Mukwege: "la prétendue préoccupation sécuritaire affichée par Kigali pour justifier ses « mesures défensives » est devenue un prétexte suranné et ne peut plus être invoquée comme une menace existentielle pour le Rwanda"

Denis Mukwege
Denis Mukwege

Le dernier rapport du groupe d'experts des États-Unis n'a pas laissé indifférent l'ancien candidat Président de la République Dénis Mukwege. Pour lui, ce rapport confirme, preuves à l'appui, les observations déjà faites par les populations dans l'Est de la République Démocratique du Congo (RDC), les autorités congolaises et les acteurs de terrain: le régime de Kigali dirige et contrôle de facto les opérations du M23 et les Forces de défense rwandaises (FDR) ont joué un rôle déterminant dans la conquête et l'occupation de nouveaux territoires et villes, notamment Goma et Bukavu.

Ces révélations illustrent à nouveau que la prétendue préoccupation sécuritaire affichée par le régime de Kigali pour justifier ses « mesures défensives » et son interventionnisme en territoire congolais, à savoir la neutralisation des FDLR, est devenue un prétexte suranné et ne peut plus être invoquée comme une menace existentielle pour le Rwanda.

"Trente ans après le drame du génocide commis au Rwanda dont les auteurs doivent répondre de leurs actes devant la justice, et malgré d'innombrables opérations militaires et initiatives menées pour mettre fin à l'activisme des FDLR, tant par les autorités congolaises qu'en collaboration avec le Rwanda par le déploiement direct de troupes rwandaises sur le sol congolais, souvent avec le soutien de la MONUSCO, l'effectif numérique d'éléments restants de ce groupe armé suggère que sa capacité résiduelle de nuisance de ceux qui ont participé activement au génocide est fortement réduite. Cette réalité met à mal le narratif avancé par le régime de Kigali qui continue d'endeuiller toute une région au nom de pseudo-mesures de sécurité", a écrit mercredi 9 juillet 2025 Dénis Mukwege.

Et de poursuivre :

"Plus de six millions de congolais sont morts depuis la fin du génocide au Rwanda. Une partie importante des innombrables crimes ont été et continuent d'être commis d'après divers rapports des Nations Unies, dont le rapport Mapping, publié il y a presque 15 ans, directement par l'armée rwandaise ou par le truchement de rébellions téléguidées depuis Kigali, toujours sous couvert de ce même prétexte. Les populations martyres de l'Est du Congo et la diplomatie internationale ne peuvent continuer de tolérer ce cycle répétitif de violences qui a pour objectif véritable le contrôle et l'accaparement des ressources minières congolaises".

Autant, dit-il, il est absolument impératif que les responsables du génocide soient traduits en justice et punis pour leurs crimes odieux, autant les victimes congolaises ont une soif immense que le monde reconnaisse leur souffrance et que justice leur soit enfin rendue. Pourtant, les mécanismes actuellement mis en place, qui sacrifient la justice sur l'autel d'une paix fragile et illusoire, s'avèrent inefficaces. Les expériences similaires du passé démontrent qu'en empruntant cette même approche, le peuple congolais martyrisé n'a obtenu ni la justice ni la paix.

"Le temps est venu pour les autorités congolaises et la communauté internationale de s'impliquer de manière décisive en faveur du désarmement de ces citoyens rwandais opérant sur le sol congolais. Ceux qui en remplissent les critères pourront être réintégrés dans la société rwandaise. Cela permettrait, une fois pour toutes, de vider ce prétexte de sa substance afin qu'il cesse de justifier l'instabilité chronique, les millions de morts et les cycles de violence qui déchirent l'Est de la RDC depuis déjà trois décennies. Car, au-delà de leur enrôlement, ces individus restent des citoyens rwandais", a fait remarquer le Prix Nobel de la Paix Dénis Mukwege.

Et d'ajouter :

"Au moment même où des acteurs internationaux et des États s'impliquent pour trouver une solution pacifique à la dernière guerre d'agression déclenchée par le M23 avec l'appui direct et indirect du Rwanda, il y a urgence à éradiquer définitivement la question des groupes armés, notamment les FDLR et le M23, afin de donner une chance réelle à une paix durable et ouvrir la voie à une coexistence pacifique dans la région des Grands Lacs".

Un nouveau rapport du groupe d’experts des Nations-Unies vient de dévoiler une nouvelle fois la présence de l'armée rwandaise aux côtés de la rébellion de l’AFC/M23 dans les opérations militaires menées dans l’Est de la République démocratique du Congo. 

Ce document consulté mercredi 2 juillet 2025 par ACTUALITE.CD précise que ces soldats rwandais ont appuyé la rébellion dans la conquête des villes de Goma et Bukavu dans les provinces du Nord et Sud-Kivu. Selon toujours le rapport, les engagements militaires successifs des FDR ne visaient pas principalement à neutraliser les FDLR ni à mettre un terme à une prétendue menace existentielle pesant sur le Rwanda. Au contraire, disent-ils, les renforts des FDR et les opérations militaires décisives visaient à conquérir de nouveaux territoires, tandis que la présence continue des FDR permettait à l'AFC/M23 de consolider son contrôle.

Clément MUAMBA