Des sextape des élèves, aux nouveaux cas de choléra et de méningite, en passant par le plaidoyer du Docteur Mukwege en faveur d’un tribunal international pour la RDC, la semaine qui s’achève a été riche au niveau de l’actualité. Marie Nyombo Zaina, Coordonnatrice nationale du Réseau national des ONG de développement de la femme (RENADEF), avec plus de 15 ans dans l’activisme social décrypte chacun de ces faits.
Bonjour Madame Marie Nyombo Zaina et merci de nous accorder de votre temps. La semaine a été marquée par une sextape impliquant des élèves. Après l’annonce de leur exclusion du système éducatif, le ministre a précisé qu’il s’agissait plutôt des écoles catholiques. Comment analysez-vous ces faits ?
Marie Nyombo Zaina : cette question implique plusieurs parties. L'éducation des enfants doit être complète au niveau familial, des églises, des écoles et au niveau de l'État. Et dans ce cadre précis, j'ai l'impression que tout le monde est démissionnaire vis à vis de ses responsabilités. Après avoir visualisé ces vidéos des enfants d'environ 14 ans se livrant à ces actes ignobles, je me suis dit qu'il fallait très vite réagir. Je trouve cela très radical d'orienter les sanctions uniquement vers les enfants. Il faudrait savoir de quelles familles ils sont issus. Est-ce que ces familles ont éduqué ces enfants en tenant compte des étapes qu'ils auraient à traverser par rapport au développement de leurs corps ? C'est là qu'intervient le tabou sexuel. Le même comportement est observé au niveau même des écoles. Si les enfants n'ont pas été formés en ce sens au niveau des familles, si l'école est également démissionnaire, l'église aussi, ils ramassent alors l'éducation diffuse dans la rue. L'État aussi en est responsable d'une part. Les lois, les sanctions peuvent intervenir mais qu'est-ce qui a été fait en amont pour prévenir ces actes. Au-delà de la punition infligée aux auteurs de cette vidéo, il faut également envisager une rééducation.
Cette situation interpelle au sujet de l’éducation de la jeunesse congolaise. Parmi les causes à la base de cette sextape, les internautes ont évoqué « le tabou sur la sexualité, la musique congolaise et l’internet ». Quel est votre avis à ce sujet ?
Marie Nyombo Zaina : je suis d'accord sur ces points. Nous devons veiller en tant que parent, en tant que société congolaise, sur les différents aspects de la modernité qui nous parviennent. L'internet est un outil important, il faudrait savoir apprendre à la jeunesse congolaise garçon ou fille, à l'utiliser à bon escient. L'État congolais doit pouvoir réguler ce secteur ainsi que la musique (notamment les danses obscènes et l'habillement des danseuses), ces artistes constituent des modèles pour notre jeunesse.
En sécurité, à Beni au Nord-Kivu, la société civile décrète deux journées sans activités dès la semaine prochaine en signe de protestation contre l'insécurité qui a pris de l'ampleur en ville pendant cette période d'état de siège. Au cours de la semaine, au moins 11 civils dont 4 femmes ont été tués y compris en Ituri. Que faire pour mettre fin aux tueries en cette période selon vous ?
Marie Nyombo Zaina : la société civile a pour rôle, l'éveil et l'interpellation. Elle a toujours été là depuis le début des massacres dans cette partie du pays. Il faut l'unité nationale, il faut que les populations Congolaises au niveau de l'Est et sur toute l'étendue du pays s'unissent et se lèvent contre l'insécurité dans cette région sans qu'il y ait des intrus qui travaillent contre la paix. Je proposerai des campagnes de sensibilisation sur la paix et l'amour du pays. Cela doit se faire dans toutes nos communautés. L'État doit également rétablir son autorité sur le territoire national. Les militaires affectés au front doivent être bien pris en charge pour qu'ils ne soient pas corrompus par des miliciens. Enfin, il faudrait procéder à un recyclage au sein de l'Armée et de la police.
Dans un communiqué pari le 10 septembre, le Docteur Denis Mukwege plaide pour que lors de la prochaine Assemblée générale annuelle de l'ONU, Félix Tshisekedi sollicite l’aide des Nations unies et l’adoption d’une résolution du Conseil de sécurité pour mettre en place sans tarder une équipe d’enquêteurs concernant la situation d’insécurité persistante à l’Est. Il plaide aussi pour l’établissement d’un Tribunal pénal international pour la RDC. Pensez-vous que ces résolutions vont permettre de rétablir la paix dans cette région du pays ?
Marie Nyombo Zaina : je pense qu'il y a beaucoup de résolutions élaborées depuis le début de l'insécurité à l'Est de la RDC, énormément de résolutions. Cependant la mise en application tarde à être faite. Je citerai notamment la Résolution 1325 du Conseil de sécurité de l'ONU sur la paix et la sécurité. Elle existe depuis 2002. Est-ce qu'une évaluation régulière est faite pour savoir à quel niveau de mise en œuvre se situe la RDC ? Dans la région des Grands Lacs également, il y a des résolutions. À ce niveau, il faut toutes les répertorier et les évaluer. Le plaidoyer pour la mise en place d'un tribunal international pour la RDC tarde encore. C'est un très bon plaidoyer. Nous avons enterré des milliers de morts et cela doit prendre fin.
Les prix des surgelés ont augmenté plutôt que de baisser selon la décision du gouvernement environ un mois après. Les sociétés importatrices refusent pour la plupart de vendre aux prix convenus avec les ministères. Comment devrait réagir le gouvernement face à ce refus ?
