 
 L’annonce faite à Paris en marge de la conférence de soutien à la paix et à la prospérité dans la région des Grands Lacs au sujet de la réouverture prochaine de l’aéroport international de Goma, près d’un an après les violents combats ayant opposé les Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) à la rébellion de l’AFC/M23 soutenue par le Rwanda, a une nouvelle fois mis en lumière la profonde méfiance existante entre les acteurs majeurs de la crise dans la région des Grands Lacs.
Alors que le président français Emmanuel Macron a dans son discours précisé que cette réouverture concernerait avant toute chose des vols et corridors humanitaires, dans le strict respect de la souveraineté congolaise, Kigali a réagi avec réserve à la démarche de la France. Par le biais de son ministre des Affaires étrangères et coopération internationale, Olivier Nduhungirehe, le Rwanda a estimé que Paris n’était "pas le cadre approprié " pour aborder la question de la réouverture de l’aéroport de Goma en l’absence de l’AFC/M23, présenté comme une "autorité de fait".
"Nous remercions la France et le président Emmanuel Macron d’avoir convoqué cette réunion sur la question humanitaire, qui est importante. Cependant, l’aéroport de Goma est sous le contrôle des autorités de fait, à savoir l’AFC/M23. Notre position est que toute décision doit être prise dans le cadre des négociations de Doha, où le gouvernement congolais et l’AFC/M23 sont engagés dans un dialogue. Paris ne peut rouvrir un aéroport alors que les principaux concernés ne sont pas présents"a déclaré jeudi 30 octobre 2025, devant la presse, Olivier Nduhungirehe.
L’AFC/M23 dénonce une décision “inopportune” et “déconnectée du terrain”
Dans la même lignée, la rébellion de l’AFC/M23, par la voix de son coordonnateur politique Corneille Nangaa, a exprimé son étonnement face à l’annonce du président français. L’ancien président de la CENI/RDC a qualifié la décision d’"inopportune", " déconnectée de la réalité du terrain " et prise "sans aucune consultation préalable " avec son mouvement politico-militaire.
"Comment évoquer la réouverture de l’aéroport de Goma pour des motifs humanitaires alors que les territoires de Walikale et de Masisi au Nord-Kivu, ainsi que ceux de Fizi, Walungu et Mwenga au Sud-Kivu, subissent quotidiennement des bombardements du régime de Kinshasa ciblant des sites civils, usines, ponts, aérodromes et avions humanitaires ? " s’est interrogé Corneille Nangaa sur le réseau social X.
Et d’ajouter :
"L’annonce de la réouverture de l’aéroport de Goma apparaît prématurée dans un contexte marqué par les attaques de drones du régime de Kinshasa sur des cibles civiles, la destruction d’avions humanitaires et la fermeture arbitraire de l’espace aérien des territoires libérés. Dans ces zones, les civils vivent en sécurité et dans la dignité, loin du chaos entretenu par Kinshasa"
“La France doit adopter une position juste et équitable”
L’AFC/M23, par la voix de Corneille Nangaa, a par ailleurs dénoncé les " pratiques des lobbys humanitaires " qui, selon lui, "se nourrissent de la détresse des populations prétendument déplacées "
"Par le passé, ces mêmes lobbys ont favorisé la survie de groupes armés, y compris les FDLR, alliés de Kinshasa, prolongeant ainsi les souffrances de notre peuple. La France devrait adopter une position juste et équitable. Elle ne doit pas encourager ceux qui exploitent la détresse humaine à des fins politiques ou lucratives, mais plutôt soutenir la recherche de solutions durables pour la paix dans la région" a souligné Corneille Nangaa.
Kinshasa prévient : “Pas d’agitation ni de marchandage”
À Kinshasa, la décision issue de la Conférence de Paris a été accueillie favorablement. Le porte-parole du gouvernement, Patrick Muyaya, a rappelé que la réouverture de l’aéroport de Goma se fera uniquement sur autorisation des autorités congolaises, et exclusivement pour des vols humanitaires effectués en journée.
"Ce n’est ni l’agitation du père le Rwanda ni celle du fils le M23 qui remettra en cause l’engagement de ceux qui, aux côtés du président Tshisekedi, d’Emmanuel Macron et de Faure Gnassingbé, se sont mobilisés à Paris pour des millions de femmes et d’enfants qui ploient sous le joug des agresseurs. Vouloir marchander ou s’opposer à une intervention humanitaire urgente est un déni et une preuve supplémentaire du cynisme de ceux qui gouvernent par le crime" a dénoncé Patrick Muyaya, Porte-parole du gouvernement sur X.
Et de préciser :
"Nos compatriotes déplacés au Burundi pourront également recevoir de l’aide via l’aéroport de Bujumbura. À Paris comme à Bruxelles, notre voix a été clairement portée et entendue une voix qui réclame la vérité, la justice et une paix durable"
Organisée par la France en coordination avec le Togo, médiateur de l’Union africaine, la Conférence de Paris visait à mobiliser la communauté internationale face à l’urgence humanitaire dans l’est de la RDC. Elle entend également soutenir les efforts de négociation et de médiation en cours, menés par les États-Unis, le Qatar et l’Union africaine.
Selon ses initiateurs, la rencontre a permis de discuter du renforcement de l’intégration économique régionale, considérée comme un levier essentiel d’une paix durable. Paris souligne que cette conférence a offert à la communauté internationale une occasion concrète de réaffirmer son engagement en faveur de la paix et du développement dans la région des Grands Lacs, au bénéfice direct des populations locales.
Clément MUAMBA
 
          
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
