De la publication des listes provisoires des candidatures pour les législatives nationales à la dizaine de personnes tuées par les miliciens Mobondo à Popokabaka, en passant par l’explosion d’un camion-citerne de carburant à Kinshasa, la semaine qui s'achève a été riche au niveau de l'actualité. Astrid Tambwe revient sur chacun de ces faits marquants.
Bonjour Madame Astrid Tambwe et merci de nous accorder de votre temps. Pouvez-vous nous parler de votre parcours et vos activités ?
Astrid Tambwe : Je travaille comme défenseure des droits de l'Homme depuis 1998. Sur mon initiative, nous avons créé l'ONG RAC (Restoration Africa Center), qui vise l'autonomisation de la femme et autres catégories sociales défavorisées. A partir de 2003, j'ai intégré un réseau de défense des droits des femmes et j'ai bénéficié de plusieurs formations en droits humains. Ce qui me permet de mieux défendre les droits de la catégorie cible. Accompagner la réinsertion socio-économique des survivants ou survivantes des violations des droits de l'Homme est pour moi une passion. Les personnes en détresse développent beaucoup de talents. Lorsqu'elles sont accompagnées, elles font des merveilles. La défense des droits m'a permis d'acquérir de l'expérience sur le plan national et international, j'en garde des bons souvenirs, notamment au comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes.
La CENI a dévoilé vendredi, les listes provisoires des candidatures pour les législatives nationales. Sur un total de plus de 23.000 candidatures déclarées recevables, il y a 19.698 hommes, soit 83% et 3.955 femmes, soit 17%. Qu'est-ce qui justifie, selon vous, ce résultat malgré la mesure incitative de la loi électorale ?
Astrid Tambwe : la publication de la Commission électorale Nationale indépendante est un petit pas en avant. Lors des cycles antérieurs, nous étions à plus ou moins 11%. Ce résultat maigre est dû au fait que la loi a été adoptée en 2022, les partis politiques ne l'ont pas encore maîtrisée. Pour nous, c'est bon signe et nous sommes en train de travailler avec les différents leaders politico-administratifs pour l'application de ces mesures incitatives. Nous travaillons également avec les femmes pour les inciter à développer le leadership et se positionner dans les partis politiques, ce n'est qu’à ce prix que nous pouvons gagner le pari.
En sécurité, au moins dix personnes ont été tuées par les miliciens Mobondo dans le Kwango. Ces derniers auraient agi en représailles à l'arrestation de leur chef transféré à Kenge où il est auditionné. Quelles sont vos attentes vis-à -vis des autorités ?
Astrid Tambwe : le problème de la sécurité se pose avec acuité et par conséquent nous avons beaucoup des victimes de violences et crimes liés aux conflits. Les autorités politiques de notre pays y travaillent d'arrache-pied. Nous avons maintenant le programme de justice transitionnelle, plusieurs mesures ont été prises pour lutter contre l'impunité, assurer la réparation et garantir la non répétition. Il y a le fond national de réparation pour les victimes des violences sexuelles et crimes liés aux conflits qui les prend en charge. Je pense qu’il sera mis à contribution.
La table ronde sur l'évaluation de l'état de siège dans les provinces du Nord-Kivu et de l'Ituri se tiendra du lundi 14 au mercredi 16 août à Kinshasa. Quel aboutissement attendez-vous de ces assises ?
Astrid Tambwe : je pense que l’évaluation de la mise en œuvre de l’état de siège permettra de trouver des pistes de solutions pour que les élections en cours s'organisent sur toute l’étendue du territoire national et le rétablissement de la paix durable.
Au moins cinq personnes ont trouvé la mort suite à l’explosion d’un camion-citerne de carburant à Kinshasa. Le véhicule s’est heurté contre un poteau électrique et les câbles ont cédé. Comment éviter ces drames selon vous ?
Astrid Tambwe : toute ma compassion aux familles des victimes. Je crois que pour éviter de tels drames, il faut renforcer les mesures de sécurité routière.
En sports, les IXes jeux de la Francophonie se sont clôturés le week-end dernier à Kinshasa. Quelle évaluation faites-vous de cet évènement ?
Astrid Tambwe : c'est un pas géant sur le plan de la coopération internationale pour la RDC, qui a abrité ces jeux. Ces derniers ont une dimension internationale. Mais la RDC a pu relever les défis malgré les diverses contraintes.
Au niveau continental, après le retrait de ses forces armées, la France s'est désengagée de toutes ses aides au développement et d'appui budgétaire au Burkina Faso. Quelle analyse faites-vous de cette décision ?
Astrid Tambwe : ceci est un signe que l'Afrique est en train d'assumer son développement. Développer le continent passe par le fait que les Etats doivent eux même assurer la sécurité et le développement de leur nation.
La France et le Mali ont suspendu réciproquement la délivrance de visas par leurs services consulaires à Bamako et à Paris. Quel est votre point de vue à ce sujet ?
Astrid Tambwe : je soutiens la position du Mali. Les autorités sont dans le principe d'user de convenance réciproque.
Concernant le coup d'Etat militaire au Niger, à l'issue d'un sommet extraordinaire à Abuja (Nigeria), la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest a ordonné l'activation de sa "force militaire", pour restaurer l'ordre constitutionnel, même si cette option n'est pas la bienvenue dans le Niger. Pensez-vous que la CEDEAO va atteindre son objectif ?
Astrid Tambwe : je pense que ce déploiement aura des conséquences pénibles particulièrement pour les femmes, les enfants et autre catégorie sociale défavorisée. Les parties prenantes devraient privilégier la voie diplomatique.
A l'international, au Brésil, le Chef de l'Etat Congolais, participant au sommet sur le Bassin de l’Amazonie, a rappelé le rôle clé de la RDC dans la lutte contre le réchauffement climatique avant d'annoncer l'établissement d'une "Alliance trilatérale pour la Coopération sur les forêts tropicales et l'action climatique", qui servira de cadre de concertation sur les questions cruciales liées à la protection des forêts. Vos attentes par rapport à ces assises ?
Astrid Tambwe : la RDC doit effectivement jouer ce rôle clé. Nous savons que les guerres récurrentes en RDC ont eu pour conséquence le pillage de nos ressources et le fait que leur contrôle échappe complètement au contrôle du pouvoir public. Avec ce cadre, la protection de nos forêts sera améliorée.
Un dernier mot ?
Astrid Tambwe : mon pays la RDC, avec une diversité culturelle, avec des richesses incommensurables, doit atteindre le plein développement.
Propos recueillis par Prisca Lokale