La chambre basse du parlement a procédé ce 18 mai, à l’adoption de la proposition de loi pour dispenser totalement les victimes des violences sexuelles aux frais de justice. Il s’agit d’une modification apportée au décret du 06 août 1959 fixant le code de procédure pénale congolais. Au cours d’un point de presse ce vendredi, la société civile et le député Juvénal Munubo ont exprimé leur satisfaction.
« Je voudrais vous dire toute ma joie que l’on soit arrivé à cette étape de la législation en faveur des victimes des violences sexuelles. Sur les 357 députés ayant pris part à la plénière, un seul s’est abstenu alors que les 356 autres ont voté pour. C’est un vote écrasant. C’est en janvier 2022 que nous nous sommes associés à cette lutte pour améliorer l’accès à la justice des victimes des violences. Nous sommes passés par toutes les étapes des discussions et travaux à tous les niveaux pour atteindre ce résultat », a-t-il fait savoir.
Et de poursuivre, « l'idée du départ était que les victimes des violences sexuelles ne paient pas les frais de justice (consignation, procédure, voies d’exécution..). Nous avons voulu également élargir le champ aux personnes vulnérables (veuves et orphelins abandonnés ainsi que les personnes de troisième âge). Mais dans le parcours, les discussions ont été vives. Finalement, le groupe des personnes vulnérables a été élagué. Nous avons obtenu de l’Assemblée Nationale l’adoption de la question des victimes des violences sexuelles ».
La proposition de loi a été l'une des recommandations des organisations de la société civile, réunies au cours des ateliers, conférences et table ronde par l'organisation internationale Journalistes pour les Droits humains (JDH/RDC), dans le cadre du projet "Canada World, la voix de la Femme et de la jeune fille". Il était question de développer des mécanismes pour encourager les victimes à obtenir justice. Les différents frais imposés par la justice constituaient un frein à cet objectif.
Parmi les représentants des organisations qui ont pris part aux démarches, il y a notamment Rose Masala et Christiane Ekambo de l'UCOFEM, Me Arthur Yenga de CREEIJ Asbl, Mimy Mopunga du CAFCO, Béatrice Mazianda du REFESU, Serge Ndongo du CFPD ainsi que Me Liévin Gibungula de la LIZADEEL. Ce dernier est également revenu sur les difficultés rencontrées sur le parcours.
« Sur terrain, nous avions rencontré un obstacle majeur pour les victimes d’accéder à la justice. Les multiples paiements des frais ont pesé sur toutes les victimes que nous avons accompagnées. Même celles qui s’étaient battues avec leurs frais et avaient réussi à gagner un procès leur allouant des dommages et intérêts de 2.000 à 10.000 $, avant que ce jugement ne soit exécuté, il fallait que les victimes paient des droits proportionnels. De l’enregistrement de la plainte aux notifications, la consignation, la réquisition, les descentes, les preuves médicales, tous ces frais étaient à la charge des victimes. La société civile s'était donc réunie pour élaborer des propositions pour éradiquer ce problème (…) Le résultat obtenu ce jour est un couronnement de la lutte. Nous remercions l’honorable, JDH et tous ceux qui nous ont accompagnés dans cette lutte. Nous croyons que la seconde lecture au niveau du Sénat sera également accélérée pour que la loi soit promulguée par le Chef de l’Etat » souligne Me Liévin Gibungula.
A Serge Ndongo d’ajouter, « depuis 2011 après la signature et ratification par la RDC de la DK ( Déclaration de Kampala des chefs d'États de la région des Grands Lacs ) pour lutter contre les violences sexuelles , nous avons militer pour la prise en charge gratuite des victimes de violences sexuelles selon l'engagement 11 de la DK et aussi la suppression de 6% des frais proportionnel avant l'exécution du jugement. Aujourd'hui, je suis fier d'avoir participé activement et contribué à l'aboutissement de cette proposition qui est aujourd'hui une loi ».
Par ailleurs, Prince Murhula, Coordonnateur Pays de JDH a tenu à souligner que « le plus grand bénéficiaire de cette initiative reste la communauté des victimes congolaise estimée à plus d’un millions car l’accès à la justice entraînera les sanctions contre les auteurs et les réparations pour les victimes. Ce qui va permettre d’accélérer la lutte contre l’impunité et atteindre l’objectif O cas de violences sexuelles en RDC ».
Il faut souligner que cette loi se différencie de celle portant réparations initiée par la Première Dame Denise Nyakeru en ce que le fonds de réparations met un accent particulier sur les victimes des violences en temps de conflits tandis que la loi implique toutes les victimes.
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Prisca Lokale