Pour la septième fois depuis son accession à la magistrature suprême, le Chef de l’État, Félix-Antoine Tshisekedi, s’apprête à prononcer ce lundi 8 décembre 2025 son discours sur l’état de la Nation devant les deux chambres du Parlement réunies en Congrès au Palais du Peuple. Il s’agira de son deuxième discours de l’état de la Nation depuis le début de son second mandat à la tête de la République Démocratique du Congo.
Selon la décision conjointe du président de l’Assemblée nationale, Aimé Boji Sangara, et du président du Sénat, Sama Lukonde, ce rendez-vous institutionnel s’inscrit dans le cadre de l’article 77 de la Constitution. Cette allocution intervient à un moment particulièrement crucial pour la RDC, alors que le pays fait face à d’importants défis sécuritaires, économiques, politiques et sociaux.
Une crise sécuritaire qui perdure dans l’Est
Déjà près de cinq ans, l’état de siège est en vigueur dans les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu, une mesure exceptionnelle destinée à contrer les violences des groupes armés. Pourtant, cette initiative peine à produire les résultats escomptés. Les groupes armés, notamment les Forces démocratiques alliées (ADF) et la Coopérative pour le développement du Congo (CODECO), restent actifs et représentent une menace constante en dépit des opérations militaires conjointes entre les Forces Armées de la République Démocratique du Congo et les Forces de défense du peuple ougandais (UPDF).
Le Nord-Kivu est également marqué par la présence de la rébellion de l'AFC/M23 appuyée par le Rwanda qui contrôle toujours plusieurs agglomérations des territoires stratégiques, notamment Rutshuru, Masisi, Nyiragongo et Walikale. Il en est de même pour la province du Sud-Kivu contrôlée une bonne partie par la rébellion de l'AFC/M23. Bien qu’un mécanisme de cessez-le-feu ait été signé sous la médiation du Qatar aucune avancée notable n’a été constatée.
Les relations avec le Rwanda, accusé de soutenir le M23, demeurent tendues malgré les initiatives diplomatiques. Grâce à la facilitation américaine, la République Démocratique du Congo et le Rwanda ont signé un accord de paix. Cinq mois après sa signature par les ministres des Affaires étrangères de deux pays, il vient d'être entériné par Félix Tshisekedi et Paul Kagame en présence de Donald Trump président des États-Unis d'Amérique. Les attentes sont énormes pour voir si celà aura un impact sur le terrain.
Programme économique ambitieux mais des défis persistants
Sur le plan économique, le chef de l’État Félix Tshisekedi va certainement mettre en avant les récentes avancées dans la coopération avec le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale. Deux nouveaux programmes économiques, soutenus par la Facilité élargie de crédit (FEC) et la Facilité pour la résilience et la durabilité (FRD), totalisent 2,87 milliards de dollars. Ces accords visent à stimuler la croissance, diversifier l’économie, créer des emplois et renforcer la résilience climatique. Des nouveaux financements sont attendus en cette fin d'année.
Le budget 2026, actuellement en examen au Parlement, reflète les priorités du gouvernement. Présenté en équilibre, tant en recettes qu’en dépenses, le budget 2026 s’élève à 59 021 milliards de francs congolais (FC). Il marque une hausse de 16 % par rapport au budget rectificatif 2025, arrêté à 50 692 milliards de FC. Cette augmentation, selon l’exécutif, traduit la volonté de renforcer la capacité de l’État à financer les services publics essentiels, à soutenir la croissance et à poursuivre la modernisation du pays.
Les infrastructures, la rémunération des agents publics et les secteurs sociaux figurent parmi les principales priorités. Cependant, des critiques subsistent sur la capacité du gouvernement à transformer ces engagements en actions concrètes, dans un contexte marqué par l'appréciation de la monnaie nationale et qui selon plusieurs analystes aura un impact considérable sur la mobilisation des recettes publiques malgré l'optimisme du gouvernement et de la Banque Centrale du Congo.
Dans le même registre, le Chef de l'État Félix Tshisekedi ne manquera pas de revenir sur l'accord de partenariat stratégique signé avec les États-Unis d'Amérique destiné à encadrer et accélérer une série de projets considérés comme prioritaires pour l’industrialisation du pays, la sécurisation des chaînes d’approvisionnement en minerais critiques et le développement d’infrastructures clés.
Selon le texte, la RDC devra transmettre dans les 30 jours suivant l’entrée en vigueur de l’accord une première liste des “DRC Designated Strategic Projects”, une catégorie qui regroupe les projets jugés centraux pour la transformation économique du pays. Ces initiatives devront contribuer à la création d’emplois, à l’ajout de valeur locale, au renforcement des infrastructures énergétiques et logistiques, ainsi qu’à la stabilisation des zones riches en ressources où persistent des tensions.
Un contexte humanitaire et sanitaire préoccupant
La situation humanitaire reste dramatique, avec plus 21,2 millions de personnes dans le besoin dans l'Est de la RDC. Chiffré à hauteur de 2,54 milliards USD, le plan de réponse humanitaire 2025 pour la République Démocratique du Congo reste sous financé. D'après les récents chiffres des organisations humanitaires, le plan n'est financé qu'à ce jour à hauteur de 14 et 16% à moins de trois mois de la fin de l'année.
À la suite de la conférence de soutien à la paix et à la prospérité dans la région des Grands Lacs organisée par la France et le Togo avec un accent particulier sur la situation humanitaire en RDC, l'administration Tshisekedi milite désormais pour la réouverture partielle de l'aéroport international de Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu. Cette initiative soutenue par la France est contestée par la rébellion de l'AFC/M23 qui juge la démarche inopportune et affirme que la situation humanitaire n'est pas alarmante dans les zones sous leur contrôle.
Sur le plan sanitaire, si la République démocratique du Congo a annoncé la fin de l’épidémie de maladie à virus Ebola dans la province du Kasaï, le pays est confronté à des épidémies de Mpox, de choléra et de rougeole tandis que l’Est du pays subit les conséquences des violences sur la santé publique. Ces crises mettent en lumière les faiblesses structurelles du système de santé en dépit des efforts du gouvernement liés à la mise en œuvre du programme de la couverture santé universelle.
Attente sur le dialogue national inclusif
Appelé à poser des actes d’État pour convoquer le dialogue national à la suite de la publication de la feuille de route par les confessions religieuses conçue pour appuyer les initiatives diplomatiques internationales menées par les États-Unis et le Qatar, le Chef de l’État, Félix Tshisekedi, maintient jusque-là sa position selon laquelle aucun dialogue ne peut être organisé en dehors de son initiative. Ce discours pourrait être l'occasion pour Félix Tshisekedi de fixer la nation alors que plusieurs voix au sein de l’environnement sociopolitique congolais continuent d’appeler à la convocation d’un dialogue national inclusif en République démocratique du Congo.
Le discours de Félix Tshisekedi intervient à un moment où la RDC semble à la croisée des chemins. Alors que le pays fait face à des défis multiples, cette allocution sera l’occasion pour le chef de l’État de tracer une feuille de route pour l’année à venir et de rassurer les Congolais sur sa capacité à répondre aux attentes.
Clément MUAMBA