Baisser de rideau sur le 19ème sommet de la Francophonie, tenu les 4 et 5 octobre à Villers-Cotterêts et à Paris. Pour la République Démocratique du Congo, considérée comme le premier ou le deuxième pays francophone, ce rendez-vous biannuel n'a pas été à la hauteur des attentes. Très loin d'une "victoire diplomatique".
Plutôt que de céder à la récrimination, il serait plus judicieux d'extraire des leçons de cet échec diplomatique, en ce "début" de second mandat du Président Tshisekedi. Une telle attitude pourrait mieux éclairer le chemin à suivre et permettre une meilleure préparation pour les futures réunions de haut niveau, notamment celle de l'Union africaine prévue début 2025.
Il est évident que la Francophonie s'affirme de plus en plus comme un espace de coopération allant bien au-delà de l'amour pour la langue de Molière. Au fil des ans, des États sans le français comme langue officielle ont choisi d'y adhérer ou d'en exprimer le désir. Le Ghana, le Qatar, les Émirats arabes unis et l'Arabie saoudite figurent sur cette liste en constante expansion. Cette évolution témoigne d'une volonté de dialogue et d'échanges enrichissants, transcendant les frontières linguistiques et culturelles.
La RDC, forte de ses plus de cent millions d'habitants, est profondément ancrée dans l'usage du français, que ce soit à l'école, dans l'administration publique ou au sein de la justice. Il serait donc légitime d'attendre de notre pays qu'il incarne l'honorabilité et la dignité au sein de la Francophonie. Alors que d'aucuns prétendraient "faire sortir la RDC de la périphérie de la Francophonie" ou "briser son isolement diplomatique", la réalité semble en dire tout autre. Pire encore ! Hélas.
Dès lors, il serait inopportun de formuler des reproches à l'encontre de la Francophonie ou de la France sans d'abord examiner les manquements qui nous incomberaient. Considérant que ces manquements ont, d'une manière ou d'une autre, permis aux autres de mépriser le bon sens congolais. A cet effet, il est essentiel de procéder à une auto-évaluation rigoureuse et sans complaisance, en tenant compte de divers aspects : stratégique, opérationnel et tactique.
Cela nécessite un dialogue interinstitutionnel, compte tenu de l'ampleur des enjeux et des défis. Nul n'ignore que ce sommet francophone, le premier auquel a participé le Président Félix Tshisekedi, ne serait point exempt d'adversités diplomatiques. Les susceptibilités, propres aux initiés veillant sur le temple, devraient inspirer une fédération d'intelligences. Ceci aurait rendu effective la création d'une synergie entre la direction de la Présidence de la République, les structures spécialisées concernées, le Gouvernement ainsi que les services de sécurité et de défense.
Cependant, le Ministère des Affaires étrangères, coopération internationale et francophonie était presque seul, recroquevillé sous ses couvertures, dans les préparatifs de ce sommet. Avait-il fourni des efforts diplomatiques afin d'obtenir des soutiens significatifs, notamment concernant la Résolution sur les situations de crise, de sortie de crise et de consolidation de la paix dans l'espace francophone ? Au-delà de quelques condamnations superficielles énoncées dans ce document, la Francophonie n'a pas osé sanctionner le Rwanda ni même le nommer en lien avec la crise sécuritaire et humanitaire sévissant dans l'Est du pays. Contrairement à 2022, la Résolution sur les situations de crise n'a pas mis en exergue le "Mouvement du 23 mars" figurant parmi les groupes armés les plus meurtriers dans la partie orientale de la RDC. Du recul diplomatique, dira-t-on à propos. C'est trop peu dire d'autant plus que la prochaine session ordinaire de la conférence ministérielle francophone est prévue en 2025 au Rwanda.
Notons : c'est depuis mai dernier que furent enclenchées les négociations sur les termes de cette Résolution qui, au bout du processus le 5 octobre, n'a fourni que quelques raisons de consolation timide à certains esprits. Cela devrait nous pousser à nous remettre sérieusement en question, à tirer les leçons utiles, puis à nous relever pour de nouvelles conquêtes.
Tout sommet nécessitant d'intenses et longs préparatifs. Ce, pour évaluer et anticiper au mieux, suivant les scénarios à maîtriser, afin de déterminer l'utilité stratégique du déplacement du chef de l'État. Le boycott du huis clos francophone a constitué une posture d'une audace remarquable, tant il s'est agi de préserver la dignité nationale, ou du peu qui nous en reste.
Par ailleurs, dans quelques mois, nous (Congolais) pourrions être surpris par l'élection d'une figure étrangère (peut-être poignante) à la tête de la Commission de l'Union africaine. Quant à la RDC, elle a l'opportunité de promouvoir au moins l'une de ses étoiles brillantes pour diriger une instance cruciale de l'administration de l'organisation continentale. Encore faut-il que notre diplomatie s'y investisse, dans un élan de mobilisation générale en composant avec d'autres piliers de la politique extérieure de l'Etat.