Ouverture de la session de mars à l'Assemblée Nationale, visite d'une mission du conseil de sécurité de l'ONU, attaque d’une embarcation à Kwamouth, la semaine qui s’achève a été riche au niveau de l’actualité. Malicka Mukubu décrypte chacun de ces faits marquants.
Bonjour Madame Malicka Mukubu et merci de nous accorder de votre temps. Pouvez-vous nous parler de vos activités ?
Malicka Mukubu : j'ai quatre enfants, je suis une personnalité publique ( Miss Beauté RD Congo 1998-1999), et politique ( Secrétaire nationale chargées des questions électorales et représentation du Genre dans la direction de la ligue des femmes à l'UDPS ) mais aussi philanthrope : présidente du collectif Vision Congo et Porte-parole de la Journée Internationale de Mandela en RDC, aux côtés de la Monusco et l'ambassade d'Afrique du Sud depuis 2016.
Je me bats à faire pérenniser les valeurs que prônait Madiba en luttant contre les discriminations et les inégalités que subissent les plus faibles par des actions sociales et caritatives tout en faisant connaître les valeurs de la vraie citoyenneté. Membre fondateur de la Muffa (mutuelle financière des femmes africaines) et membre du conseil d'administration à la MIFDA (Mouvement International des Femmes Dynamique d'Afrique) et je suis membre de la Dynafec (Dynamique Nationale des femmes Candidates). Je suis également diplômée de St Patrick Collège en Business Management et détentrice d'un BA Hons en Business studies de l'université de Sunderland à Londres.
La semaine a été marquée par l’ouverture de la session de mars au niveau de l’Assemblée Nationale. Quelles sont, selon vous, les questions prioritaires qui doivent être traitées au cours de ce rendez-vous parlementaire ?
Malicka Mukubu : je crois que les questions prioritaires qui devraient être traitées au cours de ce premier trimestre de la rentrée parlementaire sont :
- la question sécuritaire et celle de l'intégrité territoriale de l'Est et du reste de la RDC: il est impératif et urgent que nous passions à la vitesse supérieure en ce qui concerne les décisions et les actions à mettre en place concernant cette guerre qui freine l'essor de tout un système. Il y a lieu aussi de passer au peigne fin toutes les origines douteuses des membres du parlement et du sénat qui sont ou qui feraient partie de ce noyau du M23.
Toutes ces attaques et massacres que nous voyons et entendons dans les différentes provinces (Kongo Central, Kinshasa, Bandundu) qui commencent à prendre de l'ampleur et faire objet de terreur doivent s'arrêter. Pour cela il faut étudier la question de manière scrupuleuse.
- la stabilité économique : nous connaissons depuis un moment une augmentation fulgurante des prix des denrées alimentaires et produits de première nécessité. Il y a une inflation du dollar qui asphyxie la population et rend la vie du congolais plus difficile. Le taux du dollar n'est pas du tout stable. Le transport des motards (wewa) n'est plus régulé et chacun fixe le montant qui lui plaît. Une course coûte 3000 fc, une bouteille de boisson sucrée qui était 500fc en décembre se vend à plus de 1000 fc aujourd'hui, etc.
Avec un taux de chômage si élevé, on ne peut pas se permettre de ne pas réguler, inspecter et faire respecter une ligne à ne pas dépasser aux commerçants.
- les questions liées aux élections : respect ou pas du calendrier électoral, nous devons dans l'un des deux cas anticiper les réactions et les agissements de la population pour éviter le pire.
- revoir le cas des salaires de la sous-traitance. Comment expliquer que la main d'œuvre locale journalière utilisée par les étrangers dans plusieurs secteurs (nettoyage, construction, etc.) équivaut aujourd'hui à une bouteille de coca ?
Lors de sa visite de travail en RDC, le conseil de sécurité de l’ONU a condamné ouvertement l’agression rwandaise dont la RDC est victime. Le Conseil a également appelé le Rwanda à respecter les frontières congolaises. Comment réagissez-vous à ces déclarations ?
Malicka Mukubu : ces déclarations sont un peu plus claires. L'ONU reconnaît le Rwanda comme agresseur numéro 1 de la RDC et ne peut plus faire semblant. Les différentes interventions du Chef de l'Etat sur toutes les tribunes du monde ont été pertinentes et ne pouvaient laisser personne insensible à admettre que ce pays voisin est non seulement un ennemi véreux mais qui ne respecte aucun accord.