Marie Nyombo Zaina : je pense que le gouvernement devrait arrêter de prendre des mesures impopulaires. Avant de prendre une mesure, il faut d'abord une étude et des analyses de la situation socio-économique du pays. Le commerçant qui vend voudrait obtenir des intérêts et non pour faire des donations sociales. À ce niveau, le gouvernement peut mettre en place une commission socio-économique pour analyser, étudier la faisabilité de cette décision et travailler avec des opérateurs économiques pour évaluer le coût de l'importation des denrées alimentaires par rapport aux prix fixés au pays, trouver ensemble des solutions.
Après un récent plaidoyer de 3 organisations en vue de la mise en place de la dotation de 0,3% pour le développement communautaire dans les zones minières, la ministre de tutelle, Antoinette N’samba a annoncé pour bientôt la signature de l’arrêté. Que faudra-t-il selon vous, pour assurer l’effectivité et les bénéfices de cette mesure pour les populations des zones minières ?
Marie Nyombo Zaina : c'est une bonne chose. La RDC est riche mais c'est incompréhensible de voir comment sa population souffre. Les exploitants miniers s'installent dans nos milieux, exploitent des minerais, ne paient pas souvent des taxes et s'imposent en complicité avec certains politiciens et généraux qui se constituent en bouclier pour ces exploitants. La communauté locale ne bénéficie de rien, elle meurt de faim. Et lorsqu'elle se lève pour revendiquer ses droits, c'est alors que naissent des groupes armés et des miliciens, financés et soutenus par des "hommes forts". Ils sèment l'insécurité autour de ces droits des communautés. Je soutiens à 100% ces plaidoyers.
Le député national Gaël Bussa a déposé mardi 7 septembre, au bureau de l'Assemblée nationale, une proposition de loi qui régule le loyer et le fixe en Franc congolais. Que pensez-vous de cette loi ? Faudrait-il qu’elle soit adoptée ? Pourquoi ?
Marie Nyombo Zaina : je propose aux élus nationaux de se pencher sur les véritables questions sociales. Ceux qui ont bâti leurs maisons n'ont pas bénéficié d'un prêt de la part de l'État pour le faire. Ce sont des propositions de lois qui n'ont pas d'impact sur le vécu quotidien des populations. Il faut s'attaquer au problème de gouvernance. Lorsque nous aurons un État fort, où les moyens servent à la construction des écoles, des hôpitaux, des routes, d'eau potable, d'énergie électrique, au paiement des agents publics, cela va amener le développement en RDC et tous les autres secteurs vont se régulariser. Je voudrais que les élus nous aident à savoir comment utiliser les taxes que nous payons pour nos voyages à l'international (55 $ Gopass), les taxes au niveau des communes, des marchés, alors que nos routes sont délabrées, notre environnement n'est pas sain.
En santé, au moins 90 cas de choléra dont 8 décès ont déjà été recensés depuis début août dans le territoire de Mwenga au Sud-Kivu. L’épidémie fait également des morts dans le Tanganyika. Entre temps, dans la Tshopo, 129 décès liés à une épidémie de méningite ont été enregistrés. Que faire pour lutter efficacement contre ces maladies?
Marie Nyombo Zaina : il faut arriver à améliorer la gouvernance en matière de santé. S’il n’y a pas d'hôpitaux dans ces provinces, s'il n'y a pas de système qui permette que l'environnement sanitaire puisse s'améliorer, nous n'aurons que ce résultat. Le choléra est notamment causé par l'eau qui n'est pas potable. Nous allons parfois dans les milieux ruraux et nous voyons comment le personnel de santé transporte difficilement les produits médicaux. Il faut également la participation communautaire pour jouer le rôle des systèmes d'alerte à chaque fois qu'une maladie s'annonce. Il faut donc redynamiser le système de santé en améliorant la gouvernance, affecter les ressources là où il faut, en faisant le suivi, l'assainissement des milieux et l'amélioration des habitats pour prévenir toutes les maladies évitables.
Les médecins des services publics de l’Etat membres du Syndicat national des médecins (SYNAMED) et du syndicat des médecins du Congo (SYMECO) menacent de reprendre la grève qui a été levée en date du 4 août dernier après avoir conclu un accord avec le gouvernement. Comment le gouvernement devrait-il réagir face à cette situation ?
Marie Nyombo Zaina : il faut savoir cultiver l'esprit du respect des accords. Si ces personnels veulent relancer la grève, cela pousse à dire qu'il n'y avait pas eu de franchise entre les parties. Pendant que les cas de choléra augmentent, les cas de méningite aussi, imaginer la reprise de la grève du personnel de santé (...) À quoi faudrait-il s'attendre ? Il est question de revisiter l'accord, se mettre d'accord sur les clauses et les mettre en application.
Pour la riposte contre la Covid-19, 250 000 doses de vaccin Moderna ont été reçues lundi à Kinshasa permettront destinées à 15 provinces identifiées par le Programme Elargi de Vaccination (PEV). Quel est votre avis sur le vaccin ?
Marie Nyombo Zaina : il faut intensifier les séances de sensibilisation car beaucoup de personnes ne croient toujours pas à l'existence de la maladie. Ensuite, démontrer à la population que le moyen efficace de prévention est la vaccination.
Les Léopards de la République Démocratique du Congo (RDC) ont concédé le nul (1-1) devant les Ecureuils du Bénin en match comptant pour la 2ème journée des éliminatoires de la Coupe du monde, Qatar 2022. Après les échecs enregistrés au cours des dernières années, que faire pour remonter la pente ?
Marie Nyombo Zaina : c'est un problème de préparation. Il faut que nos joueurs soient bien encadrés, que les matches soient bien préparés en amont et que les joueurs soient dotés de tous les moyens nécessaires à leur activité.
Propos recueillis par Prisca Lokale