RDC: la société civile du Kasaï juge l'aide humanitaire inefficace et inappropriée

Banderole du colloque sur la justice transitionnelle dans la région du Kasai
Banderole du colloque sur la justice transitionnelle dans la région du Kasai

Intervenant pour le compte de la société civile de la région du Kasaï au colloque scientifique organisé par l'université Notre Dame du Kasaï, UKA, autour du thème :  "justice transitionnelle dans la région du Kasaï : défis, enjeux et perspectives" le secrétaire exécutif du conseil régional des organisations non gouvernementales de développement, CRONGD, Albert Kiungu a présenté le regard de la société civile sur les interventions humanitaires et de la Monusco.  Il a peint un tableau sans complaisance de l'aide humanitaire apportée dans la région du Kasaï à la suite du conflit Kamuina Nsapu.

Confrontant la réalité du terrain aux interventions humanitaires dans la région du Kasaï aux différents mécanismes internationaux qui organisent l'intervention humanitaire, le secrétaire exécutif du CRONGD a relevé plusieurs faiblesses et effets pervers de l'intervention humanitaire dans le Kasaï. Il note par exemple le retard dans la délivrance de l'assistance humanitaire en violation de l'engagement 3 ce qui rend la réponse humanitaire inadaptée moins encore appropriée.

Dans sa présentation la société civile dresse une longue liste des faiblesses de l'intervention humanitaire :

"Faible implication et responsabilisation des services étatiques dans l'élaboration, la mise en œuvre et l'évaluation de la réponse humanitaire, la remise en cause de certains principes de souveraineté de l'État, l'aide humanitaire devient un instrument de la politique étrangère des pays donateurs, la faible maîtrise du contexte local pour adapter l'intervention humanitaire, trop de frais administratifs et de fonctionnement au détriment des activités de terrain au profil des victimes" pour ne citer que ces quelques faiblesses. 

Au chapitre d'effets pervers, la société civile du Kasaï cite entre autres :

"Plusieurs cas d'abus et d'exploitation sexuels accompagnent les interventions humanitaires, l'appauvrissement des victimes qui deviennent attentistes, passifs, paresseux attendant tout de l'intervention humanitaire, recours à des approches très moins efficientes ni pertinentes (individuelle, cash inconditionnel), les pratiques de corruption, clientélisme et trafic d'influence dans l'intervention humanitaire (favoritisme et privilège), tendance à vouloir pérenniser la crise et l'intervention humanitaire au Kasaï, mépris et manque de considération des acteurs locaux..."

La société civile du Kasaï fustige également l'application des procédures techniques, administratives et financières complexes, lourdes et ennuyantes pour justifier la raison de l'importation des ONG et autres commissionnaires du système.

Tout en reconnaissant en passant quelques bienfaits de l'intervention humanitaire au Kasaï notamment des actions d'urgence alimentaires, réhabilitation des routes de desserte agricole, des ponts et passerelles, appui au retour volontaire et à la réinsertion des populations déplacées retournées, la société civile du Kasaï formule quelques recommandations :

"Faire de l'État un acteur majeur, responsable et non accompagnateur et figurant dans l'intervention humanitaire en dotant les services publics des ressources et compétences nécessaires pour jouer un rôle de premier plan, privilégier les interventions résilientes et on des éternelles urgences qui rendent la population dépendante et paresseuse, saisir l'approche NEXUS comme une opportunité et éviter d'y appliquer les pratiques infructueuses de clusters qui excellent et et s'illustrent en clubs d'intérêts d'amis..."

Quant à la mise en œuvre de la justice transitionnelle, la société civile du Kasaï recommande que cela se démarque radicalement des pratiques décriées dans la réparation pour éviter de victimiser davantage les victimes du drame.

En conclusion, la société civile du Kasaï craint que si les choses restent en l'état, "après l'intervention humanitaire au Kasaï risque d'être pire qu'avant"

Sosthène Kambidi à Kananga