Hôtel et hélicoptères saisis, arrestations en chaîne: arrivé au pouvoir l'an dernier en promettant d'éradiquer la corruption, le président zambien Hakainde Hichilema mène une bataille tous azimuts pour être à la hauteur de ses ambitieux engagements, prêtant aussi le flanc à la critique.
Ses premières cibles ont été les membres du gouvernement de son prédécesseur, Edgar Lungu. L'ancien chef d'Etat accusé de s'être perdu dans de lourds projets d'infrastructures en surendettant le pays notamment auprès de la Chine, était aussi à la tête d'un gouvernement rongé par une "grave" corruption, a fustigé M. Hichilema dans un entretien à l'AFP en janvier.
En moins de 48 heures cette semaine, deux anciens ministres ont été arrêtés. Parmi eux, Given Lubinda, ex-ministre de la Justice à la tête de l'ancien parti au pouvoir, le Front patriotique (PF).
Les autorités ont également saisi deux hélicoptères et un hôtel appartenant à l'ancien ministre des Affaires étrangères, Joseph Malanji. Des biens dont l'achat est soupçonné d'avoir été financé avec des fonds publics.
L'ancien ministre de l'Intérieur, Stephen Kampyongo, avait déjà été arrêté quelques mois plus tôt. Non pas pour corruption, mais pour avoir tenté de provoquer le crash d'un hélicoptère avec des jets de pierres pendant la campagne présidentielle de 2016.
Dans une Zambie en faillite, rongée par une dette insoutenable, le PIB par habitant est inférieur à 1.000 euros. Quatre fois inférieur à celui de la Namibie voisine. Mais dans ce pays classé parmi les moins développés au monde par l'ONU, la lutte contre la corruption met en jeu des sommes vertigineuses.
- "Archaïque" -
M. Lubinda est accusé d'avoir empoché près d'un demi-million d'euros. M. Malanji est lui accusé d'avoir détourné plus d'un million.
Selon les enquêteurs, ce dernier a consacré près de 640.000 euros dans l'achat d'un hélicoptère pour une campage électorale. La Zambie est deux fois plus grande que l'Allemagne en superficie et peu de routes sont goudronnées. L'ex-ministre avait déjà été accusé l'an dernier, dans une autre affaire, d'avoir mis la main sur plus de huit millions d'euros.
Ce ne sont que les figures les plus proéminentes à avoir été inquiétées depuis l'élection d'Hichilema en août. Une multitude d'enquêtes ont été ouvertes. L'ancien patron des services postaux est par exemple accusé d'avoir volé plus de 18 millions d'euros d'un fonds destiné à soutenir la lutte contre la pauvreté.
Le Front patriotique a dénoncé à plusieurs reprises une "persécution".
"En tant qu'officiers de la fonction publique, nous devons rendre compte de chaque centime que nous détenons. Il ne s'agit pas de persécution mais de combattre la corruption", a affirmé à l'AFP la porte-parole du gouvernement, Chushi Kasanda.
Selon le militant des droits zambien, Brebner Changala, certaines procédures ont toutefois pu être réglées à la va-vite: "Les autorités arrêtent ces fonctionnaires parce qu'ils veulent plaire au pouvoir en place, c'est-à-dire au président Hichilema", a-t-il expliqué à l'AFP.
Le représentant de Transparency international en Zambie, Sampa Kalunga, a de son côté récemment décrié sur une radio locale un programme anti-corruption gouvernemental "décousu, archaïque et qui ne montre pas de résultat".
De nombreuses arrestations se sont soldées par des remises en liberté sous caution, les accusés niant et les enquêtes n'étant pas toujours solidement ficelées.
Jusqu'à présent, le gouvernement d'Hakainde Hichilema a récupéré environ 3,3 millions d'euros, retrouvés en espèces lors d'une perquisition au domicile de l'ancienne journaliste de la radio nationale, Faith Musonda. L'argent a été utilisé pour financer des bourses à plus de deux milliers d'étudiants zambiens.
AFP et ACTUALITE.CD