Il était grand temps que ces déclarations de non-respect de nos frontières soient dites par l'ONU elle-même sur le sol congolais et pour cela j'en suis ravie et satisfaite. Même si cela ne suffit pas pour soulager les consciences et toutes les pertes que nous connaissons, c’est un pas considérable à encourager.
Au sujet de la Monusco, le Conseil de sécurité a rappelé qu’elle n’est pas en RDC pour une opération de guerre. Cependant, plusieurs congolais déplorent sa passivité dans l’Est du pays où les groupes armés sèment la désolation. Faut-il continuer d’espérer dans sa mission de stabilisation ?
Malicka Mukubu : D'un côté, il est vrai que nous attendons beaucoup de cet organe qui est supposé être un agent de sécurité et qui se doit d'installer, de maintenir la paix dans les pays où il se trouve (chez nous depuis plus de 20 ans), de l'autre côté, avouons que nous sommes les seuls qui devons mettre fin à cette guerre. Ne dit-on pas "qui veut la paix prépare la guerre ?"
L'heure n'est plus aux négociations selon moi. Lorsqu’un ennemi est incapable d'aller sur un terrain de respect basé sur des accords internationaux, devant témoins, je ne vois pas pourquoi il faut tergiverser ! Je pense qu'il ne faut plus rien espérer de la Monusco sur cette affaire et prendre le taureau par les cornes en agissant constamment face à ces troupes et leurs meneurs de jeu qui sèment terreur et violence, détruisent, pillent et souillent le sol congolais ! La paix n'a pas de prix et les générations futures ont bien droit à ce que nous fassions violence et passions à la défensive.
La délégation n’a pas hésité à souligner la responsabilité des autorités congolaises. Qu’attendez-vous du gouvernement de la RDC à ce sujet ?
Malicka Mukubu : justement, la délégation de l’ONU en visite à l'Est du pays n'a pas mâché ses mots alors pourquoi tergiverser ? Le gouvernement congolais doit se prendre en charge plus que jamais. Se trouver de bons et meilleurs alliés comme l'Angola, dont je salue la loyauté qu'il ne cesse de démontrer depuis plus d'une décennie, la détermination ainsi que les stratégies qu'il déploie afin que le Congo retrouve sa paix et sa dignité. Enfin, je dirai qu'il est important de savoir ceci : nous n'aurons pas du sang sur les mains parce que nous nous serons défendus, bien au contraire, nous aurons payé le prix pour avoir un Congo retrouvé et prêt à décoller pour briller.
L’Assemblée nationale angolaise a voté l'envoi d'un contingent militaire dans l’Est de la RDC. Entre-temps, l’AN congolaise promet de réévaluer la présence de toutes les troupes en RDC, qui risque de devenir inutilement couteuse. Aussi, les forces de l’EAC n’ont pas une mission offensive sur le terrain. Finalement, quelle position doit prendre le gouvernement congolais ?
Malicka Mukubu : je ne peux que donner des suggestions, mais au finish, c'est au département de sécurité, à l'armée et au garant de la nation Congolaise, le Chef de L’Etat et Président de la République de prendre les bonnes décisions pour éradiquer et mettre fin à cette gangrène qui nous ôte notre quiétude ! Restructurer et renforcer l'armée avec un mental d'acier de souche purement et strictement congolaise!
A Kwamouth, l’attaque d’une embarcation sur le fleuve Congo a fait des morts et une centaine de disparus. Que préconisez-vous pour stabiliser cette zone après dix mois environ, des conflits interethniques ?
Malicka Mukubu : renforcer la sécurité en envoyant un bon dispositif militaire, connaître la genèse du conflit et s'entretenir avec les chefs coutumiers. Savoir s’il s’agit d’une agression ou si c’est réellement un conflit interethnique ! Le grand problème aujourd’hui est de savoir qui se bat réellement contre qui et pourquoi ? Nous savons tous que les Teke et Yaka ont toujours vécu ensemble. Rien n’explique ce qui se passe en ce moment.
Je me sens très concernée par le fait que je suis originaire du Kwilu par mon père et par ma mère du Kongo central. Cette situation me laisse perplexe parce je n'ai jamais entendu ce qui se passe dans ces deux provinces! Il nous a fallu combien d'années pour démasquer notre agresseur Kagame ? Voilà que petit à petit nous arrivons à démanteler le système.
