Inondations à Kinshasa : « nous espérons que cette énième catastrophe va enfin réveiller les autorités congolaises afin qu’elles prennent la mesure de la gravité de leur irresponsabilité » (Jean Jacques Lumumba)

Jean Jacques Lumumba
Jean Jacques Lumumba/Ph. Droit tiers

Dans un entretien accordé lundi 7 avril à Actualité.cd, le lanceur d’alerte Jean Jacques Lumumba répond aux questions liées à l’actualité de l’heure en République démocratique du Congo marquée par la guerre de l’Alliance du Fleuve Congo et du M23 (AFC-M23) et surtout les récentes inondations à Kinshasa, qui ont fait plus de 30 morts d’après les autorités. Interview

Les pluies diluviennes qui se sont abattues le week-end dernier à Kinshasa ont fait plusieurs victimes et beaucoup de dégâts matériels dont la rupture du pont de la rivière N’djili. Un mot pour ça ?

Nous présentons nos condoléances les plus sincères aux familles des personnes disparues et adressons toute notre compassion aux populations victimes de ces inondations. « Gouverner, c’est prévoir », dit-on et ce n’est pas la première fois que la ville de Kinshasa connaisse pareilles catastrophes. Lors de notre dernière conférence de presse, nous avons évoqué le désordre, la désorganisation et les insalubrités qui règnent à Kinshasa. Nous espérons que cette énième catastrophe va enfin réveiller les autorités congolaises afin qu’elles prennent la mesure de la gravité de leur irresponsabilité. Dans le but de se déresponsabiliser comme d’habitude les autorités congolaises  ainsi que leurs fanatiques vont évoquer les inondations à Paris, Bruxelles, Londres ou ailleurs dans les capitales occidentales mais la différence réside dans la réponse accordée par ces autres pays quand surviennent les catastrophes de cette envergure et cette réponse est la résultante d’une gouvernance responsable, d’une bonne gestion de la cité, d’une programmation et d’une prévention adéquates; ce qui est loin d’être le cas chez nous et cela démontre l’incapacité des dirigeants actuels. Il y aura décaissement de plusieurs millions de dollars pour remplir encore une fois leurs poches sous prétexte de trouver une solution, mais absolument rien ne sera fait !

Revenons à la politique. Pensez-vous qu’il faut oui ou non négocier directement avec la rébellion AFC-M23 ?

Oui. Il est bel et bien clair qu'à ce jour le président Tshisekedi n'a absolument aucun autre choix que de s'asseoir autour d'une table et discuter avec toute la classe politique congolaise (armée et non armée) pour endiguer une bonne fois pour toute la crise profonde qui ronge notre pays. Parmi les problèmes cruciaux à résoudre : la mégestion complète sur les 6 dernières années ; les détournements des centaines de millions de dollars sans jamais inquiéter personne et sans jamais récupérer les deniers publics ; l'opacité totale sur les décaissements liés à l'effort de guerre ; la problématique des détournements liés au projet 145 territoires ; le dossier  RAM ; la présence de la famille biologique du président  Tshisekedi dans autant des mines dans le Katanga ; la gestion des fonds alloués au FONAREV, qui est financée en partie par la redevance minière ; la gestion des fonds pour la catastrophe naturelle de l'éruption volcanique à Goma, le Covid19 ; les revendications du M23 qui était l'hôte de marque de Félix Tshisekedi pendant 14 mois à Kinshasa ;  la fin du tribalisme, discours de haine et la promotion de la cohésion nationale. Les points cités ne sont pas exhaustifs.

Que pensez-vous de l’initiative du tandem CENCO-ECC qui fait la promotion d’un pacte social pour la paix au pays mais aussi dans la région ?

Excellente initiative que nous encourageons et auquel nous nous joignons pour soulager un tant soit peu la crise qui est en grande partie créée par la mégestion de Félix.

Que préconisez-vous pour que la RDC soit à l’abri de toute agression ou instabilité dans sa partie Est ?

La toute première chose à demander à Félix, c'est de quitter le pouvoir qu'il a d'ailleurs acquis par manœuvres lugubres. Ensuite mettre tout le monde autour d'une table y compris nos voisins de l'est (Rwanda / Burundi/ Ouganda) et trouver une solution définitive à ces guerres qui n'en finissent pas. Mettre hors d’état de nuire tous les groupes armés et créer une dynamique qui permettra à tout ce monde de retrouver une vie en dehors des armes et de la violence. Créer une situation profitable pour nous et pour nos voisins pour rétablir l'harmonie. Écarter tout langage de tribalisme et de négationnisme qui malheureusement a pris de l'ampleur ces dernières années.  

Quel Congo après la guerre ?

Un Congo où la transition pourra assainir un certain nombre d'éléments pour permettre entre autre: des vraies élections à deux tours avec des vrais résultats publiés ; Relance de la production agricole ; Renforcement des capacités de défenses dans la formation d'une toute nouvelle armée ; Faire un ménage dans tous les secteurs de la vie politique et gouvernementale du pays pour un nouveau départ.

Diriez-vous que le régime Tshisekedi est en partie ou totalement responsable de la situation actuelle ?

C’est lui le chef. Il est totalement responsable de la situation dans laquelle se trouve le pays et il ne peut pas continuer d’être le « chef de tout et responsable de rien » alors que quand on devient président de la république ce n'est pas pour aller découvrir des choses quand on est sensé savoir ce qui ne fonctionne pas pour le rectifier à la prise du pouvoir.

Même si la guerre a commencé avant son accession au pouvoir, quand on est à la tête du pays, on assume et le passif et l’actif de la gestion du pays et on n’est pas là pour se plaindre à longueur des journées en rejetant la faute aux autres. Le président Tshisekedi doit cesser de se comporter comme une personne atteinte du « syndrome de minorité prolongée ».

Propos recueillis par Stanis Bujakera