L'Asbl Actions et initiatives de développement pour la protection de la femme et de l’enfant (Aidorofen) a rendu public, vendredi 6 septembre, son rapport d’étude sur la masculinité, les violences et l’adhésion aux groupes armés, cas du Nord-Kivu, en République démocratique du Congo (RDC). Ce rapport de l’étude a été mené depuis septembre 2013 par l’équipe de recherche de l’école de formation et recherche en genre, avec l'appui technique et financier de la société allemande pour la coopération internationale (GIZ). La collecte des données a été effectuée, notamment, à Bweremana et Lushebere (territoire de Masisi, Rusayo et Mudja (territoire de Nyiragongo) et dans le site de Bushagara (abritant les déplacés internes en provenance du territoire de Rutshuru).
Selon la coordonnatrice de Aidorofen, Passy Mubalama, à l'issue de cette recherche, il s’avère qu'il existe un lien étroit entre la représentation communautaire de l’identité masculine et la violence.
« L'objectif était de comprendre la perception de la population par rapport au rôle des hommes dans la situation des conflits en RDC. Les conflits en RDC peuvent affecter, d'une façon ou d'une autre, les conflits dans la région, notamment au Rwanda, au Burundi dans le cadre de la cohésion sociale au niveau régional. C'est dans ce cadre que nous avons essayé de comprendre comment est ce que la masculinité peut influencer les conflits au niveau de la région. Il y a plusieurs choses qui sont ressorties à travers cette recherche, notamment les principaux comportements attendus des hommes vis-à-vis de la communauté. Lorsqu'il y a la guerre, la communauté attend que les hommes soient assez forts pour pouvoir la protéger. Parfois, ils sont obligés de recourir à des groupes armés pour protéger les leurs. Les chercheurs ont parlé notamment avec certains membres des groupes armés et les grandes motivations par rapport à l'adhésion aux groupes armés, c'est notamment les risques par rapport à la balkanisation. Il y a beaucoup de problèmes par rapport aux conflits fonciers et du coup, plusieurs hommes adhèrent aux groupes armés. Il y a aussi des questions par rapport à la vengeance, à la discrimination et autres », a expliqué Passy Mubalama, coordonnatrice de Aidprofen.
Dans la perspective de prévention et de réponse aux violences et aux masculinités toxiques, elle préconise des programmes de consolidation de la paix qui devraient intégrer un important volet de création d’occupations productives et d’appui à l’entrepreneuriat des hommes.
« Il faut mobiliser la communauté autour de comment éviter la violence. Parce que l'adhésion dans des groupes armés ne va pas résoudre le problème. On ne peut pas résoudre un problème par un autre. Il y a plusieurs alternatives à la violence. Pour nous, les armes n'ont jamais été la solution. On peut entreprendre. On peut créer de petites entreprises. On peut créer des petites activités génératrices de revenus. Il est très important de pouvoir continuer à mobiliser la communauté parce que dans un contexte des conflits et face à toutes les attentes que la population a des hommes et des femmes, on sent que, malheureusement, les normes sociales continuent à peser énormément et cela a un impact sur la montée des conflits dans la région. Il faut sensibiliser les communautés, les hommes et les femmes pour pouvoir donner d'autres alternatives et parmi elles, il y a l'éducation, donner la chance aux jeunes de pouvoir travailler parce que la plupart des jeunes qui sont exposés aux adhésions dans des groupes armés, ce sont des jeunes qui n'ont pas de travail. Il y a tous les stéréotypes, les manipulations politiques, les manipulations identitaires qui parfois pèsent et font que l'adhésion aux groupes armés continue mais il faut travailler sur différents aspects pour pallier ce problème » a ajouté Mubalama.
Signalons que la recherche a été conduite à travers une combinaison d'approches qualitative et quantitative. Dans cette perspective, 60 personnes dont 30 hommes et 30 femmes ont participé à cinq focus groups organisés à Bweremana, Lushebere, Mudja, Rusayo et dans le site des déplacés de Bushagara.
Ensuite, des entretiens semi-structurés ont été réalisés auprès de 30 informateurs clés (20 hommes et 10 femmes), notamment des autorités locales, des leaders religieux, des représentants des jeunes, des femmes et d'autres couches de la communauté. Aussi, d'autres entretiens individuels ont été effectués avec 19 Membres de deux groupes armés en raison de six femmes et 13 hommes. Une enquête par questionnaire a été effectuée auprès de 158 personnes dont 69 hommes et 89 femmes.
Jonathan Kombi, à Goma