Les congolaises qui se sont déjà enrôlées dans la première aire opérationnelle forment un total de 43 % ou 3 millions 23 mille 532 comparativement aux hommes qui constituent 4 millions 68 mille 147 soit 57%. Ces chiffres concernent la capitale en plus de 9 autres provinces de la République. Qu’est-ce qui explique cette différence de chiffres ? Comment les Organisations de défense des droits des femmes comptent-elles capitaliser les 25 jours ajoutés ? Autant de questions auxquelles le Desk Femme tente de répondre.
« Nous avons suivi l'information donnée par la rapporteure de la Commission électorale nationale indépendante. Je pense que les problèmes tels que la lenteur de l’opération et les machines qui tombent en panne sont parmi les raisons qui ont fait que le nombre des femmes ne soit pas assez important. Je suis allée m’enrôler dans un centre à Kinshasa et j’ai observé la lenteur qu’il y avait dans l’opération, comment certaines femmes étaient arrivées au centre depuis 5 heures du matin mais qu’elles n’étaient pas servies. Comment certaines se sont décidées d’abandonner la file d’attente pour retourner à leurs tâches ménagères », explique Mimy Mopunga, membre du Cadre permanent de concertation de la femme congolaise (CAFCO)
Dans le Kongo Central, une autre province comprise dans la première aire opérationnelle, la situation est la même. Le temps que prend l’opération d’enrôlement oblige la majorité des femmes à ne pas s'enrôler. Annie Matundu, présidente de la Ligue Internationale des Femmes pour la paix et la Liberté section RDC (WILPF) et présidente d’Action Femmes du Bas - Fleuve, (AFEBAF), raconte l'expérience qu'elle a vécu à Boma.
« J’ai vu des femmes qui ont quitté leurs domiciles tôt le matin pour aller s’enrôler. Sur place, soit les machines ne fonctionnent pas, soit l’opération dure plus de quatre heures. Par conséquent, elles se découragent et retournent dans leurs activités génératrices de revenus. J’ai aussi remarqué qu’il y avait des femmes enceintes, des personnes du troisième âge et des personnes vivant avec handicap qui attendaient alors que certains politiques arrivaient et accédaient facilement aux centres d’enrôlement », a-t-elle affirmé.
Parcourir plus de 10 kilomètres pour s’enrôler, relâchement engendré par la non représentation des femmes dans les postes décisionnels
Marie Ngako Banga, responsable de l’ONG Association pour le Dignité de la Femme et de l’Enfant (APDFE) et Nadège Wenzele Lebo, ministre provinciale honoraire du genre sont originaires du Nord-Kivu. Parmi les problèmes rencontrés dans leur province, elles citent notamment la distance entre les centres d’inscription et les ménages.
« Ce sont les femmes qui tiennent les ménages. Et les mêmes femmes doivent parcourir 6 à 15 kilomètres pour s’enrôler. A quel moment ces maraichères pourront-elles rentrer faire la cuisine, la lessive ou s’occuper de leur commerce ? Nous sensibilisons les femmes à l’enrôlement. Mais, ces difficultés découragent », souligne Marie Ngako Banga de l’APDFE.
A Nadège Lebo de renchérir, «il n’y a pas assez de sensibilisation au niveau de la province. Que ce soit par la CENI ou le gouvernement provincial. Seuls les partis mobilisent leurs troupes. Il y a aussi un découragement qui se généralise du côté des femmes. Au niveau de la province, le gouvernement qui a été installé ne comprend aucune femme. Les femmes apportent leur soutien aux activités de la province et même auprès des acteurs politiques locaux. Mais lorsqu’arrive le moment de se partager le pouvoir, les femmes ne sont pas représentées. Il y a eu récemment l'installation du gouvernement provincial. Et aucun poste n’a été donné aux femmes. Cela a suscité un découragement. On constate qu’il y a moins de femmes qui s’intéressent aux élections à venir ».
Des recommandations pour se rattraper au cours jusqu’au 17 février
La Commission électorale nationale indépendante (CENI) a prolongé jusqu’au 17 février l’opération d’enrôlement dans l’aire opérationnelle 1. Pour réussir à augmenter le nombre des femmes, les défenseures ont également fait des propositions.
« On pourrait avoir des bureaux de vote pour femmes et des bureaux réservés aux hommes. Au niveau des organisations de la société civile, nous poursuivons les campagnes de sensibilisation. Nous utilisons tous les canaux de diffusion possible, les réunions, les réseaux sociaux, les médias pour faire passer notre message. Mais, si les réclamations faites ne sont pas prises en considération et réparées par la CENI, les 25 jours ne vont pas servir », a-t-elle suggéré.
Mimy Mopunga ajoute, « nous avons besoin de toutes ces femmes. Nous voulons que les femmes puissent s’enrôler massivement comme aux élections de 2006 et 2011. Les femmes avaient constitué 52% des personnes enrôlées. Un électorat vraiment important. Au niveau du CAFCO, nous allons continuer à sensibiliser pour le reste des provinces et même pour Kinshasa, étant donné que la date de clôture a été repoussée ».
« Il faut que les acteurs sociaux et politiques organisent des séances de sensibilisation de masse. C’est dans le but de montrer à la population l’importance de se faire enrôler et de participer au processus électoral déjà lancé. Il faut plus de rencontres, il faut multiplier le nombre de sites d’enrôlement », conseille Nadège Lebo.
Prisca Lokale