Médias du futur : trois notions qui peuvent intéresser les journalistes congolais

En septembre dernier, vingt-six (26) professionnels des médias de la République Démocratique du Congo ont achevé une formation organisée à leur égard dans l’une des provinces de la Chine. Parmi les notions abordées, trois d’entre elles ont captivé l’attention, soit : le journalisme en vidéos courtes, l’intégration de l’IA dans le métier, ainsi que la construction d’une identité personnelle.

Le journalisme en vidéos courtes

Les nouvelles technologies de l’information et de la communication ont révolutionné le monde. Il est évident que, parmi les secteurs les plus impactés, on compte le métier de journaliste. Durant cette formation, Lie Tie, doyen et professeur de la Faculté des sciences humaines de l’Université du Hunan, a expliqué que, malheureusement, en Chine, la rapidité a gagné du terrain.

« Les jeunes, qui constituent la majorité des internautes, n’accordent plus d’importance ni de temps aux textes ou aux médias traditionnels, tels que les journaux. Ils veulent être informés, mais deviennent tout de suite impatients. Les contenus les plus consommés durent à la limite 15 secondes. Ils doivent être très courts, très précis, très concis. En moins de 15 secondes, l’internaute doit avoir tout vu, tout compris et fini », soutient-il.

D’ailleurs, selon le 55 ème rapport statistique sur l'état de développement d'Internet en Chine (janvier 2025) total d'internautes en Chine a atteint 1,108 milliard, dont 1,04 milliard d'utilisateurs de vidéos courtes.

En République Démocratique du Congo, la situation est presque similaire. Selon une étude menée par le cabinet de sondage Target sur l’audience des médias en RDC pour l’année 2025, l’utilisation d’Internet par le public connaît une progression, faisant des médias numériques les plus consommés, de 45 % en 2024 à 48 % pour l’année en cours. Cette progression dépasse à la surprise générale la radio, qui a dégringolé de 46 % l’an dernier pour faire un score de 44 % cette année.

(Re)Lire : Audience des médias en RDC : Internet connaît une progression et les médias digitaux deviennent les plus consommés en 2025 devançant la radio (Target)

Ainsi, avec une base d'utilisateurs aussi vaste et une expansion rapide du secteur, la vidéo courte s'impose comme un outil essentiel de transmission de l'information dans la société contemporaine, exerçant une influence significative sur la diffusion des nouvelles.

« Les médias doivent obligatoirement s’adapter », soutenait Lin Tie.

Comment s’y prendre ?

Le journalisme en vidéo courte présente deux caractéristiques clés. C’est-à-dire « Fragmentation et divertissement » et « Instantanéité et grande capacité d’impact ». La fragmentation désigne des contenus d’une durée très courte (principalement de 15 à 60 secondes) dont l’information est hautement condensée. Chaque vidéo ne porte qu’un seul point émotionnel ou informatif, pouvant être segmentée et recomposée à l’infini.

En comparaison avec les reportages textuels traditionnels, le journalisme en vidéo courte est une séquence de 15 secondes qui ne montre que le point culminant d’un conflit ou un instant décisif, tandis que le contexte, les causes et les suites sont compressés ou renvoyés au swipe suivant, donc le parcours de lecture est ponctuel et non linéaire. Contrairement au reportage textuel où un article doit contenir au moins 800 à 1200 mots, structurés en pyramide inversée, et doit impérativement inclure les cinq questions de référence (qui, quoi, quand, où, comment et pourquoi). La chaîne logique est complète et nécessite une lecture linéaire de la part du lecteur.

Deuxième caractéristique, Instantanéité et grande capacité d’impact. L'instantanéité désigne la capacité à collecter, monter et publier un contenu alors que l'événement est encore en cours et que ses répercussions se font encore sentir. Le public n’en perçoit quasiment aucun décalage.

Pour réussir la production de contenu des actualités en vidéo courte, il faut : cibler en profondeur (du buzz émotionnel à l’enjeu de société), narration approfondie (de l’explosion ponctuelle à l’explication structurelle), approfondissement de la posture narrative (du putaclic à la narration empathique). Enfin, il faut garder la conscience du gatekeeper (Veiller à ce que la rapidité à l’ère algorithmique ne se fasse pas au détriment de la vérité. Vérification des faits–Contrôle éthique–Contrôle expert).    

