RDC : l'actualité de la semaine vue par Thérèse Katungu 

Photo/ Droits tiers
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Du discours de Félix Tshisekedi à la 77è Assemblée Générale de l'ONU à l'ouverture de procès impliquant Vidiye Tshimanga, en passant par le décret de la cour constitutionnelle contre un troisième mandat en République Centrafricaine, des référendum pour tenter d'annexer des villes ukrainiennes à la Russie, la semaine qui s’achève a été riche au niveau de l'actualité.Thérèse Katungu revient sur chacun de ces faits. 

Bonjour Madame Thérèse et merci de nous accorder de votre temps. Pouvez-vous nous parler de vos activités ? 

Thérèse Katungu : Je suis leader des organisations féminines dans le territoire de Lubero, en province du Nord-Kivu, notamment la Solidarité des organisations des femmes et jeunes producteurs agricoles (SOFEJEP). En termes d'activités, je suis formatrice des femmes leaders, je travaille dans le secteur de l'agriculture, je m'active aussi pour la participation citoyenne de la femme et pour son implication dans les organes de prise de décision à tous les niveaux.

Dans son discours à la 77è assemblée générale des Nations Unies, le du Chef de l’Etat a demandé que soit distribué le rapport des experts de l’ONU sur l’agression rwandaise et de le faire examiner avec diligence. Selon vous, qu’est-ce qui retarde l’examen dudit rapport au niveau de l’ONU ? 

Thérèse Katungu : je pense que le silence de l'Organisation des Nations Unies face à ce rapport montre clairement que cette structure internationale prend partie ou alors elle profite de l'état des choses. Nous sommes parfois convaincus que la présence de l'ONU en RDC ne se justifie que lorsqu'il y a le chaos. Il faut que ce rapport soit analysé et que les conséquences soient tirées.

En tant que président de la SADC et de la CEEAC, Félix Tshisekedi a également porté le plaidoyer de l’Afrique à être représentée au sein du Conseil de sécurité de l’ONU par deux sièges parmi les membres permanents avec droit de véto. Quel est votre point de vue à ce sujet ?

Thérèse Katungu : intégrer l'Afrique au sein du Conseil de sécurité de l'ONU est un acte qui devait être fait depuis très longtemps, si les anciens États colonisés n'étaient pas des simples applaudisseurs dans ce forum des nations unies. Il faut par moment que l'Afrique se réveille et agisse. 

Il s’agit d’un plaidoyer qui date de près de deux décennies pour l’Union Africaine. Pourquoi cela n’aboutit pas selon vous ?

Thérèse Katungu : ce plaidoyer n'aboutit pas tout simplement parce que la voix des pays Africains ne comptent pas à l'ONU. C'est la seule explication que nous pouvons donner sur de la lenteur du processus. 

Dans une interview, Antonio Guterres, SG des Nations unies a suggéré un dialogue entre Kinshasa, Kigali et Kampala, pour gérer la crise liée au M23, soulignant le fait que ce mouvement et mieux équipé que la Monusco. Que pensez-vous de ses propos ? 

Thérèse Katungu : je pense qu'Antonio Guterres s'est trompé dans sa piste de solution. Comment peut-on estimer à ce stade, que la solution aux troubles que connaît la RDC passera par ceux qui en sont les auteurs ? Quelle est cette nation au monde, qui accepterait une telle proposition ? Nous avons espéré que conjointement avec les FARDC, la Monusco ramène la paix dans ces régions en guerre. Mais il a avoué clairement l'impuissance de cette mission. 

Sachant que des initiatives régionales telles que le processus de Nairobi ou celui de Luanda sont actuellement au point mort, pensez-vous qu’une telle proposition soit utile à la RDC ? 

Thérèse Katungu : la proposition de multiples accords n'est pas la solution pour la RDC. La RDC doit apprendre à se prendre en charge sur tous les plans car, elle en a les moyens.

Le premier ministre, Sama Lukonde séjourne à Goma (Nord-Kivu) pour évaluer l’état de siège y décrété depuis 15 mois maintenant. Il a également été à Bunia (Ituri) où des consultations ont eu lieu avec plusieurs couches sociales. Quelles sont vos attentes après ces descentes ? 

