L’actualité de la semaine vue par Maghalie Pankwa Mukaseme

Photo/ droits tiers
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De la nomination de Nsensele Wa Nsele en tant que Première Présidente du Conseil d'État à l'interpellation des présumés criminels au camp de Lushagala en passant par la possibilité d’étendre la gratuité de l’enseignement au niveau secondaire en RDC, la semaine qui vient de s’achever a été riche en actualités. Retour sur chacun de ces faits marquants avec Maghalie Pankwa Mukaseme.

Merci de nous accorder de votre temps. Pouvez-vous nous parler brièvement de vous?

Maghalie Pankwa Mukaseme: Je suis avocate au barreau du Kongo Central. Actrice socio politique, engagée dans la défense des droits humains.

Le Chef de l'État a récemment nommé Nsensele Wa Nsele en tant que Première Présidente du Conseil d'État. Que pensez-vous de cette nomination?⁠

Maghalie Pankwa Mukaseme: C’est un signal positif pour l'institutionnalisation de la justice en RDC. Cette nomination pourrait renforcer l'indépendance du Conseil d'État et marquer un progrès dans la promotion des femmes à des postes de responsabilité. Toutefois, son efficacité dépendra de sa capacité à assurer l’équité, la transparence et à renforcer la confiance des citoyens dans le système judiciaire.

Depuis le début de l'année 2025, plus de 10.000 personnes ont été contraintes de fuir leurs foyers en raison des affrontements dans le territoire de Masisi. Comment la société civile peut-elle contribuer à la gestion de cette situation de manière plus efficace ?

Maghalie Pankwa Mukaseme: La société civile peut apporter un soutien direct aux déplacés en facilitant l'accès à l'aide humanitaire, en organisant des campagnes de sensibilisation et en agissant comme médiateur pour encourager le dialogue entre les communautés. Elle peut aussi aider à documenter les violations des droits humains et plaider pour des actions urgentes auprès des autorités nationales et internationales. Elle peut également promouvoir la solidarité locale et les initiatives de réconciliation pour favoriser la coexistence pacifique à long terme et réduire les tensions communautaires.

Le 11 janvier, une opération de sécurité à Lushagala a permis l'interpellation de 18 présumés criminels en possession d'armes et de munitions. Comment jugez-vous cette action des autorités?

Maghalie Pankwa Mukaseme: La réponse du gouvernement congolais face à la crise dans l'Est reste insuffisante, malgré les efforts militaires. L'intensification des combats montre la nécessité d'une stratégie plus cohérente, alliant action militaire et diplomatique. On doit renforcer la coopération avec les partenaires internationaux, prioriser les solutions politiques et mettre en place des mesures pour désarmer les groupes armés. Une véritable volonté d’instaurer un dialogue inclusif avec les acteurs locaux est également essentielle pour la paix durable.

Le Gouvernement congolais étudie la possibilité d’étendre la gratuité de l’enseignement au niveau secondaire. Quel est, selon vous, l'impact d'une telle mesure sur l'accès à l'éducation en RDC, et quelles précautions devraient être prises pour éviter les dérives administratives ou financières dans sa mise en œuvre ?

Maghalie Pankwa Mukaseme: L’extension de la gratuité de l’enseignement au niveau secondaire en RDC pourrait grandement améliorer l'accès à l'éducation, en permettant à un plus grand nombre d'enfants, notamment ceux issus des milieux défavorisés, de poursuivre leurs études. Cependant, pour éviter les dérives administratives ou financières, il est crucial de mettre en place un système de suivi rigoureux, de renforcer la transparence dans la gestion des fonds alloués, et d’assurer une distribution équitable des ressources. Il est également important de former le personnel éducatif et administratif pour garantir la bonne gestion des écoles et éviter les abus.

Un jeune homme a été amputé d’un bras à Lemba suite à une agression commise par un gang de bandits urbains connus sous le nom de "Kulunas". Que pensez-vous des réponses actuelles des autorités face à cette violence?

Maghalie Pankwa Mukaseme: La violence des "Kulunas" à Lemba et ailleurs souligne un échec dans la gestion de l'insécurité urbaine, malgré les efforts des autorités. Les réponses actuelles semblent insuffisantes, car elles ne s'attaquent pas aux causes profondes de la criminalité, telles que la pauvreté, le manque d'opportunités et la faiblesse des institutions de sécurité. Il est impératif que les autorités renforcent la prévention, en améliorant la présence policière et en créant des programmes de réinsertion pour les jeunes. Une approche plus holistique, incluant des initiatives sociales et économiques, serait nécessaire pour réduire cette violence à long terme.

Quel rôle la société civile peut-elle jouer pour la prévenir ?

Maghalie Pankwa Mukaseme: La société civile peut jouer un rôle crucial dans la prévention des violences des "Kulunas" en mettant en place des programmes de sensibilisation sur les dangers de la criminalité et en promouvant des alternatives pour les jeunes à risque. Elle peut aussi travailler avec les autorités pour favoriser un dialogue communautaire, créer des espaces sécurisés et des activités d'engagement social pour les jeunes, et renforcer les capacités des familles à gérer les tensions. De plus, elle peut jouer un rôle de médiation, en facilitant la communication entre les communautés et les forces de sécurité pour prévenir les actes de violence et encourager la cohésion sociale.

À l’approche de l’investiture de Donald Trump le 20 janvier 2025, la situation des 11 millions de migrants illégaux aux États-Unis est incertaine. Comment cette dynamique pourrait-elle influencer la politique migratoire en Afrique, notamment pour les Congolais qui cherchent à émigrer ou à obtenir une régularisation de leur statut ailleurs ?

Maghalie Pankwa Mukaseme: Une politique migratoire plus stricte aux États-Unis pourrait encourager les migrants à chercher des alternatives en Europe ou dans d’autres régions. Cela pourrait aussi influencer les politiques d'asile et de régularisation dans ces pays, rendant les procédures plus difficiles ou plus longues. Parallèlement, cela pourrait inciter les gouvernements africains à adopter des stratégies pour mieux encadrer et protéger leurs citoyens face aux défis migratoires, en facilitant les processus de régularisation interne ou en renforçant les accords de coopération avec d'autres pays pour la gestion des flux migratoires.

Dans son discours de départ, Joe Biden a exprimé ses préoccupations concernant une possible dérive vers une « oligarchie » aux États-Unis. Quel parallélisme pouvez-vous faire entre cette situation et les défis rencontrés en République Démocratique du Congo en matière de gouvernance et de concentration des pouvoirs?

Maghalie Pankwa Mukaseme: Le discours de départ de Joe Biden, mettant en garde contre une dérive vers une "oligarchie" aux États-Unis, trouve un parallèle avec les défis rencontrés en RDC, où la concentration des pouvoirs entre les mains de quelques élites a souvent entravé la gouvernance démocratique. En RDC, les critiques pointent une gestion centralisée du pouvoir, une faible transparence, et des pratiques de favoritisme qui compromettent l’équité et la justice. De même qu'aux États-Unis, la concentration excessive de pouvoir dans les mains d'une minorité peut engendrer des inégalités, affaiblir les institutions démocratiques et mener à des tensions sociales. La RDC, tout comme les États-Unis, pourrait bénéficier d’un renforcement de ses mécanismes de checks and balances pour garantir une gouvernance plus inclusive et transparente.


Propos recueillis par Nancy Clémence Tshimueneka