A Brazzaville, on soigne la peau des albinos

Les albinos de Kinshasa encadrés par une association locale
Les albinos de Kinshasa encadrés par une association locale

Souvent discriminés, attaqués, voire sacrifiés dans d'obscurs rites de sorcellerie, les albinos sont aussi très vulnérables à de terribles cancers de la peau, qu'une clinique de Brazzaville s'emploie à prévenir autant que possible.

"Un albinos est un être comme tout autre", déclare à l'AFP Reine Balounga, 19 ans, qui attend d'être traitée contre les taches parsemant son corps depuis l'enfance.

"Dans ma famille on m’aime, mais dans le quartier, il y a d’autres personnes qui m’aiment pas du tout", constate la jeune fille, en déplorant que "certaines personnes provoquent les albinos dans la rue".

La clinique où se fait soigner Reine est opérationnelle depuis 2013. 

Elle est une propriété de l’Association Johny Chancel pour les albinos (Ajca), dirigée par Johny Chancel Ngamouana, un philanthrope de 39 ans lui-même albinos.

Ce dernier assure que le cancer de la peau représente la première cause de mortalité chez cette minorité qui, au Congo, fort heureusement dit-il, n’est pas victime de crimes rituels comme dans certains pays africains, tels le Gabon voisin ou encore la Tanzanie. Bien que stigmatisés parfois, les albinos y fréquentent les mêmes écoles, publiques comme privées, que les autres enfants.

Depuis janvier, l’Ajca, qui préside le Réseau des organisations des personnes atteintes d’albinisme d’Afrique centrale (Ropac), mène une campagne de dépistage et de traitement du cancer de la peau. A ce jour, plus de 460 albinos, tous âges confondus, ont bénéficié de soins gratuits, selon le personnel soignant.

 

- "Une autre image" -

 

Grâce à des partenariats, quatre médecins russes et un autre venu de la République démocratique du Congo toute proche interviennent désormais dans cette campagne.

"Nous avons fait venir des experts de Russie, des spécialistes en albinisme, pour traiter et aussi former des médecins (locaux) qui sont dans notre clinique", explique Johny Chancel Ngamouana. "De temps en temps nous avons besoin d’autres expériences, pour que la condition des personnes atteintes d’albinisme au Congo soit améliorée", espère-t-il.

L'albinisme est une maladie génétique rare, héréditaire et non contagieuse, qui se traduit par un déficit dans la production de mélanine entraînant une absence complète ou partielle de pigments dans la peau, les cheveux et les yeux. 

Pour sa première expérience sur le continent africain, l’oncologue russe Igor Samoylenko est d’avis que "les albinos du Congo présentent plus de pathologies qu’ailleurs". "Ils ont trop de problèmes de vue, parce qu’ils se protègent de moins en moins contre le soleil. Et le cancer de la peau est un réel problème", souligne-t-il.

Souvent en Afrique, les albinos n'ont pas les moyens de s'acheter des lunettes ou des crèmes solaires efficaces. Selon l’ONU, dans certaines parties du monde, environ 90% d’albinos meurent entre 30 et 40 ans. 

Gemard Mougani, 31 ans, qui souffre d'infections sur le visage et la nuque, fonde de grands espoirs sur la campagne en cours. "J’attends d’avoir la guérison pour mes plaies". Et, en général, "j’attends une autre image des albinos, parce que la plupart d’entre eux ont des taches et une figure vraiment abimée", dit-il.

Elève en Terminale littéraire au lycée Thomas Sankara de Brazzaville, Trésor Bokatola, 18 ans, se présente quant à lui comme "un homme extraordinaire". Parce qu'"il y a des albinos dans chaque continent, mais pas dans chaque maison".

L'albinisme existe dans le monde entier, mais sa prévalence varie d'une région à l'autre. En Afrique subsaharienne, où il est plus répandu, les estimations de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) oscillent entre 1 cas sur 5.000 et 1 cas sur 15.000.

AFP avec ACTUALITE.CD