L'Union nationale de la presse du Congo (UNPC), autorité d'autorégulation des journalistes au pays, dit suivre « avec le plus grand émoi » la décision prise, à titre conservatoire, par le Conseil supérieur de l'audiovisuel et de la communication (CSAC), qui a suspendu pour un délai de 90 jours la diffusion des activités du parti de Joseph Kabila.
Dans un communiqué, ce vendredi 6 juin, l'UNPC, émettant ses réserves sur les compétences de la régulation de son champ, a formulé cinq observations à la suite de la décision du CSAC, laquelle nourrit la polémique. Il rappelle que:
1. Le champ d'exercice de toute régulation des médias est avant tout philosophique et il porte sur la liberté de la presse et d'expression comme socle ;
2. Pour rester rationnelle et objective, la régulation se fait toujours à posteriori et non à priori. Une régulation à priori est une censure qui ne dit pas son nom. Les journalistes et les médias ne peuvent s'accommoder de la censure et de l'inquisition qui en résulte ;
3. La régulation ne peut avoir pour rôle d'embrigader les médias pour empêcher les journalistes d'être la conscience critique de leur temps en tant qu'historiens du présent ;
4. Le droit du public à l'information et la liberté de la presse sont garantis par la Constitution même si l'Union admet qu'en temps de guerre, des restrictions peuvent exister et elles sont compréhensibles ;
5. Alors que les autorités du pays recherchent la cohésion nationale, pourquoi vouloir faire passer les médias et les journalistes comme des porteurs d'armes et munitions qui fauchent les milliers de compatriotes congolais à l'Est.
Craignant de « livrer les journalistes à la furie d'une approche maximaliste d'une régulation solitaire », l'UNPC invite le CSAC à la lucidité et au discernement pour ne pas précipiter les médias et les journalistes dans un tourment qu'il ne saurait maîtriser.
« L'Union invite, par la même occasion, les journalistes congolais à la retenue et à la sérénité face à cette dérive autoritaire d'une régulation solitaire. Elle les exhorte à redoubler de professionnalisme dans l'exercice de leur métier en mettant en avant l'amour de notre patrie et la défense de son intégrité territoriale surtout en temps d'agression et d'occupation d'une partie de notre territoire », conclut Kamanda Wa Kamanda Muzembe, président de l’UNPC.
Au cours d'une plénière, ce vendredi, à l'Assemblée nationale, consacrée au débat sur le rapport annuel 2024 des activités du CSAC, les députés nationaux ont exprimé leur colère contre le modus operandi avec lequel cette institution d'appui à la démocratie est conduite.
Dans son intervention, le député national Séverin Bamani, expert en communication, a déclaré avoir l’impression que l'actuel CSAC semble être dirigé de manière à faire plaisir « soit au gouvernement, soit au président de la République, et on s’y prend maladroitement» ». Comme l'UNPC, il a insisté que la régulation se fait à posteriori et non à priori, rappelant le travail du CSAC, qui est celui de réguler les contenus.
Le député national Christian Mwando a, pour sa part, remis en cause le rapport annuel présenté par le président du CSAC, qu'il a présenté comme « un discours militant », tout en rappelant les missions assignées à l'institution, notamment garantir la liberté de la presse, de l'information et de tout autre moyen de la communication, assurer la protection de la presse, veiller à l'accès équitable des partis politiques, des associations, des personnes et autres aux moyens officiels d'information et de la communication.
Samyr LUKOMBO