Dans un contexte où l'éducation est un enjeu majeur pour le développement de la République démocratique du Congo, le rôle des mères est primordial. De nombreuses femmes jonglent entre les tâches ménagères, un emploi et le suivi de l’éducation de leurs enfants. Le Desk Femme d’Actualité s'est entretenu à cet effet avec Mireille Mubaku, pédagogue et experte en accompagnement familial.
Pouvez-vous nous expliquer les défis auxquels sont confrontées les femmes congolaises qui travaillent et souhaitent s'impliquer dans l'éducation de leurs enfants ?
Mireille Mubaku: Les femmes congolaises actives font face à de nombreux défis pour concilier vie professionnelle et familiale. La charge mentale est particulièrement importante, rendant difficile le suivi scolaire et/ou l’éducation de leurs enfants. Plusieurs facteurs entrent en jeu à, notamment:
- Les contraintes socio-économiques : les difficultés financières, l'accès limité aux ressources éducatives à domicile et les attentes sociales qui pèsent lourdement sur les mères de famille.
- Surcharge de travail : les femmes congolaises sont souvent surchargées de tâches ménagères, d'activités génératrices de revenus et de responsabilités éducatives.
- les Obstacles liés à l'éducation: le manque d'informations sur le système éducatif, les difficultés liées à la langue d'enseignement et la distance entre le domicile et l'école constituent d'autres obstacles.
- Impact des conflits : Dans les régions touchées par les conflits armés, comme dans l’Est, les déplacements de population perturbent considérablement la scolarité des enfants.
- Le niveau d'éducation des mères peut également influencer leur capacité à accompagner leurs enfants dans leurs apprentissages.
Quelles sont les conséquences de ce manque de suivi pour les enfants ?
Mireille Mubaku: Un suivi insuffisant de la scolarité ou de l'éducation des enfants peut avoir des répercussions négatives sur leur vie. Les difficultés rencontrées à l'école peuvent passer inaperçues, les devoirs peuvent être négligés, et l'enfant peut perdre confiance en lui. Les enfants peuvent également souffrir d'un décrochage scolaire précoce, ou encore d'un niveau de réussite scolaire plus faible. À long terme, cela peut limiter leurs perspectives d'avenir, leurs opportunités ainsi que celles de leurs familles.
Quelles solutions peuvent être mises en œuvre pour aider ces mères à mieux concilier travail et éducation ?
Mireille Mubaku: Pour aider les mères à concilier vie professionnelle et familiale, plusieurs leviers peuvent être actionnés :
- Sensibilisation et information: Il est crucial de sensibiliser les communautés à l'importance de l'éducation et de l'implication parentale. Des campagnes d'information et des formations peuvent aider les mères à mieux accompagner leurs enfants à la maison.
- Communication école-famille: les mères doivent entretenir une communication ouverte avec l'école: participer aux réunions, questions sur les progrès de l'enfant, etc.
- Organisation à domicile: Créer un espace dédié aux devoirs et établir un emploi du temps pouvant faciliter la vie de tous. Encourager la lecture pour les enfants, même quelques minutes par jour, est également bénéfique.
- Soutien de l'entourage: S'entourer de sa famille, d'amis ou d'associations peut apporter un soutien précieux.
- Structures d'accueil: les pouvoirs publics doivent développer les structures d'accueil (garderies, centres de loisirs) pour soulager les mères.
- Temps de qualité en famille: Pour les mères qui ne peuvent pas utiliser ces structures, il est essentiel de consacrer du temps de qualité à chaque enfant : écouter ses journées, vérifier ses devoirs, et communiquer régulièrement. Elles peuvent chaque soir prendre quelques temps avec leurs enfants en famille, essayer de comprendre en profondeur ce qu’à été la journée de chaque enfant (qu’a-t-il fait comme activités, qui il a fréquenté? Quels sont ses centres d’intérêts? Essayer de comprendre dans tout ceci si l’enfant se comporte correctement à l’égard de ses frères et sœurs et/ou de son entourage, voir si les devoirs scolaires ont été faits et correctement, s’enquérir de son programme du lendemain. Mais aussi au courant de la journée, prendre quelques minutes d’échange téléphonique avec chaque enfant ou le responsable qui les occupe en l’absence de la mère pour s'assurer du bon déroulement de la vie quotidienne des enfants).
Quels sont les rôles pour les institutions et la société civile dans ce contexte ?
Mireille Mubaku: Les institutions scolaires, les associations et les collectivités locales ont un rôle important à jouer. Elles peuvent organiser des ateliers pour les parents, proposer des programmes de soutien scolaire, ou encore mettre en place des crèches pour faciliter la garde des enfants. La société civile peut également contribuer à sensibiliser l'opinion publique sur l'importance de l'éducation et promouvoir des politiques publiques favorables à la conciliation de la vie professionnelle et la vie familiale. Les pouvoirs publics doivent, quant à eux, mettre en place des politiques éducatives qui prennent en compte les spécificités des familles congolaises et investir dans l’éducation de base.
Un dernier mot pour les mères congolaises ?
Mireille Mubaku:Je voudrais encourager toutes les mères congolaises à ne pas baisser les bras. Malgré les difficultés, il est possible de concilier travail et éducation. En s'organisant, en cherchant du soutien et en encourageant leurs enfants, elles leur offrent les meilleures chances de réussir.
Propos recueillis par Nancy Clémence Tshimueneka