RDC : l'actualité de la semaine vue par Chantal Faida

Chantal Faida
Chantal Faida/Ph. droits tiers

De la clôture de Nairobi III à l'annonce de Vladimir Poutine d’un probable accord pour mettre fin au conflit en Ukraine, en passant par la qualification du Maroc, seul représentant du continent africain encore en lice, en demi-finale de la Coupe du monde de football, le rapport préliminaire de l'ONU sur Kishishe ou le plaidoyer du M23 pour se faire écouter, cette semaine a été riche au niveau de l'actualité. Ce 10 décembre, Chantal Faida passe en revue ces points marquants.

Bonjour Madame Chantal Faida et merci de nous accorder de votre temps. Y a-t-il de nouvelles activités qui se sont ajoutées à votre parcours ?

Chantal Faida : Bonjour DeskFemme et merci. Effectivement, depuis le 30 novembre,  j'ai présidé en qualité de coordinatrice de Uwema Asbl, le premier tournoi de l'espoir pour la paix à Goma qui a réuni 10 équipes de 10 quartiers de Goma en vue d'impliquer plus de jeunes dans la construction de la paix en dénonçant toute tentative de recrutement au sein des mouvements armés ou autres formes de banditisme urbain. Près de 24 matchs ont eu lieu à l'école primaire KAUTA à Goma.

Nairobi III s’est terminé mardi. Prochaine rencontre prévue en début 2023 pour notamment faire une évaluation “ des progrès par rapport aux points sur lesquels les participants se sont mis d’accord ”. Quelles sont vos attentes après cette étape ?

Chantal Faida : Nairobi n'a pas véritablement satisfait les attentes des congolais d'autant plus qu'avant Nairobi égal à après Nairobi pour ces milliers (200.000) des populations forcées à vivre de l'aide humanitaire alors qu'ils ont champs et bétail pour être à l'abri du besoin. En sus, plusieurs recommandations s'apparentent à des chapelets de bonne intention. Par exemple, le point 3 E de la Déclaration du Sommet de Nairobi n'évoque pas explicitement comment le PDDRCS sera financé. L'on s'attendait par exemple à la création d'un fond spécial PDDRCS ou la mise en place d'une taxe spéciale en appui à ce processus car sans le début de sa mise en œuvre, on ne vivra pas véritablement la fin de la guerre.

La position de la RDC est restée intacte « Pas de négociation avec le M23 ». Dans un meeting à Rutshuru-centre, le mouvement a réitéré sa « volonté » de se désengager mais demande au préalable d’être « écouté ». Quel est votre point de vue à ce sujet ?

Chantal Faida : la problématique de négociation directe Gouvernement-M23 est complexe d'autant plus que ce n'est pas le M23 qui agit mais une armée nationale étrangère RDF. Donc s'il faut envisager un quelconque dialogue, il faut traiter directement avec le protagoniste qu'un groupe marionnette. Je proposerai à l’EAC d'envisager un dialogue RDC-Rwanda mais connaissant le Rwanda, avec son approche belliciste et son appétit glouton de contrôle des ressources congolaises, la seule carte entre les mains du Gouvernement congolais est la voix de la force soit l'option militaire.

A Kishishe, après le massacre de 131 civils, la plupart des survivants dont des victimes des violences sexuelles « avec besoin d’assistance médicale urgente » ont été empêchés par le M23 de quitter les villages saccagés, selon des enquêteurs de l’ONU et du BCNUDH. Quelles recommandations feriez-vous ?

Chantal Faida : la reprise de cette partie du territoire congolais par le gouvernement et d'envisager par la suite une délocalisation des institutions dans la partie Est pour bien traiter l'origine de tous ces crimes odieux qui sont venus majorer les statistiques horribles de massacre des innocents en RDC par les groupes armés étrangers et locaux dans certains endroits.

Que la justice soit rendue à toutes ces victimes en recourant au mécanisme de justice transitionnelle. Je salue à juste titre la publication du Livre blanc par le gouvernement mais je rappelle que plusieurs autres crimes restent méconnus par manque de documentation sérieuse. 

Lors de la 21e Assemblée des États parties de la CPI, la RDC a demandé à la CPI d'ouvrir une enquête sur la tuerie de Kishishe. Pensez-vous que cette demande trouvera une issue ?

Chantal Faida : la CPI est un instrument de justice internationale dont le mode opératoire est complexe à appréhender. La demande de la RDC trouvera gain de cause si un suivi rigoureux et appuyé par des mécanismes régionaux sont enclenchés

Entretemps, João Lourenço multiplie des échanges avec Kagame, Tshisekedi et Ndayishimiye sur la mise en œuvre des résolutions du mini-sommet de Luanda portant cessation des hostilités, suivie du retrait du M23 des zones occupées. Avez-vous des attentes particulières sur ces entretiens ?

Chantal Faida : je suis un peu confuse de savoir que pour un seul dossier, plusieurs formes de médiation sont entreprises. On aurait souhaité voir une coordination des processus pour de meilleurs résultats. Qu'à cela ne tienne, des rencontres entre Chefs d'Etat précédées des réunions entre experts des pays protagonistes sont utiles aussi longtemps que toutes les parties montrent leur bonne foi.

Au niveau local, le Chef de l’Etat était à la base militaire de Kitona devant les 1200 recrues. Il a promis d’améliorer les conditions de vie et de travail des militaires. A quels résultats attendez-vous de la part de ces nouvelles recrues ?