Thérèse Katungu : le peuple meurtri n'attend que la restauration et le retour d'une paix véritable et durable. Il n'a plus besoin des discours, des théâtres ,des consultations qui avortent. Le peuple congolais attend et va bientôt juger si cette tournée était bénéfique pour lui ou totalement improductive comme pour toutes les autres tournées consultatives effectuées par d'autres autorités. Pour rappel, c'est depuis 2014 que les populations meurent comme des mouches dans l'Est du pays sans aucun signe de compassion. Qu'est-ce qui prouve que cette fois, la paix reviendra après le passage et les consultations du 1er Ministre?

A Kwamouth (Mai-Ndombe), le conflit interethnique entre les peuples Teke et Yaka a déjà fait plus de 100 morts et près de 5.000 déplacés. Comment faudra-t-il y restaurer la paix dans cette région quand on sait qu’une mission du gouvernement y était sans succès ? 

Thérèse Katungu : on doit cesser de toujours trouver des fausses solutions par rapport aux vrais problèmes. Les yaka et les teke n'ont jamais été des ennemis. Que le gouvernement mette tout en oeuvre pour neutraliser la main noire, source du problème. Et vous verrez la paix revenir à Kwamouth.

Après plus de 7 heures d'audition, le parquet a décidé de placer sous mandat d'arrêt provisoire, Vidiye Tshimanga, ancien conseiller de Félix Tshisekedi sur les questions stratégiques. Quelles sont vos recommandations au sujet de cette affaire ? 

Thérèse Katungu : que la justice fasse son travail en toute objectivité.

Des centaines de médecins ont marché à Kinshasa et Bukavu pour réclamer une amélioration des salaires après des semaines de grève. Entre temps, des professeurs d’universités ont décidé d’aller en grève dénonçant le manque de volonté politique du gouvernement. Comment analysez-vous ces faits ? 

Thérèse Katungu : c'est encore un sujet de honte dans notre pays, que les agents publics n'aient pas de salaires consistants pouvant leur permettre de vivre. Dans le même pays, nous avons appris que certains agents publics reçoivent 21.000$ et plus, alors que la grande majorité n'a que 200.000Fc. Quelle honte pour un pays réputé potentiellement le plus riche de la planète? Que le gouvernement agisse concrètement plutôt que de mentir à la population. Quelle importante enveloppe cela implique-t-il, de bien payer les médecins et tous les autres agents de l'État congolais ? (....)

Au niveau continental, la cour constitutionnelle de la République centrafricaine (RCA) a rendu un arrêt définitif pour censurer le projet de modification de la Constitution visant à autoriser le président Touadéra à briguer un troisième mandat. Que représente cette décision pour vous ? 

Thérèse Katungu : encore une maladie des gouvernements africains, modifier la constitution pour prolonger le mandat d'un gouvernant. C'est honteux. Si un gouvernant améliore sensiblement les conditions de vie des citoyens, son mandat va s'allonger automatiquement. Qu'on se le dise.

À l'international, un référendum a commencé dans quatre régions ukrainiennes contrôlées entièrement ou en partie, dans le but de les annexer à la Russie. Joe Biden a assuré que les Etats-Unis et leurs alliés allaient infliger de nouvelles sanctions économiques « rapides et sévères à la Russie » si le processus continuait. Quel est votre point de vue sur cette question ? 

Thérèse Katungu : les américains devraient cesser de tromper l'humanité . Qu'ont ils fait pour la Libye, la Syrie, l'Afghanistan, (...) C'est depuis plus de 20 ans que notre pays la RDC souffre des affres fabriqués par les multinationales dont plusieurs ont leurs sièges dans l'UE. La même UE n'ont jamais rien dit malgré les 12.000.000 des morts en RDC. La guerre Russie-Ukraine a fait combien de victimes pour chercher à nous distraire ? Mon point de vue est que l'Afrique doit apprendre à se désolidariser du désordre établi par ces mêmes parleurs.

Un dernier mot ?

Thérèse Katungu : il est grand temps que l'Afrique tourne le dos à l'impérialisme sous toutes ses formes et devienne un continent enfin libre. Que les dirigeants des États Africains se rappellent toujours cela. La RDC peut avoir la monnaie la plus puissante de l'Afrique si nos dirigeants le veulent car nous en avons les moyens et toutes les potentialités. 

Propos recueillis par Prisca Lokale