Rwanda. L'UA qui peine à reconnaître l'agression de la RDC par le Rwanda, tient cette réunion quelques semaines après l’entérinement des accords de Washington par les présidents Félix Tshisekedi de la RDC et Paul Kagame du Rwanda, sous les auspices de l’administration Trump.

Si le processus de Washington semble avoir connu une accélération formelle avec l’entérinement de ces accords par les deux chefs d’État, en présence du président américain, les discussions de Doha entre Kinshasa et la rébellion de l’AFC/M23, soutenue par le Rwanda, peinent à enregistrer des avancées concrètes. Ces négociations, censées compléter les accords de Washington en abordant les causes profondes du conflit  notamment la restauration de l’autorité de l’État et la réintégration des groupes armés  demeurent, pour l’instant, largement au point mort, sans progrès concret depuis la signature de l’accord-cadre sous l’égide de l’État du Qatar.

Cette inertie a favorisé la reprise de violents affrontements entre l’AFC/M23, appuyée par le Rwanda, et les forces gouvernementales, entraînant l’occupation de la ville d’Uvira, dans la province du Sud-Kivu. Cette prise de contrôle avait suscité de vives condamnations internationales, visant principalement Kigali, notamment de la part des États-Unis. Sous la pression internationale, la rébellion de l’AFC/M23 a annoncé son retrait d’Uvira, affirmant vouloir donner une chance aux processus de paix. Toutefois, quelques jours plus tard, la représentante américaine au Conseil de sécurité des Nations unies a rappelé la nécessité d’un retrait effectif et vérifiable, à une distance d’au moins 75 kilomètres de la ville.

Clément MUAMBA