RDC: le gouverneur militaire du Nord-Kivu autorise la population à reprendre les échanges économiques dans les zones sous M23, «une source pour les rebelles de financer la guerre», répond la société civile

L'arrivée à Goma d'un camion avec marchandises en provenance de Rutshuru
L'arrivée à Goma d'un camion avec marchandises en provenance de Rutshuru

Alors que la ville de Goma devenait de plus en plus asphyxiée en raison de la guerre du M23 qui l’a coupée des principaux territoires de ravitaillement, notamment Rutshuru, Lubero et Masisi, le gouverneur du Nord-Kivu a, dans un communiqué mercredi 1er mars, autorisé la population à reprendre les échanges économiques dans les zones sous occupation des rebelles. En clair, les commerçants sont appelés à remettre sur les différentes routes leurs véhicules pour le transport des personnes et des marchandises. 

Le général Constant Ndima dit avoir pris cette décision après des réunions qu’il a eues avec les opérateurs économiques.

«Consécutivement aux sollicitations respectives des opérateurs économiques, et sur décision du Comité provincial de sécurité, la circulation des biens et des marchandises est désormais autorisée sur les axes routiers déterminés ci-dessous. Il s'agit de : Axe routier Goma- Rutshuru- Kanyabayonga; Axe routier Goma - Sake- Kitshanga -Kanyabayonga; Axe routier Goma- Sake- Kitshanga - Pinga; Axe routier Goma - Sake- Mushaki - Masisi- walikale », lit-on dans le communiqué. 

Le gouverneur militaire affirme par ailleurs que la mesure rentre « dans l'ultime intérêt de la population meurtrie par les effets de la guerre ». Mais la décision ne concerne pas le poste frontalier de Bunagana (RDC-Ouganda) qui reste officiellement fermé au trafic.

Ce jeudi, le reporter d'ACTUALITE.CD a pu constater l'entrée de quelques camions à Goma en provenance de Rutshuru.

Bien que la mesure paraisse salvatrice pour Goma, il y a lieu cependant de s’interroger sur les taxes que le M23 percevra auprès des usagers. La société civile de Goma voit «une source de financement de la guerre pour les rebelles».

« C’est une décision qui doit être suffisamment analysée mais déjà je trouve que c’est une décision suicidaire face à tout ce que nous traversons. Ces marchandises avant d’atteindre la ville de Goma et d’autres villes comme Bukavu vont passer dans les zones occupées par les rebelles du M23. Les transporteurs vont payer de l’argent aux rebelles et cet argent va alimenter la guerre, cette décision est une source par excellence de financement de la guerre, elle est également une source pour accroître la rébellion», peste Vicar Hangi, expert de la société au Nord-Kivu.

Et d’ajouter: «Nous demandons aux autorités d’y revenir parce qu'elle risque de produire plus des conséquences que d’avantages».

Somme toute, la décision de l’autorité provinciale rencontre le vœu de la rébellion qui ne voyait que peu de circulation sur les routes qu’elle contrôle. Dans son communiqué du 28 février, le M23 appelait la population à se rendre librement dans les zones qu’il occupe. Le mouvement armé accusait le gouverneur de « priver la population de Goma de son droit de libre circulation en l'empêchant d'accéder à ses champs et d'acheter les biens de première nécessité dans les zones sous son contrôle».

La situation sécuritaire dans la partie Est de la RDC demeure préoccupante. Le M23, cette rébellion appuyée par le Rwanda a repris les armes il y a une année et a conquis de vastes zones dans les territoires de Rutshuru, Nyiragongo et Masisi. La route Goma-Rutshuru a été coupée depuis l’occupation. Plus tard, c'est la route Goma-Kitshanga qui a été à son tour coupée depuis l’expansion de la rébellion dans le territoire de Masisi.

Malgré les multiples appels au cessez-le-feu, la rébellion poursuit l’offensive. Le M23 exige un dialogue avec Kinshasa mais les autorités congolaises n’en veulent pas. Sur le plan militaire, la présence de la force régionale de l'EAC n'a pas résolu le problème sur le terrain. Le nouveau calendrier l’organisation sous régionale prévoyait qu’à partir du 28 février, le M23 commence son retrait des zones occupées. Mais aucun signal dans ce sens sur le terrain si ce n’est la poursuite des combats. 

Yvonne Kapinga, à Goma