Sud-Kivu : première journée de commémoration des massacres de la province, les rescapés racontent leurs calvaires

Ph. ACTUALITE.CD
Cérémonie de commémoration des massacres perpétrés au Sud-Kivu. Ph. ACTUALITE.CD

L'assemblée provinciale du Sud-Kivu a organisé le 1er octobre, la première commémoration provinciale de tous les massacres perpétrés en province de 1993 à 2003.

Les cérémonies ont eu lieu sur le terrain de l'EDAP ISP, un des sites où était érigé les fosses communes  où ont été enterré les victimes de la guerre de 1996.

Plusieurs rescapés et victimes sont revenus sur ce qu'ils ont vécu.

"Je suis de l'église "Malkia wa Ubembe, nous, on fait le culte trois fois par semaine. Et c'était en 1998 à Abala dans le territoire de Fizi, nous étions en plein culte quand nous avons été surpris par les hommes armés avec les tenues du Rwanda, ils ont d'abord appelé nos deux responsables qu'ils ont tués et puis ont commencé à tirer sur nous. Ma mère avec son bébé de 4 mois sont morts, moi j'étais joueur du tam tam, je me suis coincé derrière la porte et petit à petit je me suis débrouillé pour sortir. Arrivé dehors, ils ont mis le feu sur l'église", relate un rescapé de Abala de 1998 en territoire de Fizi.

"A Kasika on a été tué alors qu'on se rendait à l'église, les choses ont commencé du côté de Kahulile, on ne savait pas c'est quoi, nous sommes partis regarder il s'est agi de quoi, nous avons vu un véhicule qui amenait les cadavres des gens.  En ce moment on a vu un homme avec un drapeau blanc entrain de sillonner dans la ville. Nous on a cru que c'était pour la paix alors que c'était un piège. Ce drapeau blanc nous attirait et partout où il passait les militaires étaient en train de tuer. Eux tiraient sur tout ce qui bouge, arbre, animal, feuille. Mais pour ce qui est des hommes, ils tuaient avec les machettes autres armes blanches. Ce qui brisait les crânes et toute la tête. C'est la première fois pour nous de voir comment on égorge une personne, comment on décapite une personne en séparant la tête du tronc, comment on eventre une femme enceinte en exposant son enfant sur la poitrine. Si vous étiez un groupe, on vous met dans une maison et puis on vous brûle dedans, nombreux sont morts" une rescapée de Kasika.

"Ils ont tué tout le monde, les sœurs, les prêtres et tous ceux qui étaient là et même tous les ouvriers ont été tué", relate une rescapée de massacre de  Kasika.

" C'était le 14 mai 2000 à 15h, on a commencé à entendre les coups de balle. Nous nous sommes renseignés, on nous a appris que c'est le commandant des militaires du RCD qui a été tué par ses subalternes qui ne voulaient pas sa mutation. En ce moment les militaires conduit par leur chef Ruzagura se sont mobilisés et nous ont convaincu de regagner nos maisons. Et nous sommes entrés dans nos maisons. Tard dans la soirée le commandant Ruzagura a ordonné à ses subalternes de tuer dans nos maisons, je suis rescapé parce que dans la parcelle dans laquelle je vivais, tous les voisins ont été tués. Le calvaire a commencé vers 18h30-19h quand les voisins ont commencé à crier, ayez pitié de nous, nous nous avons pris la fuite et eux ont tué tous les voisins. Ils ont tué tous nos voisins. Quand nous sommes venus voir ce qui s'est passé, nous avons constaté que ma voisine avait deux enfants et était veuve, on l'avait éventré, les intestins par terre, l'enfant et sa fille ont été calciné dans la maison, et c'était affreux", ajoute  un rescapé de Katogota dans la plaine de la Ruzizi.

" Nous sommes ici en marge du 11 anniversaire de la publication du rapport Mapping et nous nous sommes rendus compte que c'est resté une lettre morte. C'est ainsi que l'assemblée provinciale et d'autres organisations nous nous sommes dits qu'on commémore les massacres, qu'on exige le tribunal international partant de premiers éléments qu'on trouve dans le rapport Mapping et que nous devons compléter par les enquêtes qui doivent être menées. Parce que depuis 2003 jusqu'à maintenant, il y a eu beaucoup des crimes et ça continue", a indiqué le député Homer Bulakali.

Et d'ajouter.

" A Shabunda, particulièrement à Kigulube, il y a quelqu'un qui avait construit sur deux sites où on avait brûlé des gens vivant dans les maisons. Je pense que c'est une façon de vouloir effacer les traces de notre histoire et nous nous disons que tout celui qui voudra modifier ou torpiller notre histoire, nous trouvera sur son chemin. Nous exigeons aux Nations-Unies des vérités, nous voulons savoir pourquoi, ils ont exhumé nos morts et tenter d'effacer les traces. Nous demandons aux Nations-Unies de nous donner où on avait jeté tous ces ossements afin que nous puissions y ériger un monument et que nous puissions y mettre des instructions".

Le rapport Mapping est revenu sur plus de 300 crimes commis en République Démocratique du Congo, l'assemblée provinciale du Sud-Kivu a réitéré son vœu d'accompagner le docteur Denis Mukwege dans la lutte pour exiger l'exhumation de ce rapport.

"Aujourd'hui, nous organisons ces activités pour soutenir non seulement le noble combat du docteur Denis Mukwege du  plaidoyer en faveur des victimes de ces massacres au travers la création du tribunal international pour la RDC mais aussi et surtout une façon pour nous d'honorer la mémoire de nos compatriotes victimes de ces massacres. Il faut dire qu'il est pratiquement difficile ou bien impossible d'envisager une paix durable sans rendre justice aux victimes de ces massacres. A cet effet, nous demandons au travers cette commémoration et à l'instar d'autres pays qui ont connu ces genres des massacres la création d'un tribunal international pour la RDC", a laissé entendre Lwamira Zacharie, président du bureau de l'assemblée provinciale du Sud-Kivu.

Cette première commémoration provinciale des massacres perpétrés au Sud-Kivu a coïncidé avec le 11ème anniversaire du rapport Mapping et a connu la participation de milliers des personnes au terrain de l'ISP en plein centre ville de Bukavu.

Justin Mwamba