Chantal Faida : la Nation entière est fière de retrouver sa puissance par l'effectif de son armée dans les prochains mois. Cependant, l'euphorie patriotique ne devrait pas offusquer les défis majeurs au sein de nos forces de sécurité. Allouer un budget conséquent est l'ultime action à envisager d'autant plus que sans une meilleure prise en charge des militaires, équipements de pointe, mis à l'écart des traîtres, gouvernance exemplaire des ressources, on pourra voir l'effectif qu'il faut sans pour autant enregistrer les résultats.

En Justice, le ministère public a requis la peine de 3 ans de servitude pénale contre Vidiye Tshimanga. L’ancien Conseiller spécial du Chef de l’Etat évoque un montage et appelle l’appareil judiciaire à en poursuivre plutôt les auteurs. Quelle est votre lecture de cette affaire ?

Chantal Faida : les décisions de justice sont toujours motivées par des soubassements crédibles. Je propose que les parties lésées puissent apporter leurs preuves d'innocence dans ce qu'elles qualifient de montage. Le peuple congolais a longtemps entendu chanter l'Etat de droit, je pense qu'il est temps de démontrer la force de cette vision en disant la vérité judiciaire car l'image de l'institution président de la République est en train de perdre des côtes avec ce genre de dossier criant des faits de corruption de la part d'un proche conseiller du président. Wait and see! 

La campagne de 16 jours d’activisme contre les violences basées sur le genre se clôt ce week-end. Comment participez-vous personnellement à réduire ou prévenir les violences à l’égard des femmes et des filles ?

Chantal Faida : en date du 1 décembre, j'ai eu à prendre part à une journée de réflexion organisée par le conseil urbain de la jeunesse de Goma dans le cadre de 16 jours d'activisme contre les VBG. Il était question pour moi d'analyser l'apport de la femme congolaise dans la construction de la paix et la prévention des conflits. J'ai démontré que la RDC a ratifié la CEDEF (Convention pour l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'egard des Femmes), qui dans l'une de ses dispositions encourage le système de quota temporaire pour combler le déséquilibre historique vécu dans tous les domaines publics, sociaux et culturels. Sans la participation de la majorité de la population dans la recherche des solutions, tout ce qui sera obtenu sera éphémère.

Et cette semaine, l'Assemblée nationale a adopté le projet de loi fixant les principes fondamentaux relatifs à la protection et à la réparation des victimes des violences sexuelles liées aux conflits et des victimes des crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité. Que représente cette décision  pour vous ?

Chantal Faida : ce projet de loi est une grande avancée en matière judiciaire. Le Prix Nobel de la paix, Denis Mukwege a toujours affirmé que les volets médical, psychosocial et économique en matière de VBG sont sur une bonne voie en RDC. C’est dire qu'il est facile de trouver une structure pour entendre et accompagner les survivantes cependant le volet juridique présente toujours des défis énormes. J'espère qu'avec cette loi, plusieurs dossiers en justice seront traités efficacement et que les coupables seront à même de réparer les dommages physiques, matériels et moraux qu'ils auront causés aux survivantes en plus de la garantie de non répétition.

Ce samedi, la RDC vient de perdre une icône de la musique, l'artiste Tshala Muana. Que retenez-vous de son parcours ?

Chantal Faida : une fierté nationale et symbole incontestable de l'unité nationale. Élisabeth Tshala Muana a fait danser plusieurs générations, l'artiste vit éternellement par ses œuvres. Un parcours hors pair avec à son actif plusieurs meilleurs titres et albums phares. Que ses chansons soient traduites en d'autres langues nationales car je pense qu'il y a plusieurs personnes comme moi qui ont chanté et dansé ses chansons en Tshiluba sans vraiment savoir le message transmis. Mais la mélodie emballait bien.

En Sports, le Maroc est devenu la 4e sélection africaine à rallier les quarts de finale d'une Coupe du monde. Qu'est-ce qui peut, selon vous, occasionner ces nombreuses disqualifications des équipes africaines ?

Chantal Faida : la préparation (motivation des joueurs et traitement des staffs des équipes, des supporters) et l'investissement dans les équipes africaines par les africains. Il est paradoxal de voir des africains exceller à l'international tandis que quand ils jouent dans leurs équipes nationales, les résultats ne suivent pas. Le sport est un outil puissant de vente de l'image des nations, autant on investit dans la diplomatie on devrait le faire pour le sport mais pas uniquement le football.

Par ailleurs, Vladimir Poutine a annoncé qu'il faudra "trouver un accord" pour mettre fin au conflit en Ukraine. Il émet en même temps des doutes au sujet de ses interlocuteurs. Faut-il croire à une volonté avouée du président russe ?

Chantal Faida : l'enjeu de taille dans le conflit Russo- Ukrainien c'est la bataille de l'OTAN de contrôler l'Ukraine pour ses ressources naturelles en vue de fragiliser la Russie qui veut instaurer un nouvel establishment. Deux pôles de puissance Occident et Orient. Je pense qu'au-delà de tout, la meilleure victoire est celle de vaincre sans combattre par des stratégies efficaces car la guerre coûte très chère.

Un dernier mot ?

Chantal Faida : je réitère le plaidoyer de soutien solidaire nationale aux personnes déplacées au nord de Goma qui manquent de tout et plusieurs pertes en vies humaines sont enregistrées, des cas de maladie hydriques. 200.000 âmes sont en détresse. S.O.S agissons tous et assistons nos compatriotes. Uwema Asbl envisage un jour de partage et de convivialité ce 16.12 avec les enfants déplacés et sollicitons l'appui de toutes les personnes éprises de bonne volonté pour la réussite de cette activité en donnant les vivres et non vivres et surtout en plaidant pour le retour à la paix durable dans leurs entités, article 66, alinéa 2 de loi fondamentale.

Propos recueillis par Prisca Lokale