Le feuilleton entre l’inspecteur général des finances chef de service et le parquet général près la Cour des comptes est loin d’être clos. En effet, Jules Alingete, le numéro 1 de l’IGF n’a pas répondu présent à l’invitation du procureur général près cette Cour, jeudi 18 juillet dernier, pour s’expliquer sur la mission de contrôle de 90 jours effectuée par son service, qui s’est transformée en une mission de formation des agents et cadres de la Gecamines, moyennant des honoraires de 750 000 USD pour les prestations allant de novembre 2023 à février 2024.
Dans une correspondance du 12 juillet dernier à Jules Alingete, la Cour des comptes indique que l’inspecteur général chef de service se déclarait ne pas être justiciable devant la Cour des comptes, sauf sur demande expresse du Président de la République. Dans les médias et réseaux sociaux, les débats allant dans tous les sens sont focalisés sur cette question. Certaines organisations de la société civile ont pris parti pour l’un ou l’autre camp.
La Cour des comptes affirme sa compétence
La correspondance de la Cour des comptes à Jules Alingete révèle par ailleurs des dispositions légales lui donnant le pouvoir d’instruire différents dossiers relevant de sa compétence. Elle rappelle que ne pas lui reconnaître ce droit relève de la mauvaise interprétation de la Loi organique n°18/024 du 13 novembre 2018 relative à la Cour des comptes, aux termes de laquelle « le Parquet général près la Cour des comptes reçoit des dénonciations qui doivent être examinées afin de s'assurer que les faits qu'elles énoncent sont fondés, de manière à ne pas porter atteinte aux droits et à la dignité de la personne mise en cause », renseigne le document.
La Cour des comptes évoque par ailleurs certains dossiers dont elle s’est saisie, notamment celui du directeur général de la Mettelsat, dont «un procès est en cours présentement …, à l'issue de l'instruction à laquelle a procédé le Parquet général près la Cour des comptes. En tant qu'agent public (article 32 de la loi organique relative à la Cour des comptes) », précise la correspondance.
Les arguments juridiques de la Cour des comptes
La Cour des comptes fonde sa position sur plusieurs arguments juridiques solides. Elle rappelle que l'Inspection générale des finances est un service public relevant du pouvoir central, et que son chef, Jules Alingete, est donc justiciable de la Cour des comptes en matière de discipline budgétaire et financière. Elle cite également l'article 6 bis de l'ordonnance portant création de l'IGF, qui stipule que l'inspecteur général des finances est un officier de police judiciaire, et donc légalement subordonné au Procureur général près la Cour des comptes.
Pour la Cour des comptes, Jules Alingete est aussi justiciable devant elle, étant donné que le Procureur général près cette Cour « a déjà enregistré trois (3) dénonciations », contre lui, « outre son refus de répondre à sa demande de communication de dossier relatif aux émoluments des mandataires publics. Ce fait est constitutif d'entrave à l'action de la Cour des comptes (article 98 in fine de la loi organique relative à la Cour des comptes) », précise la Cour des comptes.
A ce stade, plusieurs interrogations sont soulevées quant à la prochaine étape de ce feuilleton, notamment ce que la Cour des comptes envisage pour venir à bout de sa démarche, elle qui accuse Jules Alingete d’entraver l’action initiée par le procureur général près la Cour des comptes.
Bruno Nsaka