L’intelligence artificielle fait partie intégrante du journalisme

En Chine, les médias considèrent que l'intelligence générative soutient le développement de nouvelles forces productives de haute qualité. Dans toute la chaîne de production des nouvelles, l’intelligence artificielle a été intégrée. Lors d’une visite à Hunan Xingchen Online New Media, les 26 journalistes congolais ont eu par exemple l’opportunité de voir comment un simple plateau de télévision était automatiquement transformé à travers la caméra sans être obligé de passer par un processus de montage.

En RDC, les médias sont dans le processus de comprendre l’utilisation de l’IA. Jusqu’à ce jour, aucun média n’a officiellement annoncé l’intégration de l’intelligence artificielle dans l’exercice du métier.

Que peut faire l’IA ?

L’intelligence artificielle, en tant qu’élément du journalisme, permet de gagner du temps et d’améliorer la fiabilité. Dans la collecte de l’information, l’IA peut permettre d’obtenir automatiquement la transcription au moment même où le journaliste enregistre un discours, dans le traitement, l’IA permet de soutirer des bruits des alentours et ne conserver que l’essentiel d’un événement ou d’un discours, l’IA permet aussi de rédiger des textes, reformuler des articles ou proposer des angles. Au niveau de la diffusion, l’IA peut être utile pour adapter les contenus aux publics ou plateformes, dans la production multimédia, l’IA peut créer automatiquement des vidéos à partir d’articles, transformer des textes en voix ou générer des visuels illustratifs.

Attention, tous les intervenants ont exposé sur l’intégration de l’IA ont souligné “N’oublions pas. L’IA reste domptable. Chaque action accomplie par l'intelligence artificielle est commandée par l'humain”.

Bâtir une Identité personnelle

Dans un monde en constante évolution, les médias traditionnels, considérés comme canal officiel de diffusion des nouvelles, se disputent la place avec les réseaux sociaux. L’avènement de l’internet a clairement bouleversé la tendance. Même les annonceurs choisissent de passer par des comptes qui ont le plus grand nombre de followers plutôt que de reposer leur choix sur les organes de presse dont la crédibilité n’est plus à prouver.

En Chine, les exemples présentés par les formateurs de l’institut du commerce extérieur de Hunan ont démontré que bâtir une identité personnelle sur les réseaux sociaux permettrait au journaliste de conserver sa place au milieu des pseudo-experts des médias. Les journalistes ont un avantage : l’éthique et la déontologie. Ils reçoivent à la base un enseignement qui oblige à collecter, à traiter, avant de diffuser une nouvelle. Par contre, la plupart de ceux qui gèrent des comptes sociaux font la course aux likes.

Comment s’y mettre ?

Lors d’un séminaire, Yu Cui, le directeur général de la chaîne de divertissement du Groupe de radio et télévision de la province du Hunan, lieu de formation des journalistes, a partagé trois clés : Individu, Groupe et Foule.  

« Si vous découvrez votre propre voie et symbole, vous pouvez donc vous démarquer de tous les autres. C’est ce qui fait votre particularité qui vous distingue et qui bâtit une communauté autour de vous » (Individu)

« Ce qui nous pousse à partager quotidiennement des contenus sur les réseaux sociaux, c’est cette interaction, ce lien qui s’établit avec le public » (Groupe)

Être approuvé par le public, faire adhérer un public, renforcer ses contenus et s’étendre, le public qui a adhéré à vos contenus deviennent votre communauté. Vous bâtissez une communauté autour de vos contenus. (Foule)

Exemple : Bruce Lee (acteur de Cinéma) ou de Dandan Zhang (Au départ, animatrice de Hunan Radio et télévision, elle a démissionné de son poste pour devenir créatrice des contenus spécialisés dans l’univers mère-enfant. Elle est donc passée d’un journaliste traditionnel à une blogueuse  mère-enfant suivie par des millions de personnes).

Prisca Lokale