Dans un communiqué publié la semaine dernière, Médecins Sans Frontières a révélé que du 17 au 30 avril 2023, au moins 674 victimes de violences sexuelles ont été prises en charge dans six sites aux alentours de Goma (Nord-Kivu). Des chiffres alarmants qui ont poussé des activistes des droits des femmes à s’exprimer ce lundi.
« Effectivement, dans les camps de déplacés il y a beaucoup de cas de violences basées sur le genre qui sont enregistrés chaque jour. C’est triste de savoir que les femmes qui ont été obligées de fuir leurs villages soient en même temps victimes des violences sexuelles parce qu’elles vont à la recherche du bois de chauffe ou de la nourriture. Elles ne méritent pas cela », déplore Passy Mubalama, militante pro-démocratie et fondatrice d’AIDPROFEN (Action et Initiatives de développement pour la protection de la femme et de l’enfant) basée à Goma.
Ces cas ont été pris en charge à raison de 48 par jour. Les sites impliqués sont Bulengo, Lushagala, Kanyaruchinya, Eloime, Munigi ainsi que Rusayo qui a compilé à lui seul 360 victimes.. Près de 60% des victimes se présentent dans les 72 heures suivant leur agression « ce qui montre l’urgence médicale et humanitaire à laquelle nous faisons face », dit le coordinateur d’urgence MSF au Nord-Kivu.
« C’est un sentiment de désolation qui m’anime en ce moment. Malgré toutes les dénonciations que nous faisons concernant les violences faites à la femme, le nombre continue d'augmenter. C’est vraiment désolant », regrette Mimy Mopunga, membre du cadre permanent de concertation de la femme congolaise.
A Léonnie Kandolo, ancienne membre du comité laïc de coordination et activiste sociale de renchérir, « c’est un abus sur les personnes vulnérables. Les femmes et les filles dans les camps des déplacées sont déjà des personnes vulnérables, elles se retrouvent dans une situation non voulue qui impactent leur être. C’est scandaleux de savoir que des gens profitent de cet état pour abuser d’elles ».
A la quête de nourriture ou de bois
La majorité d’entre les victimes ont mentionné avoir été agressées lors de leurs déplacements hors des sites de déplacés, à la recherche de bois de chauffage et de nourriture. À Rusayo, Bulengo et Kanyaruchinya, plus de la moitié des victimes ont rapporté avoir été agressées par des hommes armés.
« L’Etat est l’instance la plus outillée et la mieux placée pour assurer la protection des populations. L’aide humanitaire ne peut pas satisfaire à tous les besoins, même si des partenaires se mobilisent. Nous demandons à l’Etat de rétablir la sécurité dans les villages où se trouvent les habitations des familles déplacées. Si cela n'est pas possible toute suite, il faut au moins que l’Etat puisse renforcer la sécurité aux alentours des camps de déplacés. Le gouvernement devrait aussi activer plus d’actions en vivres et non vivres. Cela va limiter le nombre des femmes qui vont à la recherche de nourriture et par conséquent, lutter contre les violences. Ce qui nous chagrine le plus, c’est de savoir que les filles victimes sont l’avenir de la RDC, elles sont la relève de notre pays et particulièrement de cette région. Mais que savons-nous de l'impact des violences sexuelles sur leur corps ? Que l’Etat agisse au plus vite », préconise Mimy Mopunga.
Dans la même logique, Passy Mubalama a interpellé le gouvernorat militaire du Nord-Kivu. « Nous sommes en plein état de siège. Pour nous, cela représente la sécurité des populations. Le gouvernement doit agir de toute urgence pour la protection de la population et des déplacés, afin que les auteurs de ces actes soient déférés auprès des instances judiciaires et qu’ils subissent la rigueur de la loi ».
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Prisca Lokale