Cinéma : David Shongo récompensé au Grand Prix Ars Electronica 2025 pour son film “Café Kuba”

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David Shongo

L’artiste et compositeur congolais, David Shongo, vient de remporter le Grand Prix Ars Electronica 2025 pour son film “Café Kuba”, devenant ainsi le premier Congolais à recevoir cette prestigieuse distinction internationale qui lui sera décerné à Linz, en Autriche, lors du festival Ars Electronica.

C’est dans un contexte de crise aiguë que le film “Café Kuba” a vu le jour. En février 2025, alors que l’est de la République Démocratique du Congo était ravagé par une nouvelle offensive rebelle du M23, marquée notamment par la chute de Goma et Bukavu, Kinshasa sombrait dans une forme de « paralysie psychologique et institutionnelle ». C’est au cœur de ce tumulte que David Shongo a imaginé ce geste artistique radical : faire un cinéma fugitif face à la guerre. 

Un chariot devenu caméra

Au cœur de l'œuvre se trouve une charrette de vendeur ambulant transformée en dispositif d’enregistrement mobile. Ce modeste objet, emblématique de l’économie informelle urbaine, devient chez Shongo un véhicule de mémoire, sillonnant les rues fracturées de sa ville Kinshasa. Il capte les voix, les silences, les bruits ambiants, autant d’échos d’une ville au bord de l’effondrement. La caméra ne filme pas simplement un territoire, mais incarne surtout un corps en mouvement, blessé, résistant.

Ce dispositif d’apparence banale se mue en protagoniste central d’un film à la fois poétique et politique. Les personnages masqués, drapés de débris électroniques, évoquent les ravages de l’exploitation minière et les logiques extractivistes mondiales dans lesquelles le Congo est pris au piège depuis des décennies.

Le jury d’Ars Electronica a salué une œuvre à la précision esthétique, à la clarté conceptuelle et à l’engagement indéfectible.

« Café Kuba de David Shongo explore l'acte de création dans un contexte de guerre, de traumatisme collectif et d'instabilité politique. Filmé à Kinshasa après la chute de Goma et de Bukavu aux mains des forces rebelles, Shongo invente une nouvelle approche créative : une forme d'art fugitif – un geste esthétique né de l'urgence, ancré dans le besoin vital de créer tout en échappant à la répression autoritaire. Il transforme un chariot de café de rue en un dispositif d'enregistrement mobile, poétique et politique ».

Loin d’un cinéma documentaire classique, David Shongo invente un art de la fuite, enraciné dans la clandestinité. Cette œuvre témoigne d’une création en crise, d’un cinéma de survie qui interroge les limites de l’image dans un pays où filmer devient un acte risqué, parfois criminalisé.

« David Shongo a fait de ce chariot le protagoniste central, capturant les pulsations, les corps et les tensions invisibles de la ville. Grâce à un langage visuel poétique et à une conception sonore 3D immersive, l'installation plonge le spectateur dans une chorégraphie urbaine intime, fragile et politiquement chargée de Kinshasa », poursuit le jury. 

David Shongo : un artiste entre mémoire, son et résistance

Âgé de 29 ans, David Shongo est connu pour son approche multidisciplinaire. Originaire de la RDC, il travaille à l’intersection du son, du cinéma, de l’art numérique et des arts visuels. Son œuvre questionne les dissonances culturelles, les séquelles du colonialisme, et les fractures de la mémoire collective. Il est également fondateur du Festival Pianos de Kinshasa et cofondateur du Studio 1960, un espace de recherche et de création contemporaine.

Avec Café Kuba, David Shongo offre une réponse politico-poétique à l’un des conflits les plus persistants et les plus méconnus du monde. Sa récompense à Ars Electronica 2025 est une reconnaissance majeure de la scène artistique congolaise, longtemps marginalisée sur la scène internationale malgré sa richesse et sa vitalité.

L’installation Café Kuba sera exposée dans le cadre du festival Ars Electronica 2025, qui se tiendra du 4 au 8 septembre 2025 à Linz, en Autriche. L’occasion pour le public international de plonger dans une Kinshasa en tension, d’en percevoir les palpitations, les blessures et les résistances, à travers le regard profondément humaniste d’un artiste devenu fugitif dans son propre pays.

James Mutuba