Dès que nous connaîtrons les commanditaires de ladite agression dans cette partie du Bandundu, nous pourrons mieux envisager et proposer des solutions pour mettre fin à cette incompréhension, à cette agression qui. Pour moi c'est soit 1. Un autre début de guerre 2. Une distraction 3. Une manière de mieux nous attaquer pour nous paralyser vu la situation géographique et la proximité de ce coin avec la capitale. En passant, il y a aussi des mouvements qui se font au niveau du Kongo Central qui ne sont pas encore sortis au grand jour mais d'une autre manière plus subtile. Les stratégies de destruction sont différentes mais commencent toutes par une crise entre les peuples, par la culture, les anti- valeurs, les ventes des terres de manière illicite, par des infiltrations au sommet des bureaux politico-administratifs, etc. On attaque mieux un ennemi de l'intérieur que de l'extérieur. Soyons vigilants.
Dans l’actualité du continent, au Sénégal, des images montrant Ousmane Sonko brutalisé par les forces de sécurité ont inondé les réseaux sociaux ce jeudi. L’opposant et candidat à la prochaine présidentielle devait se rendre à un procès reporté à la fin du mois. Que pensez-vous de la réaction des forces de l’ordre ?
Malicka Mukubu : nous avons en Afrique, le syndrome des excès en tout et pour tout. La plupart des opposants ont toujours été persécutés, voire maltraités. Le pouvoir en place du Sénégal use de cette influence pour salir davantage ce candidat à la prochaine présidentielle. Nous devons en Afrique commencer à respecter d'abord la dignité de l'homme qui est une loi universelle. Rien ne peut justifier cette brutalité contre le citoyen sénégalais. Tout être humain a droit au respect.
Au niveau mondial, des grèves se succèdent en France pour protester contre la réforme des retraites portée par Emmanuel Macron. Malgré cela, le gouvernement a annoncé la possibilité de faire recours à l’article 49.3 de la Constitution, qui permet d’adopter directement un texte de loi. Qu'en pensez-vous ?
Malicka Mukubu : si les français sont mécontents de cette réforme, ce n’est pas tant par le fait que deux ans de plus leur soient imposés avant de légalement pouvoir commencer à être indemnisés pour la retraite. C’est le principe de cette réforme qui pousse toute personne à manifester car le budget de l'État s’étant resserré. Il a été décidé que des fonds seraient coupés du budget des retraites pour faire une économie. En plus de cette économie, il faudrait que pour deux ans de plus, chacun poursuive ses efforts au travail peu importe les conditions ou l’environnement de travail.
A présent, le taux d’imposition d’au moins 200 familles de millionnaires français est de 2%. Ce qui est relativement peu quand on sait que le taux d’imposition pour la classe moyenne française est de 11% (pour des salaires annuels de 10k à 20k), 30% (pour des salaires de 30k à 80k) et 45% (pour des salaires au-delà de 160k)
C’est tout d’abord une question d’équité qu’il faudrait revoir, et imposer fiscalement proportionnellement à ce que tout le monde gagne. Car il y a là une réelle injustice fiscale. De plus, il faudrait augmenter l’impôt aux entreprises. Le gouvernement craint que celles-ci finissent par délocaliser mais en attendant personne ne fait rien et le taux d’imposition est maintenant à 15%, ce qui est extrêmement faible comparé à l’impôt sur le revenu des particuliers qui permet qu’il y ait une activité pour ces entreprises.
Il y a de grosses tensions en France depuis un moment, des grèves de fonctionnaires, travailleurs, des perturbations dans le secteur du transport, les éboueurs, etc. La France elle-même n'est pas sortie de l'auberge avec les nouvelles réformes imposées par Macron.
Un dernier mot ?
Malicka Mukubu : je suis convaincue qu'en mettant de côté nos appartenances politiques et nos différends pour un temps afin de mutualiser nos efforts et nos forces, en luttant pour les mêmes causes qui sont la recherche de l'équité, de la justice, de la bonne gouvernance, de la sécurité et l'égalité des sexes, nous pourrons, si nous le voulons, arriver à faire décoller ce pays. En ce mois dédié aux droits des femmes, mon mot s'adresse à la gent féminine que j'appelle et invite à relever ses standards et faire bloc pour mettre à profit notre savoir-faire, nos compétences pour assurer les générations futures.
Propos recueillis par Prisca Lokale