Il y a plus de 70 ans, les matrones (accoucheuses non-formées) exerçaient le métier des sages-femmes en Afrique. Ensuite vint la médicalisation de la maternité, au Congo belge notamment, avec pour objectif la transformation des pratiques liées à la grossesse, à l’accouchement et aux soins à donner aux nourrissons, conformément à des normes élaborées en Europe. A Kinshasa, certaines femmes ont conservé ces vielles astuces pré et postnatales.
"A l'époque, les femmes n’avaient pas la chance d’aller à l’école comme aujourd’hui. Elles s’inspiraient des expériences vécues pour donner une signification à un fait qui pouvait se produire dans leur environnement. C’est ainsi que la plupart des femmes sont devenues des expertes accoucheuses, non pas parce qu’elles ont été formées mais parce qu’elles exerçaient régulièrement", explique Isabelle Fuanya, sexagénaire et vendeuse des fruits, sur Elengesa, une avenue de la commune de Makala.
Surveiller son alimentation
Carence en fer, anémie ou malaria, les grand-mères avaient toujours des astuces qu’elles ont bien su léguer aux nouvelles générations.
« J’ai commencé à apprendre ces histoires que j'ai hérité de ma grand-mère, lorsque j’ai vu mes premières règles. Elle me parlait de tout et répondait à mes questions. Lorsque je me suis mariée, ma mère a pris le relais. Je sais quelle plante traditionnelle utiliser ou manger quand je suis enceinte jusqu’après l’accouchement. Des plantes qui m’aident à stimuler le lait maternel ou à évacuer le sang coagulé de mon ventre », a ajouté Isabelle Fuanya.
"Pour éviter les carences en fer, nos mères nous conseillent de privilégier, les feuilles de manioc, le gombo, les légumes verts. Ce sont les principaux aliments qui composaient mes repas. J’ai eu cinq enfants par voie basse et sans complications. La vapeur des écorces et les feuilles des manguiers bouillies m'ont aidé à lutter contre la malaria", explique Honorine Bampengesha, qui habite Selembao.
La marche, le sport le plus simple
"Lors de mes deux premières grossesses, ma mère me recommandait de faire mes courses seule ou de parcourir des distances à pied. J’habitais à Matadi-Kibala (un quartier de Mont-Ngafula). Après chaque course, le marché à 500 mètres ou l’hôpital à environ 200 mètres, je me sentais très souple et rarement j’avais les pieds gonflés. J’ai eu mon troisième enfant l’an dernier. Mais juste après l’accouchement, les sages-femmes ont constaté que j’avais une éclampsie. Elles m’ont vite prise en charge et je m’en suis bien sortie. C’est parce que j’ai passé près de six mois sans me déplacer (…) Les conseils de ma mère restent les meilleurs" confie Gisèle Omoyi, ménagère, habitante de Lingwala.
Ne pas négliger les soins post-partum
En RDC, le mot « walé » désigne l’ensemble des soins que reçoivent les accouchées et leurs bébés. Ces services sont offerts par la mère de l’accouchée, la mère de l’époux ou un autre membre des deux familles. Cela comprend le bain, les repas, le massage et autres.
« Le médecin m’avait prescrit des médicaments après mon accouchement il y a quelques mois. Combinés au walé, j'ai pu récupérer plus vite que prévu. Ma mère n’est plus. C’est ma belle-mère qui a tout fait. Si ces médicaments recommandés par les médecins peuvent avoir des effets secondaires, je peux au moins être rassurée que le walé est sans danger. Je vais au travail mais ma fille grandit également en sécurité ».
Toujours consulter un spécialiste
Gina Mpunga estime qu’autant pour les mères, il était utile de se référer aux accoucheuses expérimentées de leurs milieux, autant il est utile pour les femmes actuelles de se confier aux professionnels de santé les plus proches.
"Il faut toujours avoir soit un membre de famille infirmier, médecin ou sage-femme, soit un établissement hospitalier à proximité qui offre des soins de qualité. Cela réduit les risques d’aggraver une situation de santé pendant la grossesse ou après la grossesse", soutient Mme. Mpunga
Par ailleurs, les femmes interrogées ont également souligné l’importance de suivre les indications des consultations prénatales ou postnatales qui ont pratiquement remplacé les leçons des accoucheuses traditionnelles.
Prisca Lokale