À la suite de son arrêt condamnant Matata Ponyo dans l'affaire Bukanga-Lonzo, le député national Paul Gaspard Ngondankoy Nkoy Ea Loongya s'est montré critique à l'endroit de la Cour constitutionnelle de la République Démocratique du Congo lors de sa prise de parole à la plénière de ce mercredi 21 mai 2025 à l'Assemblée nationale. Selon lui, l'arrêt de la Cour constitutionnelle a troublé la conscience du plusieurs juristes, en commençant les juges constitutionnels.
« L'équation était simple : ou bien le collègue Augustin Matata était poursuivi pour avoir commis une infraction de détournement dans le cadre du projet Bukanga Lonzo et ce, dans l'exercice de ses fonctions de premier ministre, auquel cas effectivement, son juge naturel est la Cour constitutionnelle; ou bien le collègue a été poursuivi comme député national et à ce titre, il n'est pas justiciable de la Cour constitutionnelle mais puisque la Cour constitutionnelle s'est déclarée compétente. Puisqu'on l'a poursuivi du chef de détournement dans le cadre du projet de Bukanga Lonzo, au nom du principe de la cristallisation des faits en droit pénal, la Cour était liée par la procédure d'une double demande d'autorisation des poursuites et de mise en accusation. Donc la Cour aurait dû logiquement aboutir à l'irrecevabilité de l'action du ministère public », a déclaré d'entrée de jeu le député national Paul Gaspard Ngondankoy Nkoy Ea Loongya.
Il ajoute : « L'article 151 de la Constitution alinéa 2 nous interdit malheureusement de statuer sur des différends juridictionnels et même de nous opposer à l'exécution des décisions de justice. Normalement, nous n'aurions pas dû discuter de ça ici mais la question interpelle les politiques que nous sommes, aussi parce que c'est nous qui sommes législateurs. Nous sommes même constituant dérivé. Nous pouvons modifier la Constitution tout comme nous pouvons modifier les lois appliquées par la Cour Constitutionnelle. Notre Cour a pris une tendance dangereuse de pouvoir s'octroyer un pouvoir d'interprétation plus large que celui que les lois ne lui donnent ».
Face à cette situation, l'élu de la circonscription électorale de Yahuma, dans la province de la Tshopo suggère la tenue d'une réunion Inter institutionnelle autour du Chef de l'État où cette question devra être évoquée en vue de mettre fin selon lui, aux dérapages de la Cour constitutionnelle.
« Sans discuter de l'arrêt de la Cour constitutionnelle, sans s'opposer à son exécution, la première démarche à faire, honorable président, c’est que vous notre président dans le cadre d'une réunion inter institutionnelle présidée par le Chef de l'État, que ceci soit évoqué et deuxièmement, je suis moi-même auteur de deux propositions de loi aussi bien sur la Cour constitutionnelle que sur le référendum. Il faut que nous puissions prendre nos responsabilités pour dire à notre Cour constitutionnelle ce qu'elle doit faire. Il y a une différence nette dans une démocratie entre les représentants du peuple qui édictent des normes et les juges qui ne font que les appliquer. Le juge ne peut pas se substituer au législateur pour pouvoir s'attribuer les compétences qu'elle n'a pas. Ce sont les deux démarches que je vous propose, honorable président, pour essayer de sortir de ce noeud gordien », a recommandé cet élu.
L’ancien premier ministre Augustin Matata Ponyo a été condamné par la Cour constitutionnelle à « dix ans de travaux forcés » pour détournements de fonds publics dans le cadre du projet du parc agro-industriel Bukanga-Lonzo. Actuellement député national et président du parti politique de l'opposition Leadership et gouvernance pour le développement (LGD), M. Matata Ponyo était premier ministre de 2012 à 2016 sous le régime du président Joseph Kabila.
Dans le cadre de cette affaire, l’ancien premier ministre Augustin Matata Ponyo était poursuivi aux côtés de Deogratias Mutombo, ancien gouverneur de la Banque centrale du Congo au moment des faits, et de Grobler Christo, gérant de la société sud-africaine Africom. Deogratias Mutombo et Grobler Christo ont été condamnés chacun à « cinq ans de travaux forcés ». La Cour constitutionnelle a, par ailleurs, décidé de « l’expulsion définitive » de Grobler Christo du territoire de la RDC après l’exécution de sa peine.
Cette décision dans l’affaire Bukanga Lonzo est l’aboutissement d’un long feuilleton judiciaire. Tout est parti en 2021 lorsque saisi pour la première fois, la Cour constitutionnelle s’est déclarée incompétente pour juger un ancien Premier ministre. Le dossier a été transféré à la Cour de cassation. Face aux exceptions des avocats de l’ancien premier ministre, cette juridiction a saisi à nouveau la Cour constitutionnelle sur une question relative à l’interprétation des dispositions constitutionnelles sur sa compétences en matière pénale. Cette dernière va alors faire un revirement de jurisprudence en se déclarant cette fois-ci compétente à juger un ancien premier ministre. C’est alors qu’elle a été à nouveau saisie par le Procureur général pour cette seconde affaire.
Clément MUAMBA